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Nos Lecteurs ont la Parole

Camp de l’humanité, sans tabou, ni fard, ni artifice

Il va sans dire que nous avons tous vécu les pires moments de l’histoire de notre pays. Aux crises chroniques et inextricables déjà existantes, est venue s’ajouter sur notre sol, comme une cerise sur le gâteau, une guerre féroce et sans pitié entre Israël et le Hezbollah. Une guerre qui s’est acharnée sur notre pays et, du coup, sur nos têtes (en espérant vivement qu’elle soit la dernière).

Ce qui fait encore plus de peine et suscite une grande douleur morale, à part les pertes en vies humaines, les blessés, les personnes en situation d’invalidité, la destruction avec détermination et acharnement de localités entières, l’impact économique et social qui va tôt ou tard en résulter, c’est aussi l’anéantissement systématique de la mémoire collective qui faisait le propre de cette spécificité libanaise bien de chez nous et qui rassemblait le vécu commun d’une communauté libanaise caractéristique. Un vécu commun ancestral, maintenu jusqu’à présent, au fil des ans et des générations. L’exemple le plus frappant, qu’on peut citer à titre indicatif, est la destruction délibérée du vieux souk de Nabatiyé, balayé en quelques secondes, sans aucun sentiment de culpabilité ou d’indulgence, ou également le temple de Baalbeck qui était extrêmement menacé, ou encore les vestiges de Tyr et bien d’autres.

Je sais parfaitement bien que le Liban est un pays multiconfessionnel. Qu’il est le pays de la convivialité, ou du moins, qu’il aspire à l’être. Mais, pour parler franchement, sans réticences ni tabous, il faut admettre que du fait de cette guerre atroce entre Israël et le Hezbollah, il y a eu un large déplacement de population, à majorité chiite, vers des zones relativement plus stables. Les régions chrétiennes, comme d’autres régions d’ailleurs, ont eu leur flot (et leur lot) massif de réfugiés, venus se protéger de la barbarie israélienne. Barbarie qui, malheureusement, n’a épargné ni civils, ni enfants, ni femmes, ni vieux, ni innocents.

Maintenant que le canon s’est presque tu et que le bruit des bottes a sensiblement diminué (en espérant que ça soit définitif), ayons le courage, sans ambages ni détours, d’appeler les choses par leur nom. Abstraction faite de la politique, de ses dédales embrouillés, des positions des uns et des autres et d’un point de vue humain avant tout et même d’un point de vue purement chrétien (chrétien dans le sens évangélique du terme, en prenant le Christ comme exemple de vie), quelle attitude fallait-il avoir face à cette triste réalité ? Pour être plus clair et dans la même approche, quel comportement fallait-il adopter face à la réalité de la venue en masse de personnes ayant des croyances religieuses différentes, d’autres convictions politiques, peut-être même d’autres intérêts, d’autres hiérarchies de valeurs, d’autres critères et modes de vie ?

Quelle réaction fallait-il avoir face à cet impératif imprévu, venu s’ajouter à notre vie de chaque jour et à notre train-train quotidien, déjà assez morose ?

Tout cela, il faut l’avouer, dans un contexte rien de plus alarmant au niveau des rumeurs et des nouvelles effrayantes. Des rumeurs qui battaient leur plein et qui supposaient que ces déplacés vont, comble de l’ingratitude, devenir plus tard des bombes à retardement et envahir notre zone de confort accueillante et conciliante. Sans parler des risques d’agression (ou même de possibilité de guerre civile, à Dieu ne plaise), de la part de ceux-là mêmes qui étaient accueillis à bras ouverts, avec empathie, bienveillance, grandeur d’âme et générosité de cœur. Avec, en parallèle, des appels à la vigilance, mais aussi, pour certains, à la dureté de cœur et même à la violence, qui émergeaient quelquefois, de part et d’autre, avec insistance.

Dans ce contexte tellement inquiétant, comment pouvoir rester conséquent avec nos convictions, humaines avant tout et religieuses ensuite ? Comment pouvoir rester fidèle au message de l’Évangile ?

Des questions d’une importance capitale qui nous interpellent et qui méritent réflexion et approfondissement.

La vigilance restait toujours de rigueur, cela va sans dire. Être constamment prudent, à coup sûr.

Néanmoins, et personnellement, tout en étant conscient des risques et périls existants et abstraction faite des positions politiques divergentes (divergentes, un peu trop, très souvent), j’ai volontairement préféré opter pour le camp de l’humanité, de l’empathie, de la souffrance et de ceux qui ploient sous les fardeaux pesants de la vie. Rien que pour rester conséquent avec moi-même, fidèle, en premier lieu, aux principes humains, en accord avec les convictions religieuses de compassion et de miséricorde et en conformité avec les valeurs acquises par les pères et les ancêtres. Surtout, les valeurs d’hospitalité, qui supposent, avant tout, le fait de recevoir gracieusement, par amour du prochain, toute personne quelle qu’elle soit. En particulier les âmes en difficulté ou dans la détresse, celles opprimées, fuyant les affres de la guerre, de l’injustice, de la tyrannie et de l’oppression.

De toutes les alternatives existantes, l’humanité et l’empathie sont les seules options qui m’interpellent, me touchent profondément et me poussent à me rallier sous leur bannière, malgré les antagonismes et les malentendus.

Je sais parfaitement bien que très probablement je vais recevoir des critiques sur cette position de principe. À ceux-là, je réponds par une toute petite question, très simple. Si, à Dieu ne plaise, les rôles étaient inversés, comment aimerions-nous être traités ?

Avocat à la cour

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Il va sans dire que nous avons tous vécu les pires moments de l’histoire de notre pays. Aux crises chroniques et inextricables déjà existantes, est venue s’ajouter sur notre sol, comme une cerise sur le gâteau, une guerre féroce et sans pitié entre Israël et le Hezbollah. Une guerre qui s’est acharnée sur notre pays et, du coup, sur nos têtes (en espérant vivement qu’elle soit la dernière).Ce qui fait encore plus de peine et suscite une grande douleur morale, à part les pertes en vies humaines, les blessés, les personnes en situation d’invalidité, la destruction avec détermination et acharnement de localités entières, l’impact économique et social qui va tôt ou tard en résulter, c’est aussi l’anéantissement systématique de la mémoire collective qui faisait le propre de cette spécificité libanaise...
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