Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Lettre de Gaza

Noor al-Yacoubi, traductrice : « Israël intensifie souvent ses attaques » avant un cessez-le-feu

Alors que le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël annoncé ce mercredi n'entrera en vigueur que le 19 janvier, cette habitante de l'enclave palestinienne livre ses appréhensions.

Noor al-Yacoubi, traductrice : « Israël intensifie souvent ses attaques » avant un cessez-le-feu

Des Palestiniens inspectent les dégâts causés par une frappe israélienne sur une école dans le centre de la ville de Gaza, qui abrite un certain nombre de personnes déplacées, le 15 janvier 2025. Omar al-Qattaa/AFP

Noor al-Yacoubi, 25 ans, traductrice et coordinatrice médias dans un centre de recherche, vit dans la bande de Gaza, bombardée et assiégée par l’armée israélienne depuis les premiers jours de la guerre opposant le Hamas à l’État hébreu le 7 octobre 2023. Quelques heures avant l'annonce d'un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, elle a raconté à L’Orient-Le Jour son état d'esprit ainsi que celui d'autres habitants de l'enclave palestinienne, alors que le mouvement islamiste devait remettre sa réponse aux médiateurs peu de temps après.  

La discussion familiale tournait autour de qui devait aller faire le marché. Dans un moment d’humour noir, nous nous sommes demandés s'il serait plus dur pour les enfants de perdre leur père ou leur mère… ? « Si nous, les mères, mourrons, nos enfants perdront affection et amour », avons-nous argué. « Si les pères meurent, ils perdront stabilité et soutien », s’est-on vu répondre. Finalement, nous avons conclu qu’il serait plus sûr que personne ne quitte la maison avant que le cessez-le-feu ne soit déclaré.

« Et si jamais nous nous faisions tuer dans la maison ? » a lancé mon mari dans une boutade, cherchant à me convaincre qu’il devait aller acheter certaines choses dont nous avions besoin. « Au moins, nous mourrons ensemble, avec nos enfants », lui ai-je répondu, ma voix se brisant sous le poids de cette pensée. « Nous survivrons un jour de plus sans ça. Reste ici s’il te plaît ! »

Lire aussi

Israël et le Hamas sur le point de conclure un cessez-le-feu à Gaza ?

Alors qu'un cessez-le-feu a été annoncé, Gaza reste sous tension. Les derniers jours, les dernières heures menant à un tel accord sont connus pour être particulièrement dangereux. L’histoire nous a prouvé qu’Israël intensifie souvent ses attaques dans ce laps de temps, amplifiant la peur autant que la destruction. L'un de mes cousins a été tué dans une frappe aérienne sur une école où il avait trouvé refuge quelques heures seulement avant le cessez-le-feu de novembre 2023. Les autorités appellent la population à rester chez elle, les organisations suspendent leur travail, les familles se préparent au pire. Mais une vérité inéluctable s'impose : aucun endroit à Gaza n'est vraiment sûr.

Après plus de 450 jours de déplacement, de terreur implacable, de bruit incessant d’explosions, beaucoup restent sceptiques par rapport aux intentions d’Israël, bien que les discussions pour une trêve n’ont jamais été aussi sérieuses. « Tout le monde autour de moi est optimiste, et les nouvelles donnent de l’espoir, mais quelque chose au fond de moi m’empêche de me réjouir », me confie ma meilleure amie Raheel. À 27 ans, déplacée dans le sud de Gaza, elle n’ose même pas imaginer le moment où elle rentrera chez elle. « Je n’arrive pas à imaginer que toute cette folie puisse prendre fin », dit-elle la voix lourde d’épuisement.

Dès octobre 2023, elle a quitté sa maison du quartier d’al-Tuffah avec sa mère, cinq sœurs et deux frères. Depuis, ils subissent déplacements, faim et peur. Son père est resté pour garder la maison, tandis que son mari est dans le Nord pour prendre soin de ses parents âgés, sous les bombardements incessants et le dénuement. « J’ai hâte de les revoir, murmure Raheel, mais je suis fatiguée d’attendre, fatiguée d’être brisée et déçue à chaque fois que des discussions pour un cessez-le-feu finissent dans l’impasse. »

D’autant qu’elle connaît les risques accrus encourus juste avant une telle annonce. « Je redoute de recevoir de mauvaises nouvelles concernant mon père ou mon mari, souffle-t-elle. Je prie chaque jour pour que nous nous en sortions tous, pour qu'à la tombée de la nuit, nous soyons assis ensemble, en vie et en sécurité. Mais l’attente est difficile. »

Lire aussi

Avec Donald Trump, les négociations vont-elles reprendre à Gaza ?

