Le climat populaire est réellement versatile. Les Libanais viennent d’en faire une nouvelle fois l’expérience. Surtout les habitants du Nord ( Tripoli et le Akkar en particulier) qui, depuis le 8 octobre 2023, ont carrément basculé dans l’appui au Hezbollah parce qu’il avait ouvert le front du sud du Liban en soutien à Gaza. Pendant plus d’un an, les habitants de Tripoli, de Denniyé et du Akkar se sont mobilisés en faveur du Hezbollah, oubliant soudain tous les conflits précédents, notamment lorsque la guerre en Syrie a éclaté à partir de 2011. Au début de cette guerre, les sunnites libanais du Nord se sont impliqués dans l’appui aux forces rebelles, et même certains groupes de Tripoli et de Denniyé avaient combattu aux côtés des rebelles dans la région de Homs, au point d’ailleurs que l’ancien directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim avait négocié avec les forces du régime syrien le retour de dépouilles mortelles de combattants libanais tués dans les combats à Tell Kalakh en 2013.
Dès lors, les relations entre les sunnites et les chiites au Liban, en particulier le Hezbollah, se sont dégradées, au rythme des développements en Syrie... qui se sont d’ailleurs dans une certaine mesure étendus au Liban, notamment à Ersal qui s’est retrouvé au cœur de ce qu’on a appelé « la guerre des jurds » entre les combattants de Daech et d’al-Nosra venus de Syrie et l’armée libanaise et le Hezbollah dans les années 2017 et 2018.
À partir de cet événement, les sunnites du Liban-Nord n’ont plus participé à la guerre en Syrie, mais ils n’en ont pas moins continué à appuyer les rebelles syriens contre les forces du régime, aidées par les combattants du Hezbollah. Marquées par des événements sanglants, des explosions contre deux mosquées à Tripoli (2013), des explosions de voitures piégées dans la banlieue sud de la capitale ( 2014) et d’autres, les relations entre les deux communautés se sont largement détériorées et même si celle-ci n’a jamais vraiment éclaté au grand jour, le spectre de la discorde communautaire entre les sunnites et les chiites n’a cessé de peser sur la scène libanaise...
Jusqu’à l’éclatement de la guerre à Gaza et la terrible confrontation entre l’armée israélienne et le Hamas ! Dès le lendemain du 7 octobre, date de l’attaque du Hamas en territoire « israélien », le Hezbollah a clairement choisi d’appuyer l’organisation palestinienne et il a même ouvert un front de soutien à Gaza à partir du Sud-Liban. Après sa nomination comme secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem a déclaré que la décision d’ouvrir le front de soutien à Gaza à partir du Liban a constitué le meilleur moyen d’étouffer dans l’œuf toute possibilité de discorde entre sunnites et chiites au Liban. Ce que n’avaient pas réussi à réaliser tous les efforts déployés par le guide de la République islamique d’Iran l’ayatollah Khamenei et par les responsables des gardiens de la révolution, qui sont influents au sein de « l’axe de la résistance », en réconciliant le Hamas et le Hezbollah qui s’étaient battus l’un contre l’autre en Syrie, l’ouverture du front de soutien à partir du Liban l’a brusquement fait.
Soudain, la coordination est devenue harmonieuse entre le Hamas et le Hezbollah ainsi qu’avec les autres organisations palestiniennes. Au cours de l’année écoulée, les responsables du Hamas sont venus régulièrement au Liban, et en particulier dans la banlieue sud de Beyrouth, pour s’entretenir avec les responsables du Hezbollah. De même, l’ensemble de la communauté sunnite, notamment au Nord, considéré comme le foyer des groupes extrémistes sunnites, ne tarissait pas d’éloges à l’égard du Hezbollah et des chiites en général, en raison de leur soutien actif au Hamas et aux Palestiniens. Même à Dar el-Fatwa, siège religieux de la communauté sunnite au Liban, des décisions ont été prises pour mettre un peu à l’écart les cheikhs sunnites hostiles au Hezbollah au profit de ceux qui lui sont favorables. D’ailleurs, la mouvance des Frères musulmans (dont est issu le Hamas) est soudain devenue plus importante sur la scène sunnite libanaise, au détriment des autres courants. Même les tiraillements si nombreux dans les camps palestiniens entre les différents courants sunnites ont été mis en veilleuse au profit de l’entente et de la coordination entre le Hamas et le Hezbollah.
Brusquement, toute cette empathie s’est dissipée. Non pas à cause du cessez-le feu et du début du processus de retour dans les localités du Sud, de la Békaa ou même dans la banlieue sud de la capitale, mais à cause de la reprise des combats entre les rebelles et les forces du régime syrien à Alep et ailleurs.
Les vieux démons de la lutte entre les groupes sunnites islamistes et le Hezbollah sont réapparus et les cheikhs sunnites hostiles aux chiites et à la République islamique d’Iran ont refait leur apparition dans les mosquées. Des groupes médiatiques ont soudain retrouvé leur ton critique des années de la guerre en Syrie et brusquement, les vieilles animosités entre les sunnites et les chiites sont réapparues. Les critiques adressées par des figures sunnites au Hezbollah réapparaissent ainsi dans les médias
Ce qui a été considéré comme une des plus importantes réalisations du front de soutien à partir du Liban commence donc à montrer ses limites. Sans aller jusqu’à dire que la discorde va éclater, car les deux camps sont assez conscients des dommages que cela pourrait entraîner pour le Liban à un moment où le pays se remet difficilement de ses blessures, il est clair que la fameuse harmonie créée par la guerre à Gaza et le front de soutien du Liban est en train de se fissurer...Alep est en train de remplacer Gaza dans les esprits et les cœurs sunnites.
Les Sunnites et le bilan macabre de Bachar et du Hezbollah 20 fois Gaza avec 200.000 enfants et bébés tués tous des Daechs sunnites ensuite les personnalités Sunnites du Liban et cela continue à jaser sur eux! Par contre quand il s’agira de demander de l’aide aux monarchies du Golfe la le ton se fera plus conciliant!
20 h 40, le 07 décembre 2024