Alma, tome 3 : La Liberté de Timothée de Fombelle, Gallimard Jeunesse, 2024, 480 p.
Après Le Vent se lève et L’Enchanteuse, arrive aujourd’hui La Liberté. On l’attendait, ce troisième titre de la trilogie de romans jeunesse Alma de Timothée de Fombelle. On l’attendait d’autant plus que, le long des deux premiers épisodes de l’aventure, cette « liberté » s’amenuisait dramatiquement pour les personnages. Au cœur de cette trilogie ancrée dans le XVIIIe siècle : la terrible réalité de l’esclavage.
Lorsque paraît, en 2020, le premier volume, Timothée de Fombelle a derrière lui l’expérience de deux autres grandes saga, généreuses dans l’écriture, ambitieuses dans la structure. D’abord, celle qui l’a fait connaître, dès ses premiers pas de romancier : Tobie Lolness. Puis, dans la foulée, le diptyque Vango.
Aujourd’hui, Alma qui a longtemps mûri dans la tête de l’auteur avant de devenir un texte, depuis le jour où, enfant, il avait vu sur les côtes du Ghana les forteresses dans lesquelles les esclaves africains avaient été placés avant leur funeste voyage vers l’Amérique.
Alma est avant tout le récit d’une famille. L’un après l’autre, les frères et les parents d’Alma sont pris dans le tourbillon de la traite négrière, capturés et vendus. Tous sauf Alma. Car le récit, s’il traite largement de l’esclavage, est également une grande aventure qui a cela de particulier, que son personnage principal est, elle, libre. Une liberté indispensable pour porter sa mission : retrouver chaque membre de sa famille et reconstituer le cocon.
Timothée de Fombelle retrouve à l’occasion d’Alma son ami l’illustrateur François Place qui avait également illustré Tobie Lolness. Les chapitres sont ainsi ponctués de dessins en pleines pages, pleins de grâce du crayon de celui qui sait si bien bâtir des images aux plans larges, riches, foisonnants, tout en préservant une atmosphère de poésie et d’intimité. Une gageure.
De son côté, Timothée de Fombelle propose une nouvelle fois une narration qui n’a pas peur de la complexité, ni des multitudes d’intrigues parallèles (ou plutôt zigzagantes, tant elles se recoupent). Au récit de la famille d’Alma, se mêle celui d’un hypothétique trésor caché sur la Douce Amélie, le navire qui transporte Alma (libre) et son frère (captif). Dans ce dédale de destins croisés, l’investissement et la concentration du lecteur sont requis, mais merveilleusement récompensés.
Dans ce troisième volume, et alors que les frères et la mère d’Alma sont encore captifs du côté de la Louisiane, voilà la jeune fille plongée dans le Paris de 1789 en pleine Révolution. Au cœur de la Bastille, se jouent quelques chapitres mémorables où se croisent pour le meilleur et pour le pire nombre de protagonistes du récit.
Alors qu’en France souffle le vent de la Révolution, ont lieu dans les hautes sphères des débats qui auront un écho outre-Atlantique et qui annoncent le grand combat pour l’abolition de l’esclavage.
Après plus de mille deux cents pages, voir toutes les intrigues se clore, tous les destins se diriger vers une même fin en apothéose, et, surtout, voir la famille d’Alma se recomposer par à-coups est, pour le moins, émouvant. Un projet d’ampleur mené avec brio.