La sociologue turque Pinar Selek à Nice, en mars 2023. Photo Valery HACHE / AFP
Le procès à Istanbul de la sociologue et écrivaine turque réfugiée en France Pinar Selek, accusée de « terrorisme » et poursuivie depuis 27 ans en Turquie malgré quatre acquittements, a été une nouvelle fois renvoyé vendredi, a constaté l'AFP.
La prochaine audience aura lieu le 25 avril.
C'est la quatrième fois en moins de deux ans que le Tribunal criminel d'Istanbul se réunit, ouvre et ajourne l'audience presque instantanément, arguant avoir demandé des « éléments supplémentaires » au ministère de la Justice.
« Le but c’est de nous fatiguer, de fatiguer mes soutiens, de fatiguer aussi la presse (...) C’est une guerre des nerfs et c'est difficile de continuer », a réagi Pinar Selek lors d'une conférence de presse à Nice (sud de la France), où elle réside et travaille.
« Je suis un peu énervée, mais on va y arriver », a-t-elle poursuivi en citant le philosophe Gilles Deleuze: « Les pouvoirs ont besoin de corps tristes pour gouverner ».
En juin dernier elle avait évoqué « un procès kafkaïen. Je suis face à l'irrationalité ».
Le père de l'accusée, Alp Selek, qui est également l'un de ses avocats, était de nouveau présent, avec des représentants consulaires français et suisse, ainsi qu'une délégation d'élus et de défenseurs des droits, français et européens.
Les trois précédentes audiences, en mars et septembre 2023 et le 28 juin 2024, avaient été également renvoyées.
La justice turque a déjà justifié ces reports par sa demande d'extradition de Pinar Selek, exigeant d'entendre l'accusée in situ.
Mais l'universitaire craint d'être arrêtée dès son arrivée en Turquie. Elle a proposé d'être entendue depuis un tribunal français, mais cette offre a été rejetée.
Âgée de 53 ans, Pinar Selek avait été arrêtée en Turquie en 1998 pour ses travaux sur la communauté kurde, avant d'être accusée d'être liée à une explosion qui venait de faire sept morts au bazar aux épices d'Istanbul.
Libérée fin 2000, elle est un temps restée à se battre en Turquie avant que des menaces ayant suivi la publication d'un ouvrage ne la poussent à l'exil.
En juin dernier, l'accusation a ajouté une nouvelle pièce au dossier en accusant la chercheuse d'avoir participé à un événement organisé en France par le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
Ce dont Mme Selek se défend, affirmant avoir animé une table-ronde autour de femmes kurdes, organisée par son université.
Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par Ankara et par l'Union européenne.
La Turquie attend une déclaration imminente du chef historique et fondateur du PKK Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 26 ans, qui appelerait le PKK à déposer les armes après quatre décennies de guerilla contre les autorités d'Ankara.
Présente à l'audience, Melissa Camara, élue française au Parlement européen, a dénoncé une « persécution incessante » et un « acharnement injustifiable » contre l'universitaire.
Dans une tribune publiée fin janvier dans cinq grands quotidiens européens, 500 universitaires d'une trentaine de pays ont réclamé l'acquittement définitif de Mme Selek.
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