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Idées - Offensive rebelle

En Syrie, l’espoir est-il enfin permis ?

En Syrie, l’espoir est-il enfin permis ?

Un garçon brandit le drapeau de l’opposition syrienne à Hama, après que ses combattants ont pris la ville, le 6 décembre 2024. Omar Haj Kadour/AFP

Incroyable… Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier l’avancée fulgurante de la coalition d’opposition – composée de rebelles et d’islamistes – dans le Nord syrien. En quelques jours, elle a pris Alep, la deuxième plus grande ville de Syrie, suivie de Hama, et ses combattants se dirigent désormais vers Homs, au moment où ces lignes sont écrites.

L’étonnement est total, autant en raison de la préparation militaire de l’opposition que du discours politique de cette coalition, notamment celui de Hay’at Tahrir al-Cham (HTS), qui accompagne ces conquêtes. À cela s’ajoute l’effondrement spectaculaire des forces loyalistes.

Rien ne semble pouvoir freiner l’avancée de cette coalition rebelle qui a récupéré des centaines de véhicules blindés, des pièces d’artillerie, des tonnes de munitions et des armes qu’elle n’avait jamais pu obtenir en 13 ans de conflit : missiles antiaériens, systèmes de défense aérienne, avions et hélicoptères.

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La débandade des forces loyalistes s’explique en grande partie par une absence de volonté de combattre. Cela fait cinq ans que le régime clame victoire, tandis que la situation de sa base populaire et du pays tout entier se dégrade inexorablement. La misère coexiste avec l’opulence des élites du régime. Les zones sous son contrôle se vident, les Syriens fuyant en masse la corruption, la pauvreté, l’insécurité, l’absence totale de services et la conscription forcée.

La population ne supporte plus cette situation qui rend le pays invivable. La grande majorité des Syriens ont compris que tant que le régime se maintient, un retour à la normalité est impossible. Cette prise de conscience explique en grande partie la révolte dans la province de Soueida, déclenchée en août 2023. Ces derniers mois, des combattants du régime ont cherché à fuir la Syrie, certains passant même dans les zones rebelles. Les soldats de Bachar el-Assad sont écœurés par le mépris du régime envers ses morts et invalides de guerre, ainsi que par l’abandon total de leurs familles. Beaucoup ne veulent plus mourir pour le « boucher de Damas ».

Un régime à l’agonie

La situation en Syrie a souvent été présentée à tort comme une « victoire » d’Assad. En réalité, le pays est à genoux. Les tentatives de réhabilitation du régime, notamment par la Ligue arabe, n’ont produit aucun changement concret. Fidèle à ses habitudes, le régime interprète néanmoins ces gestes comme des victoires.

Le régime continue de bloquer le retour des millions de réfugiés, de noyer la région sous des tonnes de drogue et de saboter les initiatives de rapprochement menées par Recep Tayyip Erdogan avec le soutien de Vladimir Poutine. La Turquie semble d’ailleurs avoir donné son aval tacite à l’offensive actuelle de l’opposition.

De son côté, la Russie limite ses efforts à des bombardements aériens visant principalement les civils, sans mobiliser des moyens significatifs pour contrer l’avancée rebelle. Cela pourrait refléter un mécontentement croissant de Vladimir Poutine envers Bachar el-Assad. Même Moscou semble se lasser des manœuvres du régime syrien. Quant à l’Iran, son influence est affaiblie après les lourdes pertes infligées à ses milices par les récentes offensives israéliennes.

