
Hoda Chedid et son sourire inoubliable... Photo Facebook
Ce n’est pas un hasard si tu es partie pour la fête des mères… Dieu a voulu que tu célèbres cette journée avec la tienne et trouve le repos dans ses bras. Désormais, chaque 21 mars, je ne pourrai m’empêcher de penser d’abord à toi, à la maman que tu étais pour tous ceux qui t’étaient chers. Une maman qui nous a tous enveloppés de son amour, qui nous souriait malgré sa douleur, qui nous offrait sa tendresse et son affection chaque fois que nous frappions à sa porte.
Je t’appelais presque chaque jour pour prendre de tes nouvelles et te donner de la force, mais c’est moi qui finissais, en raccrochant, par la puiser en toi. « Nous, les filles du Nord, nous sommes des battantes », me disais-tu toujours. « Tu me ressembles tellement, Ratrout : tu penses toujours d’abord aux autres, tu donnes tout à ton travail, te laisse souvent emporter par l'émotion, le stress ou le chagrin… Mais tout cela m’a rendue malade, ne fais pas comme moi ». Je ne sais pas vraiment si je te ressemble, ou à quel point. Mais ce qui est certain, c’est que tu as toujours été un modèle pour moi. Dans ce métier, où tu t’es imposée comme une figure exceptionnelle : l’amie de tout le monde mais qui ne perdait jamais son objectivité ; la reporter courageuse qui courait après le danger au lieu de le fuir ; la correspondante de confiance que le scoop venait trouver ; la modératrice qui illuminait l'écran à chacun de ses passages… toujours belle (les cheveux carrés, avec une perruque, ou un foulard), toujours élégante, toujours souriante.
Mais surtout dans la vie. Cette vie qui n’a pas été clémente avec toi, mais que tu as confrontée avec courage. Et surtout avec dignité.
Je n’oublierai jamais la dernière fois que je t’ai vue. Tu m’as serrée fort dans tes bras. Et comme à ton habitude, tu as vidé ton frigo pour dresser la table. « Tu n’as sûrement rien mangé ! J’ai de la moujaddara. J’ai aussi des courgettes farcies. Et les cornichons de Moni, piquants comme tu les aimes. » Ce jour-là, j’avais déjà mangé, mais je t’ai menti : j’avais appris par ta sœur que tu n’avais rien avalé de la journée, et t'avais répondu que je ne pouvais manger que si tu m’accompagnais. Et nous étions là, toutes les deux, à forcer notre appétit pour que l’autre puisse manger aussi… Sans dire un mot.
Jusqu’au moment où tu as lancé sans introduction : « Je suis fatiguée ya Ratrout… Je n’ai plus l'envie ni la force de me battre ». Comment te répondre ? Je ne savais pas. J’ai d’abord opté pour « tu as des olives ? » Tu as souri. « Je n’ai pas peur de partir, j’ai peur de vous rendre tristes ». Je t’ai alors dit, en te regardant dans les yeux : « Tu dois te battre pour nous. Nous sommes nombreux à t'aimer et à ne pas vouloir te laisser partir. Oui, nous sommes peut-être égoïstes, mais toi tu ne l'as jamais été… » Tu as soupiré… puis m’a proposé un dessert.
Ce jour-là, tu savais peut-être que c’était la dernière fois que tu me voyais. « Que puis-je te laisser de moi ? », m’as-tu demandé, les yeux brillants. « Arrête de parler ainsi ! », t’ai-je répondu. Mais tu n’as pas écouté. Tu as ouvert ton sac et sorti une relique de Saint Charbel. « C’est ce que j’ai de plus précieux. Garde-la toujours dans ton portefeuille. » La relique est dans mon portefeuille, et toi, tu resteras dans mon cœur, ma Hoda.
Pardonne-moi. Lundi tu m’as dit et insisté : « Passe me voir avant ou après le travail, tu me manques. » Mais ma semaine était chargée. J’étais débordée par l'actualité et ce métier auquel nous avons toutes les deux tout donné. Et je te disais : « Demain, pour sûr. » Je comptais y aller samedi, tu sais ? C’est mon jour off et je peux rester sans regarder ma montre toutes les deux minutes… Mais je n’ai pas eu le temps… Pourquoi ne m’as-tu pas attendue ? Pourquoi n'ai-je pas compris ? Même en quittant ce monde, tu m’as appris une leçon à mes propres dépens : ne plus rien reporter au lendemain.
Je ne suis pas triste que tu sois partie. Au contraire. Maintenant, tu es avec Ziad, l’homme de ta vie que tu as choisi d'épouser envers et contre tout, la maladie, la volonté de tes parents… pour devenir veuve cinq mois plus tard. Avec ta mère qui te manquait terriblement. « Je regrette beaucoup l'inquiétude que je lui ai fait vivre et les années que j’ai passées loin d’elle », me disais-tu. Et avec Charbel, que tu visitais régulièrement à Annaya pour te sentir en paix. Tu es dans un endroit qui te ressemble. Un endroit de sérénité, de pureté… où tu ne te bats plus contre rien.
Je suis triste parce que moi, je suis restée sur une terre devenue beaucoup plus laide et froide… sans toi.
Je t’aime, Hodhod.
Magnifique hommage ! Qu'elle repose en paix.
10 h 46, le 24 mars 2025