
Des pompiers éteignent un véhicule de la Finul en feu, incendié par des manifestants, sur la route menant à l'Aéroport international de Beyrouth (AIB), le 14 février 2025. Ibrahim Amro / AFP
Au lendemain de l'attaque contre un convoi de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) qui a blessé deux Casques bleus népalais vendredi soir dans la banlieue-sud de Beyrouth, 25 personnes ont été interpelées par les services de renseignement de l'armée libanaise, a indiqué le ministre de l'Intérieur Ahmad Hajjar.
« L'attaque contre les forces de la Finul est considérée comme un crime et les poursuites seront menées avec toute la rigueur nécessaire pour en arrêter les auteurs. Nous avons plus de 25 détenus », a déclaré le ministre lors d'une conférence de presse tenue à la suite d'une réunion d'urgence à laquelle s'est joint le Premier ministre Nawaf Salam. Ces arrestations ont été menées « dans le but de découvrir tous les détails de l’incident et d’identifier ses auteurs » et a concerné « plusieurs jeunes hommes qui étaient présents sur les lieux de l’attaque contre le convoi de la Finul et lors du blocage de la route de l’aéroport », a-t-il précisé.
Dans la foulée de cet incident, une pluie de condamnations a visé ses responsables, vraisemblablement des partisans du Hezbollah. Les carcasses fumantes des véhicules incendiés témoignent de la violence de l'attaque. « Le commandant adjoint sortant de la force, qui rentrait chez lui après la fin de sa mission, a été blessé. (...) Nous sommes choqués par cette attaque scandaleuse contre des Casques bleus qui ont œuvré pour rétablir la sécurité et la stabilité dans le sud du Liban pendant une période difficile », affirme le texte qui demande l'ouverture d'une enquête « immédiate ».
Contactée par L'OLJ, la Finul a indiqué samedi que les deux Casques bleus blessés sont népalais et ont été hospitalisés. Le consulat du Népal, un plus importants pourvoyeurs de soldats au sein des contingents de la Finul, « condamne avec la plus grande fermeté un acte inacceptable » qui constitue « une violation flagrante du droit international et de la noble mission de la force de maintien de la paix au Liban », dans un communiqué relayé samedi par l'Agence nationale d'information (ANI, officielle). Des tensions avaient déjà éclaté jeudi sur la route de l'aéroport à la suite de l'interdiction notifiée à des avions iraniens d'atterrir au Liban.
« Identifier les assaillants »
Les réactions n'ont pas tardé au sein de l'exécutif et du nouveau gouvernement, à commencer par le Premier ministre Nawaf Salam qui a appelé le soir même la coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert, et le chef de la mission et commandant de la force de la Finul, le général Aroldo Lazaro, pour condamner « dans les termes les plus forts l'attaque criminelle contre les véhicules et le personnel de la Finul » , comme le rapporte l'ANI. Il les a assurés qu'il avait demandé au ministre de l'Intérieur, Ahmad Hajjar, de « prendre des mesures urgentes pour identifier les assaillants, travailler à leur arrestation et les déférer à la justice compétente pour qu'elle prenne les mesures appropriées ».
« Ce qui s'est passé la nuit dernière sur la route de l'aéroport et dans certains quartiers de Beyrouth relève de comportements inacceptables devant être condamnés et qui ne peuvent être répétés », a abondé le président Joseph Aoun samedi matin, en promettant que « les forces de sécurité ne feraient preuve d'aucune indulgence envers quiconque tenterait de perturber la stabilité et la paix civile », dans un communiqué publié par la présidence sur X. Il a également insisté sur la nécessité de « poursuivre et d'arrêter les auteurs d'atteintes à la sécurité et de les déférer à la justice, qui a commencé ses enquêtes sur le terrain », tout en affirmant « son soutien total à la Finul dans l'accomplissement de ses tâches ».
Réunion d'urgence
Dans ce contexte, le ministre de l'Intérieur, le général de brigade Ahmad Hajjar, a convoqué une réunion d'urgence du Conseil central de sécurité ce samedi à 11h avec les responsables des différentes forces de sécurité « pour faire le point sur la situation sécuritaire à la lumière des récents incidents », rapporte l'ANI, qui précise que le Premier ministre s'est joint à cette réunion pour « donner ses directives afin qu'il n'y ait aucun compromis dans le maintien de la sécurité sur tout le territoire libanais, (...) y compris celle des voyageurs de l'Aéroport international Rafic Hariri, et pour empêcher toute agression contre les biens publics et privés et les tentatives de blocage des routes ».
Le ministre de l'Intérieur a par ailleurs rendu visite samedi matin aux deux officiers blessés de la Finul à l'hôpital Saint-Georges de Beyrouth, où il a réaffirmé « le rejet par le gouvernement libanais de cette attaque, qui est un crime contre les soldats de la paix ». Le commandant en chef de l'armée libanaise par intérim, le général de division Hassan Audi, s’est lui aussi enquis de la santé des deux Casques bleus, dont le général népalais Chok Bahadur Dhakal, commandant adjoint de la Finul, à l'hôpital Saint-Georges de Beyrouth en leur souhaitant « un prompt rétablissement ». Il a également souligné le « rejet » par le commandement de l’armée de « toute attaque contre des membres de la Finul » et confirmé que ses forces œuvraient pour « arrêter les assaillants et les traduire en justice », dans une publication de la troupe sur X.
