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Nos Lecteurs ont la Parole

Joseph Tarrab, dit Joe « le Rouge », vs Joe « le Rosé »

Joseph Tarrab, dit « Joe le Rouge », dixit Jalal Khoury, je l’ai d’abord connu (moi « Joe le Rosé ») à la faveur d’un concours culturel sur le canal 9 de la télévision libanaise, il y a de cela 64 ans, en 1961. Nous en fûmes les heureux finalistes, le « Rouge » empochant le billet d’Air France Beyrouth-Rome et le « Rosé » (moi-même) le Beyrouth-Paris. Depuis, nous fûmes liés par une amitié indéfectible. À telle enseigne qu’en 1967, nous nous retrouvâmes sur les bancs de l’Institut de démographie de l’Université de Paris, censés préparer le diplôme d’expert-

démographe. Mais avec d’autres projets en tête et d’autres activités en vue. Peu passionnés par des études plutôt austères, nous passâmes le plus clair de notre temps du matin jusqu’au soir au café Le Luxembourg à papoter avec Jalal Khoury et son ami le peintre libanais Mohammad Sakr qui se fera connaître plus tard en grande partie grâce à Joseph Tarrab.

Nous partagions la même chambre à la Cité universitaire, ce qui n’était pas prévu d’avance. C’était grâce à la gentillesse du directeur du pavillon libanais, M. Adra, lequel fut d’emblée séduit par l’intelligence et l’esprit d’à propos de Joe le Rouge. Celui-ci, loin de se passionner pour ses cours de démographie (plutôt ennuyeux au demeurant), passait une bonne partie de ses courtes nuits à lire Karl Marx dans le texte en allemand, Vladimir Ilitch Lénine en russe ou Gramsci en italien… ainsi qu’une foultitude d’auteurs dans la douzaine de langues qu’il avait apprises petit à petit. Il semblait peu incommodé par mes ronflements…

Mai 1968 lui fournira l’occasion de mettre en pratique les théories révolutionnaires. Il s’avéra un tribun de haut vol au Quartier latin, porté à bout de bras par des camarades bien baraqués, de toutes nationalités (et de plus grande taille) tandis qu’il haranguait les foules estudiantines, à l’instar des Cohn-Bendit, des Geismar et autres Sauvageot.

Après Mai 1968, vint l’heure de la débandade et un juin, nettement moins glorieux. Le repaire de gauchistes qu’était devenue la Cité universitaire fut l’une des cibles préférées de la police. On y traqua et expulsa à tire-larigot des étudiants : allemands, italiens et autres. Les Libanais ne tarderaient pas à être dans la ligne de mire, pensions-nous. Aussi, ni une ni deux, par une nuit sans lune, le Rouge et le Rosé prirent la poudre d’escampette par le chemin des écoliers, se faufilant en catimini jusqu’à Bruxelles, où grâce à l’hospitalité de la Middle East Airlines, ils purent se réfugier dans leur Beyrouth chérie.

Mais, différence significative. Le Rouge, jusqu’au bout, restera attaché à sa ville où il connut une notoriété foudroyante comme critique d’art, participant à la montée en flèche de nombreux peintres, tout en se maintenant sur les planches, lui l’acteur surdoué. La démographie entre-temps, bien oubliée. Le Rosé, à l’inverse et grâce à cette science des nombres, vogua tout le temps « à la recherche de son ombre par-delà les frontières » (dixit le Rouge) vers des horizons de plus en plus lointains : du Liban vers la France, puis l’Égypte, le Cameroun, Haïti, le Maroc… Mais leur amitié se maintint au fil du temps, nourrie par une correspondance ininterrompue où tout était décortiqué : la politique, la littérature, le cinéma, la musique classique et contemporaine, l’opéra et, au-dessus de tout, les copains. Le Rosé venait de temps en temps à Beyrouth pour y voir les copains. À l’inverse, le Rouge resta littéralement vissé sur place, à telle enseigne que, à l’inverse de la quasi-totalité des Libanais, il n’avait même pas jugé utile de faire une demande de passeport.

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Joseph Tarrab, dit « Joe le Rouge », dixit Jalal Khoury, je l’ai d’abord connu (moi « Joe le Rosé ») à la faveur d’un concours culturel sur le canal 9 de la télévision libanaise, il y a de cela 64 ans, en 1961. Nous en fûmes les heureux finalistes, le « Rouge » empochant le billet d’Air France Beyrouth-Rome et le « Rosé » (moi-même)...
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