Critiques littéraires Bande dessinée

Les jolis ricochets de Julie Ricossé

Les jolis ricochets de Julie Ricossé

À la vie, à la mer de Julie Ricossé, Éditions Dargaud, 2024, 136 p.

Ximi, 8 ans, et Tao, 14 ans, vivent avec leurs parents sur un voilier. Ils posent l’ancre au large de diverses côtes, le temps d’escales éphémères que Ximi trouve toujours trop courtes. Alors bien sûr, les interactions sociales de cette petite famille sont limitées, sans cesse raccourcies par l’annonce d’un nouveau départ. Difficile à ce rythme de se faire des amitiés durables. Ximi est d’ailleurs catégorique : elle aimerait aller à l’école comme les autres enfants. Mais est-on comme les autres enfants lorsqu’on grandit sur l’eau ?

À la vie, à la mer de Julie Ricossé, entre autobiographie et fiction, nous raconte cette expérience maritime familiale. Car il est des lieux qui, plus que les autres, façonnent. La mer en est un. Vivre au gré de l’eau forge l’esprit. On le ressent, au rythme des joies, des colères, des tristesses ou des rêveries de ces deux enfants : vivre son enfance ou son adolescence dans un espace naturel de cet ordre donne aux sentiments et aux sensations l’espace pour se déployer et s’extérioriser sans filtres.

On comprend bien, au fil du récit, que plane sur les membres de cette famille un danger, celui d’être rattrapés par un passé dont ils ne parlent pas, un événement qu’ils taisent et qui les force à rester à l’écart de la société des hommes. La clé se trouvera certainement dans le récit parallèle qui vient, par à-coups, ponctuer l’album : celui de Rudi et Sol, les parents, lorsque, des années plus tôt, ils se sont rencontrés. On le devine, les tenants et aboutissants de cette fuite en mer se préciseront et deviendront centraux dans la trame du second volume de ce diptyque, à paraître.

Mais la force du récit d’À la vie à la mer est d’éviter de s’enfermer dans une intrigue trop huilée, dans un message ou un commentaire social trop évident. Il ne s’agit pas de traiter la situation de cette famille sous l’unique angle de sa mise à l’écart de la société. Cette vie en mer peut certes être perçue comme un fait social, mais on ressent que c’est aussi un choix, un plaisir, lié à des tempéraments qui n’ont que faire du commentaire. Et c’est ce dialogue permanent entre une caméra large qui contextualise l’aventure de Ximi et Tao dans le monde des terriens, et une caméra rapprochée qui s’intéresse à leur individualité, qui fait la richesse de cet album.

Le dessin de Julie Ricossé fait à l’occasion de cet album un petit pas vers plus de synthèse qu’à l’accoutumée. Elle nous avait habitués à un code graphique fait d’un foisonnement de traits fins noirs, héritiers de l’esthétique de la gravure, jouant parfois sur des jeux de déformations. C’était le cas dans de très beaux albums pour la jeunesse tels que Le Jour où j’ai perdu mon temps (2006), ou Peter au royaume d’En dessous (2010) ou en bande dessinée, comme avec Morocco Jazz (2017).

Ici, rien de tout cela : par des coups de pinceaux plus larges, des plages d’aquarelle plus sobres, elle propose des visuels qui ont le dépouillement de la sincérité. On attend le second volume de cette histoire qui sonne déjà comme le cœur battant de la bibliographie de Julie Ricossé.


À la vie, à la mer de Julie Ricossé, Éditions Dargaud, 2024, 136 p.Ximi, 8 ans, et Tao, 14 ans, vivent avec leurs parents sur un voilier. Ils posent l’ancre au large de diverses côtes, le temps d’escales éphémères que Ximi trouve toujours trop courtes. Alors bien sûr, les interactions sociales de cette petite famille sont limitées, sans cesse raccourcies par l’annonce d’un nouveau départ. Difficile à ce rythme de se faire des amitiés durables. Ximi est d’ailleurs catégorique : elle aimerait aller à l’école comme les autres enfants. Mais est-on comme les autres enfants lorsqu’on grandit sur l’eau ?À la vie, à la mer de Julie Ricossé, entre autobiographie et fiction, nous raconte cette expérience maritime familiale. Car il est des lieux qui, plus que les autres, façonnent. La mer en est un. Vivre au...
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