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Lifestyle - Patrimoine

Avis de recherche : la Syrie sur la trace de ses trésors pillés

Fouilles clandestines, vols et trafic, on ne compte plus les objets aux mille et une vies disparues…

Avis de recherche : la Syrie sur la trace de ses trésors pillés

Un nombre de structures de la nécropole de Palmyre pulvérisés. Photo AFP

Au-delà des innombrables pertes humaines, le conflit syrien n’a également pas épargné le patrimoine. Des pans entiers d’un héritage millénaire appartenant à l’humanité ont ainsi été effacés. Selon les images satellite transmises par les Nations unies, au moins trois cents sites archéologiques ont été détruits, endommagés ou pillés. Ces lieux attiraient autrefois « plus de huit millions de touristes par an. L'industrie du tourisme employait 8,3 % de la main-d’œuvre locale et contribuait à près de 14 % du produit intérieur brut (PIB) », selon une note publiée en 2021 par Syria Justice and Accountability Center (SJAC).

Le conflit a été dévastateur un peu partout sur le territoire même si le volume de destructions reste très variable d’une zone à l’autre. À 140 km au sud de Damas, le célèbre théâtre romain de Bosra – datant du IIe siècle –, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1980, a survécu aux combats, même si une petite partie des grands se sont écroulés avec des impacts de balles visibles sur l'imposant mur de scène. « Le pourcentage des dégâts ne dépasse pas les trois à cinq pour cent », assure à l’AFP le président du conseil local de la ville, Wafi al-Douss.

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Permis délivrés pour des fouilles illicites

« L’apocalypse culturelle » s’est cependant abattue sur Palmyre, joyau de l'Empire romain d'Orient et l'un des plus importants foyers culturels aux Ie et IIe siècles. Classée au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1980, l’antique Tamrod, surnommée la « Perle du désert », a vu réduit en poussière son arc monumental érigé au IIIe siècle sous le règne de Septime Sévère. Le tétrapyle – un monument à « quatre colonnes » –, le temple du dieu Baal, sanctuarisé en l'an 32, et celui de Baalshamin vieux de 1 900 ans, ont été détruits par l'État islamique en août 2015. La façade de son théâtre romain a quant à elle été endommagée par les bombardements.

Dans la « vallée des tombeaux », une série de structures de la nécropole orientale richement décorées ont été dynamitées, après avoir été pillées. Car parallèlement aux destructions du patrimoine, l'État islamique (EI), mais aussi les armées de tout bord, se sont livrés à un important trafic d'objets anciens, excavés de façon sauvage. Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco de 2009 à 2017, avait dénoncé à l’époque un pillage à l’échelle industrielle et l’afflux de pièces antiques sur les marchés clandestins. « Les objets volés dans les musées ou illégalement exhumés transitent par la Turquie, le Liban et la Jordanie, avant d’être expédiés à Genève puis aux États-Unis », signale Michel el-Maqdesi, ancien responsable des fouilles en Syrie, aujourd'hui chercheur au musée du Louvre.

Bien conservé, le théâtre romain de Bosra a survécu aux combats. Photo AFP

Lors d’une conférence donnée au musée archéologique de l’Université américaine de Beyrouth en décembre 2015, Maqdesi avait révélé, que pour renflouer ses caisses et financer ses opérations, l’EI organisait les excavations archéologiques en recrutant ses propres archéologues ou en livrant des permis de fouilles, prélevant une taxe de 30 à 40 % sur la vente des objets. Et comme ces artefacts ont été exhumés « avec soin, on suppose que les ouvriers actifs sur le terrain avaient travaillé avant la guerre avec des missions archéologiques ».

Main basse sur des trésors vieux de plusieurs siècles…

Ainsi, pour mettre la main sur des mosaïques encore enfouies, le site d’Apamée (sur l’Oronte), a été totalement détruit. La ville hellénistique fortifiée a été sérieusement endommagée par quelque 14 000 fosses creusées à la pelleteuse sur trois mètres de profondeur. Quant au site de Mari (Tell Hariri), situé à une dizaine de kilomètres de la frontière irakienne, il a été lourdement affecté. Des images satellitaires montrent des lieux dévastés, littéralement truffés de tranchées et de cratères. « 12 000 à 15 000 milles trous béants », sont creusés par les pilleurs à la recherche de trésors, signale Michel el-Maqdesi.

Mari est l’une des villes proches-orientales les plus importantes des IIIe et IIe millénaires. Elle a livré de nombreux vestiges archéologiques, dont le palais royal de Zimri-Lîm, du nom du dernier roi de la cité au XVIIIe siècle. « Le palais était en passe d'être classé au patrimoine mondial de l'Unesco », précise au journal Le Monde, l'archéologue Pascal Butterlin, directeur de la mission archéologique française de Mari. Le site a également livré près de 25 000 tablettes cunéiformes formant les archives des rois de la cité. Du temps du mandat français, les tablettes avaient été prêtées à la France pour étude et publication, avant d'être restituées à la Syrie et conservées au musée de Deir ez-Zor.