L'incident a également été commenté à l'international, le département d'État américain ayant exprimé son indignation contre « l'attaque violente qui aurait été perpétrée par un groupe de partisans du Hezbollah » et saluant «l'engagement du gouvernement libanais » pour que les responsables de l'attaque de Beyrouth répondent de leurs actes». La diplomatie française s'est jointe aux critiques en condamnant « avec la plus grande fermeté » cet acte qualifié d’« inacceptable ».
Le Hezbollah appelle au rassemblement
Du côté de Haret Hreik, aucun commentaire sur l'incident en lui-même n'a émergé, si ce n'est la prise de parole du député Hassan Ezzedine, membre du bloc parlementaire du Hezbollah. « Sur quelle base cet avion a-t-il été interdit d’atterrir ? Pour quoi ? Pour satisfaire l’ennemi ou pour céder aux pressions extérieures ? Y a-t-il eu soumission à des diktats ayant conduit à cette interdiction ? », a-t-il lancé en référence aux événements de jeudi. Il a condamné la volonté affichée de l'armée israélienne de maintenir sa présence au Liban-Sud au-delà du 18 février, date à laquelle a été prolongée le délai d'application de l'accord de cessez-le-feu ayant mis un terme à la guerre entre le parti chiite et Israël au Liban, sans faire référence à l'incident de vendredi soir.
Le parti chiite n'a pas réagi officiellement mais, dans un communiqué publié samedi, il a appelé ses partisans à « un sit-in populaire » à 16 heures, le jour même, dans l'avenue de l'imam Khomeini qui correspond à la route de l'aéroport de Beyrouth. Un rassemblement organisé « pour dénoncer l'ingérence israélienne, les diktats et l'atteinte à la souveraineté nationale », selon le texte du parti chiite.
« Ils tentent de compenser dans la rue le pouvoir qu’ils ont perdu sur l’État », a commenté sur X de son côté Waddah Sadek, député issu de la contestation. « Ils peuvent essayer de le récupérer par la force, mais cela appartient au passé, quoi qu'ils fassent. Ils n’ont d’autre solution que de se soumettre à l’autorité de la loi et de la Constitution, de retourner dans leur État et leur patrie et d’abandonner leur lien avec un projet qui ne leur a apporté que destruction et mort. »
De son côté, le chef de file du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) Gebran Bassil a réagi en appelant à la création « d’aéroports supplémentaires », un argument souvent employé par les opposants au Hezbollah, régulièrement accusé d’utiliser l’Aéroport international Rafic Hariri à des fins personnelles, notamment pour des trafics présumés d’armes et d’argent.
« Le Liban a besoin d'aéroports supplémentaires à Qleyaat, Hamat et Rayak, des aéroports spécialisés dans le transport de marchandises et de passagers à prix réduits et le transport privé. « Cela contribuera à stimuler le tourisme, à développer l'économie et le développement régional », a écrit M. Bassil sur X. Une requête également formulée par Walid Baarini, du bloc de la Modération nationale (composé majoritairement de sunnites ex-haririens).
Le parti des Forces libanaises (FL) a, quant à lui, salué les déclarations et les prises de position dénonçant cet acte et exhorté les autorités judiciaires et militaires compétentes à « arrêter les agresseurs et les traduire en justice, car il ne peut y avoir de stabilité sans reddition des comptes et une sanction ferme ». Le parti de Samir Geagea a également souhaité un prompt rétablissement au général népalais Chok Bahadur Dhakal.
Le Parti socialiste progressiste (PSP, de Walid Joumblatt) a déclaré, dans un communiqué samedi, que « les récents mouvements et barrages routiers observés à travers le pays au cours des deux derniers jours sont inacceptables et injustifiés, quelles qu'en soient les raisons. De telles actions ne servent en aucun cas le redémarrage indispensable du pays ». Le PSP a également condamné « les attaques contre les forces des Casques bleus, car elles s'alignent malheureusement sur les assauts de l'occupation israélienne contre ces forces pour les empêcher de jouer leur rôle aux côtés de l'armée libanaise dans la mise en œuvre de la résolution 1701 de l'ONU et la dénonciation des violations et des agressions de l'ennemi ». Le mouvement Amal, de son côté, a condamné vendredi soir « l'attaque contre la Finul, [qui] est une attaque contre le Liban-Sud ».
Un sit in? Sérieusement? Ils n’ont plus personne pour les protéger, alors comment comptent ils faire pour camper dans des régions qui ne veulent pas d’eux? On leur rappelle que lors du sit in des patriotes pour réclamer leur droit à défendre leur train de vie dont ils étaient les premiers concernés, leurs voyous sont venus tabasser leurs concitoyens et brûler leurs tentes avec une barbarie qui les distingue. A quoi s’attendent ils avec leur sit in?
12 h 02, le 16 février 2025