« Lire davantage, limiter la consommation d’alcool, parler couramment l’italien, être moins accro aux écrans… » Dans un café du quartier de Badaro, à Beyrouth, Cristina*, 26 ans, énumère ses résolutions pour 2025, dont elle espère accomplir « au moins la moitié », plaisante-t-elle. Une liste quelque peu chargée, mais qui se veut le témoin d’un retour, ou d’une volonté de retour, à un semblant de normalité, au sortir de la guerre dévastatrice entre le Hezbollah et Israël qui secouait encore le pays il y a à peine plus d’un mois.
Pour autant, parmi les personnes interrogées par L’Orient-Le Jour dans plusieurs quartiers de la capitale libanaise, peu ont exprimé des résolutions, mais plutôt des vœux pour le Liban, tellement il leur apparaît « absurde » de se fixer des objectifs personnels face à une conjoncture fragile. Alors il vaut mieux se souhaiter « une bonne année », éviter « le retour de la guerre » et espérer « de la stabilité ».
Ne pas trop demander
Comme Myriam*, coiffeuse dans une rue de Chiyah, longue artère de la banlieue sud de Beyrouth marquée par le fracas des bombes durant deux mois, qui évoque une situation sécuritaire encore volatile, mais espère que la trêve aboutira à « un arrêt total du conflit » ou, pour ne pas « trop demander », que « le Liban soit à l’abri de la guerre... pour au moins trois ans ! », lâche-t-elle. Une cliente, faisant coiffer sa fille de six ans, confie pour sa part qu’elle est « déterminée à préparer ses papiers pour quitter le pays ». Elle veut épargner à « la petite » les atrocités de la guerre : « Rien ne change dans ce pays, l’histoire ne cesse de se répéter. »
Non loin, un commerçant de rideaux et de voilages nourrit l’espoir de « voir l’armée israélienne se retirer du sud du pays », où elle poursuit ses opérations et empêche certains habitants de rentrer chez eux. Youssef* en fait partie. Il aimerait se rendre à Adaïssé (caza de Marjeyoun), son village natal, pour reconstruire sa maison bombardée « par l’ennemi après l’accord de cessez-le-feu », déplore-t-il. Sur le plan personnel, le drapier se débat avec des difficultés financières, dans l’attente d’« un renouveau ». Il cherche à relancer son activité, gravement affectée par la crise économique qui sévit dans le pays depuis 2019.
Protéger la résistance
Dans ce même quartier, quelques hommes trentenaires, attablés face à un immeuble partiellement effondré suite à une frappe israélienne durant la guerre, s’interrogent : « Comment parler d’ambitions et de résolutions ? » Des affiches de « martyrs » – combattants du Hezbollah tués lors de la guerre – couvrent l’un des murs du bâtiment. L’un d’eux n’a qu’une demande à adresser à Dieu : « La protection de la résistance. »
À Tayouné, autre quartier touché par des frappes israéliennes, un fleuriste pulvérise ses plantes avec énergie. Originaire de Machghara, village de la Békaa-Ouest, il s’est réveillé ce 1er janvier avec « la conviction que cette année se dirige vers un avenir meilleur », tout en assurant qu’« il n’y a rien de plus important que la santé ». Son voisin, un garagiste, est moins optimiste : « La stabilité du pays, qui est loin d’être atteinte, est mon seul souci. Peu importent les ambitions personnelles, la sécurité avant tout. Je ne demande rien de plus. »
Vivre dans le déni
L’ambiance est un peu plus légère sur la corniche de Aïn Mreissé où s’étaient réfugiés, il y a quelques semaines encore, des centaines de déplacés fuyant les bombardements israéliens. Un quinquagénaire, promenant son chien, exprime son souhait de « voir un jour la disparition de la classe dirigeante – en place depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) – source de malédictions ».
Des propos partagés par Samir*, ancien journaliste du quotidien libanais al-Akhbar (proche du Hezbollah), lui aussi en balade, qui dit prier « pour qu’un extraterrestre arrive et emporte avec lui tous ces dirigeants pourris qui ont créé un réseau de corruption organisée ».
Enfin, deux femmes au sourire radieux, lunettes de soleil sur le nez, se disent, elles, « prêtes à accueillir l’année en laissant de côté les tourments du passé ». Autrement dit, précisent-elles, elles ont choisi de « vivre dans le déni ». « Dès que les mauvaises nouvelles arrivent, je fais la sourde oreille », confie l’une d’elles. Et son amie de renchérir : « Pour l’année 2025, nous avons décidé d’être contentes. »
* Les prénoms ont été modifiés.
-LA CONSTITUTION SANS COMPROMIS, -POUR UN ETAT DE DROIT ! UN PAYS !
11 h 41, le 04 janvier 2025