Comme des centaines de milliers d’autres, également déplacées dans le sud de Gaza, ma belle-sœur Nermin lutte contre la fatigue écrasante du déplacement, l’épuisement physique et émotionnel continu. « Chaque jour, j’ai l’impression de perdre une partie de moi-même », lâche-t-elle, alors que, dans ces conditions, les tâches les plus quotidiennes, comme laver les vêtements à la main dans une bassine à ras le sol ou encore faire la vaisselle dans des éviers de fortune, l’exténuent.

« Ma vie d'avant me manque, de même que le confort que je considérais autrefois comme allant de soi », admet-elle. Ses désirs sont déchirants de modestie : « Je ne m’attends pas à ce que tout redevienne normal, mais je veux juste dormir dans mon propre lit, voir un mur à la place d’une tente et laver nos habits à la machine et pas à la main. » Pour le moment, rien qu’allumer une lumière la nuit sans craindre les pénuries de courant ou l’obscurité suffocante s’apparente à un rêve lointain. Au-delà de tout, c’est à la sécurité qu’aspire Nermin : « J’aimerais pouvoir dormir une nuit sans le son des drones ou des explosions, sans cette peur qui me prend la poitrine », confie-t-elle d’une voix posée.

À 24 ans, mon collègue Yusuf est désillusionné. L’idée d’un cessez-le-feu ne lui apporte guère de réconfort. « Bien sûr, je serais soulagé si l'effusion de sang s'arrête, mais qu'y a-t-il à célébrer ? Sommes-nous censés nous réjouir de la destruction d'un pays entier ou de la perte de 46 000 vies ? » interroge-t-il amèrement. Sa maison a été détruite en février 2024, tandis que son père a été déplacé de force dans le sud de Gaza après avoir été arrêté par des soldats israéliens. S’il a encore sa famille et ses amis à ses côtés dans la ville de Gaza, Yusuf est plongé dans le chagrin. « Je ne pense pas que je me sentirai à nouveau heureux un jour… Nous avons besoin de mois, voire d'années, pour nous remettre. »

Malgré sa douleur, Yusuf reste déterminé à aider les autres. Tout au long de la guerre, il a travaillé avec des organisations humanitaires pour soutenir les personnes dans le besoin. Son dévouement lui a même permis d'obtenir une bourse pour poursuivre un master en Écosse, lui offrant une rare lueur d'espoir. « Je rêve d’étudier à l’étranger et de revenir reconstruire mon pays et me battre pour ses droits », s’épanche-t-il les yeux remplis à la fois de détermination et de peine.

Noor al-Yacoubi, 25 ans, traductrice et coordinatrice médias dans un centre de recherche, vit dans la bande de Gaza, bombardée et assiégée par l’armée israélienne depuis les premiers jours de la guerre opposant le Hamas à l’État hébreu le 7 octobre 2023. Quelques heures avant l'annonce d'un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, elle a raconté à L’Orient-Le Jour son...
commentaires (4)

Vs avez raison on ne doit pas connaître la même histoire!!

JEAN PALVADEAU

08 h 52, le 17 janvier 2025

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Vs avez raison on ne doit pas connaître la même histoire!!

    JEAN PALVADEAU

    08 h 52, le 17 janvier 2025

  • Celui qui a commencé est celui qui a occupé la Palestine , terre arabe et qui a chassé tout un peuple. Quant à celui qui veut que les gazaouis partent pour les remplacer par des juifs d’Europe, juste un mot : vous connaissez mal les arabes…..demandez aux Francs, et à tous les conquérants…..revenez à l’histoire du 19 eme siècle…. Vous trouverez quelques leçons pour rafraîchir la mémoire…..

    Marie elise Loubic

    16 h 02, le 16 janvier 2025

  • Ne pas oublier qui a commencé !!

    JEAN PALVADEAU

    00 h 06, le 16 janvier 2025

  • Si l' Egypte ouvre ses frontières, la majorité des Gazaouis partiraient

    Dorfler lazare

    18 h 28, le 15 janvier 2025

Retour en haut