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Nos Lecteurs ont la Parole

La fête des mères, les mères et moi !

J’avais la trentaine passée lorsque j’ai donné naissance à ma fille. L’attente a été longue, interminable, presqu’infinie. J’avais toujours caressé le rêve d’enfanter, il me fallait produire pour être, procréer pour exister, vraisemblablement par besoin d’immortaliser, de perpétuer, de perdurer, continuer, me réaliser.

Je n’ai pas pu identifier ma fille à sa naissance… À la pouponnière tous les bébés se ressemblent. Ils sont tous mignons, attendrissants, émouvants. Ils sont tous dans des couffins bien rangés, drapés et couverts jusqu’au bout du nez…

On me mit ma fille dans les bras, tel un paquet qu’on vous remet un jour de Noël… Vous dire que je l’ai aimée au premier toucher serait vous leurrer… L’instinct maternel ne s’est point réveillé.

J’ai dévisagé mon bébé, l’ai contemplé, scruté, fixé. Je tenais tout contre moi ce poupon que j’ai attendu depuis toujours, que j’ai espéré, que j’ai désiré de toutes mes forces, que j’ai souhaité avec fougue et passion, que j’ai voulu… Je ne savais pas trop comment faire ni quoi faire de cet être si minuscule, si fragile, si délicieux, si exquis, si attachant, mais si dépendant aussi… Cet être qui n’est pas à moi, qui ne sera pas à moi, mais qui sera lié à moi, sera façonné par moi, comptera sur moi et sera élevé par moi. Cet être qui fera de moi une maman…

Mon bébé comme tous les bébés de la terre entière a pleuré, a eu faim, a eu mal… Mon bébé comme tous les bébés de la terre entière a fait ses premiers pas, a prononcé ses premiers mots, a eu sa première dent. Il m’a donné son premier baiser. Mon enfant comme tous les enfants de la terre entière a été à la maternelle, au primaire, au secondaire et à l’université. Ma fille m’a remis ses succès. Comme toutes les filles de la terre entière, elle a bravé des difficultés, a affronté des contraintes et défié des entraves. Elle m’a offert ses lauriers. Ma fille comme toutes les filles de la terre entière s’est remise à moi, moi sa mère, m’a révélé à moi-même, m’a montré ce que je valais, m’a prouvé que j’existais…

Je n’étais plus seule. Je vivais avec ma fille. Dans la journée, je travaillais pour elle, la nuit, je me réveillais pour elle, je m’occupais d’elle et par elle. Pour elle, je me faisais courageuse, audacieuse, généreuse, autoritaire, bienveillante, impérative, indulgente, cassante, clémente, tolérante, sévère, indulgente. Je jouais tous les rôles. J’évoluais par elle et grâce à elle… Je rêvais pour elle, je me surveillais pour elle, je me soignais pour elle, je me faisais belle pour elle, je pensais mes fréquentations pour elle. Je me considérais, je m’examinais, je me jugeais, je grandissais… pour elle et avec elle.

J’existais pour ma fille et par ma fille… Ma vie prenait tout son sens, par elle. À travers elle, j’oubliais le passé, je vivais le présent pour tisser l’avenir avec elle… Je dessinais des horizons toujours plus larges, plus vastes et demain prenait toujours un goût de jouissance et d’allégresse.

Pour elle, par elle et avec elle, les années ont coulé, tantôt sucrées, tantôt amères…. Je la regardais aller sur les chemins de la vie, ceux qu’elle a choisis.

S’il est vrai ma fille que je t’ai allaitée, lavée, soignée, formée, éduquée, élevée, gardée, protégée, surveillée, aidée, épaulée, je te dirai que, grâce à toi, j’ai exercé la plus belle profession, celle d’être mère. Grâce à toi, j’ai appris à aimer sans conditions, à comprendre sans conventions, à me donner sans restriction. Pour toi, j’ai soulevé des montagnes, j’ai abattu des difficultés, je me suis créé tout un monde fait d’ingéniosités… À travers toi, j’ai fait tant de voyages, j’ai tracé de grands espaces, j’ai pris tant de bateaux, avec toi, j’ai rêvé.

Alors pour la fête des mères, je refuse que tu t’encombres de gratifications pour m’honorer ou de cadeaux pour me combler. Je réfute des distinctions flatteuses et des décorations encenseuses. Je ne désire pas être inondée par des compliments enjôleurs. Je ne conçois pas cette bonification insensée, cette récompense démesurée.

Pour cette fête des mères, c’est toi que je célèbre, toi ma fille, mon adorée car, le plus beau rêve, c’est toi qui me l’as donné. Par toi, j’ai accompli mon plus beau projet. J’ai tout simplement existé, je me suis réalisée… Par toi, je suis devenue une mère comblée.

Je te remercie de m’avoir construite et élevée.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

J’avais la trentaine passée lorsque j’ai donné naissance à ma fille. L’attente a été longue, interminable, presqu’infinie. J’avais toujours caressé le rêve d’enfanter, il me fallait produire pour être, procréer pour exister, vraisemblablement par besoin d’immortaliser, de perpétuer, de perdurer, continuer, me réaliser.Je n’ai pas pu identifier ma fille à sa naissance… À la pouponnière tous les bébés se ressemblent. Ils sont tous mignons, attendrissants, émouvants. Ils sont tous dans des couffins bien rangés, drapés et couverts jusqu’au bout du nez…On me mit ma fille dans les bras, tel un paquet qu’on vous remet un jour de Noël… Vous dire que je l’ai aimée au premier toucher serait vous leurrer… L’instinct maternel ne s’est point réveillé. J’ai dévisagé mon bébé, l’ai...
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