Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le droit international humanitaire (DIH) « est un ensemble de règles qui cherchent, pour des raisons humanitaires, à limiter les effets des conflits armés ». Il protège les individus qui ne font pas ou ne font plus partie du conflit. Le « droit de la guerre » vise à s’assurer que même les guerres aient des règles pour éviter qu’elles ne deviennent barbares, aussi absurde que cela puisse paraître. Dans les suites des Première et Seconde Guerres mondiales, le DIH a été codifié dans les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels. Ces traités contiennent les règles les plus importantes limitant l’horreur des guerres.
Le DIH a été ratifié par les 196 États et, par conséquent, est universel. Il s’applique à toutes les parties dans un conflit armé, qu’il s’agisse d’un État ou d’un acteur non étatique armé.
Depuis un an, nous sommes témoins de violations flagrantes du DIH commises par Israël tant à Gaza qu’au Liban.
Lors de la guerre en cours à Gaza, Israël a utilisé à de nombreuses reprises des « ordres d’évacuation », prétendant respecter le DIH en offrant aux civils une sortie de la zone ciblée. Il continue de le faire au Liban. Mais pourquoi les « ordres d’évacuation » d’Israël sont-ils une violation flagrante du DIH ?
L’article 58 (a) du protocole additionnel I stipule que « dans toute la mesure de ce qui est pratiquement possible, les parties au conflit s’efforceront, sans préjudice de l’article 49 de la IVe Convention, d’éloigner du voisinage des objectifs militaires la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil soumis à leur autorité ». La faisabilité d’une évacuation dépend de deux éléments nécessaires : la capacité à réaliser des évacuations en toute sécurité et l’existence d’une destination finale sûre où les droits fondamentaux pourraient être respectés. Les commentaires du CICR précisent que les évacuations ne doivent pas « dépasser le stade au-delà duquel la vie de la population deviendrait difficile, voire impossible ». Dans le contexte de Gaza, de nombreuses organisations humanitaires, dont Oxfam, ont noté que « malgré la fréquence des ordres d’évacuation (…) aucune des routes déclarées sûres à Gaza n’est réellement sûre ». Aucune mesure n’a été prise par Israël pour garantir des conditions satisfaisantes de droits fondamentaux tels que l’abri, l’hygiène, la santé et la nutrition. Les civils à Gaza ont inlassablement été bombardés dans des zones marquées comme « sûres » et où ils avaient précédemment pris refuge.
Au Liban, l’armée israélienne adopte une approche différente. Avichay Adraee, le porte-parole militaire, publie des cartes des zones ciblées sur les réseaux sociaux, « incitant » les civils à quitter les environs de la zone ciblée. Il ne faut pas plus de 30 minutes pour que la zone soit bombardée. Ces « ordres d’évacuation » interviennent à des moments aléatoires : à minuit, lorsque les gens dorment, à l’aube ou au milieu de la journée. Les civils dans les banlieues sud de Beyrouth ont recours aux coups de feu pour alerter les civils des évacuations imminentes.
La secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, a déclaré que « non seulement les avertissements émis par l’armée israélienne comprenaient des cartes trompeuses, mais ils étaient également émis à court préavis – dans un cas, moins de 30 minutes avant le début des frappes –, au milieu de la nuit, via les réseaux sociaux, lorsque de nombreuses personnes dorment, n’ont pas d’accès aux réseaux sociaux ou ne suivent pas les informations ». Amnesty International soutient qu’avertir les habitants de villes et villages entiers est une action beaucoup trop générale et inadéquate, « soulevant des questions sur le fait de savoir si cela vise à créer les conditions d’un déplacement massif ».
Les tactiques de guerre d’Israël se sont élargies au fil des années. Aujourd’hui, il utilise des « ordres d’évacuation » afin de tourmenter les civils qui, dans de nombreux cas, n’ont pas les moyens d’évacuer, une destination finale sûre et digne, ou la capacité d’assurer leurs besoins fondamentaux. Au Liban, le gouvernement est extrêmement mal préparé pour un déplacement massif. En effet, le 23 septembre 2024, lorsque Israël a effectué près de 1 600 frappes aériennes en une seule journée, les civils fuyant le Liban-Sud ont passé plus de 18 heures coincés dans un immense embouteillage.
Cette violation claire du DIH par Israël sous le prétexte de « protéger les civils » est une moquerie très flagrante de l’essence même du DIH. En instillant la panique et la peur, en créant une atmosphère chaotique et en ne donnant pas suffisamment de temps aux gouvernements pour coordonner des plans réalisables, Israël n’utilise les lois et réglementations internationales que comme un outil d’intimidation dans ces guerres.
Dima ABOU ABDOU
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Vous avez tout à fait raison de dire que ces ordres transgressent le droit international immunitaire. Il faudrait le faire comprendre aux sionistes acharnés, tels BHL ou la sorcière Badinter qui s'extasient sur l'"humanité" et la "moralité" de cette armée sanguinaire, qui " au moins avertit les gens avant de bombarder". Mais il n'est plus sourd que celui qui nen veut pas entendre.
20 h 03, le 30 novembre 2024