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Selon un rapport sur l’état des musées syriens en 2020, les collections les plus importantes du musée de Deir ez-Zor avaient été transférées à Damas en 2014. Une partie des objets qu’abritaient les musées de Palmyre et Hama avait été aussi évacuée – avant que l’EI ne fasse main basse sur Palmyre. Quant au musées de Raqqa et de Maaret el-Nu'man, dans la province d’Idlib, ils ont été mis à sac. Le premier abritait une importante collection d'artefacts datant de la préhistoire aux temps modernes. Le second conservait les fameuses mosaïques de l'Apamée.

Victimes également de la guerre, Ebla (Tell Mardikh) abandonné par ses gardiens et livré aux pillards, ainsi que Doura-Europos, colonie grecque située sur l’Euphrate, non loin de la frontière avec l’Irak. Doura-Europos abritait les vestiges d’une des plus anciennes églises chrétiennes connues à ce jour, une magnifique synagogue décorée de fresques exceptionnelles – qui avait été démontée et installée au musée national de Damas –, et de nombreux temples et édifices datant de l’ère romaine. Aujourd’hui, Doura-Europos offre un paysage couvert de cratères, preuve de l’ampleur des dégâts causés par les pillards.

La liste rouge de l’Icom

L'un après l'autre, les trésors de la Syrie sont tombés sous les coups de pioches et explosifs. Tell Ajaja, un site assyrien, anciennement Shadicanni, transformé en zone militaire par les jihadistes de l'EI, offre, lui, un spectacle de désolation. Des tunnels de 20 mètres y ont été forés, des fragments d'objets brisés sont visibles partout ainsi que de gros trous au sol, séquelle des pillages, a constaté un journaliste de l'AFP. Pour avoir une idée des œuvres déterrées par l’EI, les missions archéologiques avaient autrefois exhumé sur les mêmes lieux des représentations de lions et d'animaux ailés, aujourd’hui préservés dans des musées en Syrie et à l'étranger.

L'ancienne cité hellénistique d'Apamée, gravement endommagée. Photo AFP

Le conflit déclenché en 2011 a eu un impact catastrophique sur le plan humanitaire. Mais les centaines de sites endommagés, les milliers de monuments vandalisés et les pages d’histoire envolées figurent aussi parmi les crimes les plus graves jamais perpétrés depuis plusieurs générations. Dès 2013, afin d’aider les professionnels de l’art et du patrimoine, ainsi que les forces de police et les douanes, à identifier les objets archéologiques pillés, l’Icom (membre du réseau expert d’organisations internationales, reconnu par les Nations unies dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels) a publié une liste rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril. Le document est illustré par des pièces appartenant à des institutions reconnues, notamment le musée national de Damas, la collection archéologique de l'État de Bavière à Munich et les musées royaux d'art et d'histoire à Bruxelles.

Ces objets issus de différentes cultures dont la Syrie fut le berceau au cours des derniers millénaires couvrent toutes les périodes, de la préhistoire jusqu’à la période ottomane et comprend des tablettes cunéiformes, des statues, des récipients, des éléments architecturaux et de la bijouterie. Musées, maisons de vente, marchands d’art et collectionneurs sont conviés à ne pas faire l’acquisition de biens culturels similaires à ceux présentés dans cette liste sans avoir vérifié au préalable et de façon minutieuse leur provenance ainsi que la documentation légale correspondante.

En parallèle de ces découvertes et constatations, le musée de Damas a enfin rouvert ses portes. Il avait été fermé le 7 décembre 2024, la veille de la prise de la capitale par les rebelles de l'Armée syrienne libre, par crainte de pillages. Sa vaste collection comprend des dizaines de milliers de pièces, allant des outils préhistoriques à l’art islamique en passant par les sculptures gréco-romaines. Certaines d’entre elles datent de plus de 10 000 ans.

Au-delà des innombrables pertes humaines, le conflit syrien n’a également pas épargné le patrimoine. Des pans entiers d’un héritage millénaire appartenant à l’humanité ont ainsi été effacés. Selon les images satellite transmises par les Nations unies, au moins trois cents sites archéologiques ont été détruits, endommagés ou pillés. Ces lieux attiraient autrefois « plus de...
commentaires (1)

Merci les révolutionnaires soutenus par l’occident et la Turquie. Pour éliminer un homme vous avez détruit une perle d’orient. Ne venez pas pleurnicher maintenant….. votre manège ne trompe personne….,

Marie elise Loubic

18 h 52, le 18 janvier 2025

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Commentaires (1)

  • Merci les révolutionnaires soutenus par l’occident et la Turquie. Pour éliminer un homme vous avez détruit une perle d’orient. Ne venez pas pleurnicher maintenant….. votre manège ne trompe personne….,

    Marie elise Loubic

    18 h 52, le 18 janvier 2025

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