Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Une épine dans nos cœurs

« Allô cher Amer, dis-moi, y a-t-il des nouvelles d’Edmond et de René ? »

La question reste la même depuis 41 ans, mais chaque fois avec un nouvel espoir.

Un beau matin de l’été 1983, les deux frères, Edmond, 23 ans, et René, 16 ans, ont quitté leur maison du quartier d’Achrafié pour se rendre à Chiah. Ils n’y sont jamais revenus. Depuis, les recherches n’ont cessé. Selon certaines informations, ils se seraient trompés de rue, ne connaissant pas bien les lieux, et seraient tombés sur un barrage de l’armée syrienne du côté de Beyrouth-Ouest. Le reste demeure dans l’ombre de notre imagination.

41 ans déjà. Pas de nouvelles. La guerre civile est terminée, suivie d’une « réconciliation » générale selon l’accord de Taëf, mais toujours aucune trace des deux frères. Beaucoup ont conclu qu’ils seraient détenus dans les geôles syriennes.

Ils étaient les deux enfants d’une famille de six, originaires du

Akkar. Au début de la guerre, comme beaucoup de Libanais, leur village, attaqué par les forces progressistes, avait été le théâtre de violences, et ils avaient trouvé refuge à Beyrouth

L’un des deux frères était étudiant en physique à l’université, et le plus jeune en classe de brevet. Leur passion était la musique et le sport. Ils n’ont jamais été proches des milices. Pour eux, être un citoyen respectueux était primordial. Cela faisait partie de leur éducation familiale. Ils voulaient exceller dans leurs études et réussir dans la vie, afin de prouver qu’avec persévérance et bonne volonté, ils pouvaient briller un jour. Malheureusement, le destin en a voulu autrement. Mais pourquoi ? Était-ce simplement parce qu’ils étaient de jeunes chrétiens de l’Est de Beyrouth, ou bien, simplement parce que leur visage n’a pas plu au soldat syrien en poste ce jour-là, qui a décidé de les interpeller ? Mais de quel droit peut-on arrêter des gens innocents ? Pourquoi ?

C’est une tragédie. Pendant de longues années, leur mère se tenait près de la porte principale de la maison, espérant qu’à n’importe quel moment, elle s’ouvrirait et qu’Edmond et René reviendraient… Malheureusement, elle a fermé les yeux pour toujours en regardant une dernière fois cette porte grise, sans voir ses fils entrer.

De longues années ont passé sans nouvelles. Leur père a lui aussi fermé les yeux, en contemplant, avant son dernier souffle, la photo de ses enfants disparus.

Cette histoire n’est pas seulement celle de cette famille, c’est l’histoire de milliers de familles libanaises qui ont perdu leurs enfants du jour au lendemain, et qui espèrent toujours, par un miracle divin, les voir revenir des prisons syriennes. Quelle tragédie ! C’est une des pages les plus sombres de l’histoire contemporaine de notre pays.

Aujourd’hui, avec la défaite du régime syrien et la fin de la dictature de la famille Assad, les Syriens et les Libanais ont de quoi se réjouir, ne serait-ce que pour pouvoir respirer un peu de liberté et tourner définitivement cette page sombre de l’histoire.

Près de cinquante ans de gouvernance draconienne, des centaines de milliers de citoyens syriens éliminés par le régime. Au Liban, une domination sur les régions chrétiennes, avec un bilan interminable d’assassinats de politiciens, de journalistes et de personnalités emblématiques.

Tant de douleur et de chagrin.

Cette blessure profonde ne sera jamais complètement pansée, mais elle commencera à se cicatriser uniquement avec la résolution définitive de ce dossier. Nos frères, les kidnappés, sont-ils vivants dans les geôles syriennes ou non ? Une question que le gouvernement libanais aurait dû traiter depuis longtemps. Espérons que les jours à venir vont apporter des réponses.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

« Allô cher Amer, dis-moi, y a-t-il des nouvelles d’Edmond et de René ? »La question reste la même depuis 41 ans, mais chaque fois avec un nouvel espoir.Un beau matin de l’été 1983, les deux frères, Edmond, 23 ans, et René, 16 ans, ont quitté leur maison du quartier d’Achrafié pour se rendre à Chiah. Ils n’y sont jamais revenus. Depuis, les recherches n’ont cessé....
commentaires (2)

Terrible souvenirs… difficile à pardonner. Les divers gouvernements libanais ont évité d’adresser cette question à la Syrie pour si longtemps. … on espère que la réconciliation suivra mais restons hélas pleins d’inquiétudes sur l’avenir de la Syrie.

Diran Avedian

14 h 24, le 13 décembre 2024

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Terrible souvenirs… difficile à pardonner. Les divers gouvernements libanais ont évité d’adresser cette question à la Syrie pour si longtemps. … on espère que la réconciliation suivra mais restons hélas pleins d’inquiétudes sur l’avenir de la Syrie.

    Diran Avedian

    14 h 24, le 13 décembre 2024

  • Douloureux souvenirs,… espoirs infinis,… pensées sincères à tous, Amer, Raja,… Monik Salha

    Yann Amar

    09 h 18, le 13 décembre 2024

Retour en haut