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La nuit du 5 décembre, la prise de Hama par les rebelles a donné lieu à des scènes de liesse. Les habitants ont célébré dans les rues, acclamant les combattants, désormais perçus comme des héros. Cette libération est un événement historique, attendu depuis 1982, lorsque Hafez el-Assad a massacré 30 000 habitants de Hama. Le comportement des combattants et les discours politiques des forces de l’opposition ont donné de l’espoir à la

population, c’est ce qui explique la joie qui s’est exprimée dans les rues de Hama. Il est à noter qu’à Alep, aucune exaction contre les civils n’a été signalée après sa libération, et les discours politiques rassurants de HTC ont surpris beaucoup de Syriens. Le groupe a adressé des messages à toutes les communautés du pays – chrétiens, Kurdes, Arméniens, druzes et même alaouites –, affirmant : « La Syrie appartient à tous les Syriens. Nous sommes là pour vous libérer et vous protéger. »

Cette évolution de HTC, autrefois affilié à el-Qaëda, laisse nombre de Syriens sceptiques. Son leader, Abou Mohammad al-Jolani, s’impose comme un stratège redoutable, capable de rassurer les Occidentaux en combattant le djihadisme international tout en diffusant un discours nationaliste inclusif et en orchestrant une offensive militaire inattendue.

« Miracle » géopolitique ?

Dans la logique du régime, la Syrie ne doit pas survivre sans Assad. Le slogan bien connu « Assad ou nous brûlons le pays », brandi par les pro-Assad au printemps 2011, rappelle la folie jusqu’au-

boutiste de Kadhafi ou de Saddam Hussein. Un tel scénario pourrait mener à une prise de Damas par la force, aggravant la destruction et l’instabilité. Cependant, il renforcerait aussi la position politique des forces sur le terrain, notamment de HTC.

L’espoir réside dans une « révolution de palais » qui pourrait permettre une transition négociée, conforme à la résolution 2254 de l’ONU de 2015. Mais reste-t-il des figures raisonnables dans l’entourage d’Assad capables de sauver ce qui peut encore l’être ?

Pour garantir une Syrie inclusive, les différentes composantes de la société syrienne doivent se rallier à l’offensive. À la libération d’Alep, les chefs religieux druzes ont soutenu l’opposition, réaffirmant le droit des Syriens à la liberté et à la dignité. Après la libération de Hama, Saleh Moslim, président du Parti de l’union démocratique (PYD), a proposé un dialogue avec HTC pour construire une Syrie pour tous. Ces ralliements renforcent l’idée d’une gouvernance future inclusive.

Cependant, une prise de Damas par les armes reste risquée. La capitale est entourée de forces fidèles au régime, notamment la 4e division dirigée par Maher el-Assad, frère du président réputé être assoiffé de sang, ainsi que des milices chiites iraniennes et du Hezbollah.

Reste la voie d’un « miracle » géopolitique dans lequel les puissances occidentales soutiendraient une révolte interne au régime pour mettre en place un gouvernement de transition, tel que prévu par la résolution onusienne 2254, tout en exerçant une pression sur le régime iranien pour ne pas interférer dans le changement politique.

Par Firas KONTAR

Opposant et essayiste syrien. Dernier ouvrage : « Syrie, la révolution impossible » (Aldeïa, 2023).

Incroyable… Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier l’avancée fulgurante de la coalition d’opposition – composée de rebelles et d’islamistes – dans le Nord syrien. En quelques jours, elle a pris Alep, la deuxième plus grande ville de Syrie, suivie de Hama, et ses combattants se dirigent désormais vers Homs, au moment où ces lignes sont écrites.L’étonnement est total,...
commentaires (4)

D'une naïveté insolente...

Maria

22 h 58, le 08 décembre 2024

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Commentaires (4)

  • D'une naïveté insolente...

    Maria

    22 h 58, le 08 décembre 2024

  • Ce monsieur vit dans Lalaland! Al joulani se déguise en agneau pour entrer dans la bergerie, et ça réveille l’espoir le plus fou chez lui! Que Dieu préserve la Syrie et le Liban de tous ces naifs et des hypocrites.

    Moría Cerato

    12 h 06, le 07 décembre 2024

  • Au tour du Liban d'être libéré et du joug de l’Iran et de ses leaders corrompus

    CW

    10 h 13, le 07 décembre 2024

  • Que Dieu vous entende Monsieur . Nous croisons les doigts pour le peuple Syrien Une Syrie libérée est ce qui oeut etre de mieux pour nous.

    Liban Libre

    08 h 41, le 07 décembre 2024

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