L'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sont visés par des mandats d'arrêt de la cour pénale internationale. Alberto Pizzoli et Abir Sultan/AFP
La Cour pénale internationale (CPI) a émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Benjamin Netanyahu a rapidement qualifié d'« antisémite » la décision de la CPI, s'estimant victime d'un nouveau « procès Dreyfus »
La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 États membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.
Le procureur de la CPI, Karim Khan, a appelé dans une déclaration publiée en cours de journée « tous les États parties à respecter leurs engagements en vertu du Statut de Rome » qui a institué la juridiction, selon Reuters. Il a également exprimé « sa confiance en leur coopération face à la situation actuelle », alors que la juridiction a émis aujourd'hui des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant.
Karim Khan a aussi salué « la collaboration avec les États non parties dans le cadre des efforts visant à garantir la responsabilité et à défendre le droit international », insistant sur le fait que tous les pays membres de la Cour « doivent honorer leurs engagements ». Il a aussi appelé à la coopération des membres et des non-membres de la CPI concernant les mandats d'arrêt émis. Enfin, le procureur de la CPI a exprimé ses « préoccupations » face aux rapports faisant état de violences croissantes, de l'accès humanitaire de plus en plus restreint, ainsi que de l'extension continue des allégations de crimes internationaux à Gaza et en Cisjordanie.
Des mandats « classés secrets » pour protéger les témoins
« La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt », a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. Dans un autre communiqué, elle émet un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, également pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. La cour « a émis à l'unanimité un mandat d'arrêt contre M. Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, communément appelé +Deif+, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'État d'Israël et de l'État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023 ».
Les mandats d'arrêt ont été classés « secrets », afin de protéger les témoins et de garantir la conduite des enquêtes, a déclaré la cour internationale. Mais la CPI « considère qu'il est dans l'intérêt des victimes et de leurs familles qu'elles soient informées de l'existence des mandats ».
Réactions israéliennes
Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir « perdu toute légitimité » avec ses mandats d'arrêt « absurdes ». « La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon », selon un communiqué du bureau de M. Netanyahu. Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine juif Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard.
« C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité », a, pour sa part, écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la « décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui ».
« C'est un jour noir pour [la CPI], qui a perdu toute légitimité à exister et à agir », a écrit sur X le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar. Le tribunal de La Haye « s'est comporté comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient », ajoute M. Saar, pour qui la Cour a émis « des ordonnances absurdes sans en avoir l'autorité ».
Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a, de son côté, déclaré qu'Israël devrait annexer la Cisjordanie en réponse à l'émission par la CPI des mandats d'arrêt, rapporte le Haaretz. « La réponse aux mandats d'arrêt : l'application de la souveraineté sur toutes les zones de Judée et de Samarie [la Cisjordanie], l'implantation de colonies juives sur l'ensemble du territoire », a-t-il déclaré. Qualifiant les mandats d'arrêt de « honte sans précédent », M. Ben-Gvir a déclaré que la CPI « démontre une fois de plus qu'elle est antisémite du début à la fin ».
« Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme », a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.
Réactions européennes
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a affirmé que les mandats d'arrêt devaient être « respectés et appliqués ». « Ce n'est pas une décision politique. C'est une décision d'une cour, d'une cour de justice, d'une cour de justice internationale », a dit M. Borrell lors d'une conférence de presse à Amman avec con homologue jordanien, Aymane Safadi.
Le ministère français des Affaires étrangères, dirigé par Jean-Noël Barrot, a déclaré que la réponse du pays aux mandats d'arrêt de la CPI contre Netanyahu sera « conforme aux principes de la CPI », rapporte Reuters. Les Pays-Bas se préparent à exécuter les mandats d'arrêt, a, pour sa part, déclaré le ministre néerlandais des Affaires étrangères, cité par l'agence de presse néerlandaise.
Le ministre italien de la Défense Guido Crosetto a, de son côté, déclaré que l'Italie serait obligée d'arrêter le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en cas de visite dans le pays, après le mandat d'arrêt émis par la CPI. Le ministre a déclaré à la télévision italienne que la CPI avait « tort » mais a dit que si Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant « étaient amenés à se rendre en italie, nous serions dans l'obligation de les arrêter », en vertu du droit international
Réactions américaines
La décision de la CPI a également fait sortir plusieurs responsables américains de leurs gonds. « Les États-Unis rejettent catégoriquement la décision de la Cour pénale internationale d'émettre des mandats d'arrêt contre de hauts responsables israéliens », a réagi un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. « Nous restons profondément préoccupés par l'empressement du procureur à réclamer des mandats d'arrêt et par les erreurs troublantes dans le processus qui a mené à cette décision », a-t-il ajouté dans une réaction transmise à l'AFP, en répétant que, selon Washington, « la CPI n'était pas compétente juridiquement dans cette affaire ».
« La CPI n'a aucune crédibilité, et ces allégations ont été réfutées par le gouvernement américain », a également réagi Michael Waltz, le futur conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, selon Haaretz. « Israël a défendu légalement son peuple et ses frontières contre des terroristes génocidaires », a-t-il ajouté, avant de préciser, en référence au début du mandat de Donald Trump en janvier prochain : « Vous pouvez vous attendre à une réponse forte au parti pris antisémite de la CPI et de l'ONU en janvier. »
Quant au sénateur américain Lindsey Graham, il a demandé au chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, de faire avancer un projet de loi adopté par la Chambre des représentants visant à sanctionner la CPI. « La CPI a agi de la manière la plus absurde et irresponsable qui soit en délivrant des mandats d'arrêt à l'encontre du Premier ministre et de l'ancien ministre de la défense d'Israël, alors qu'un sérieux nuage d'allégations pèse sur le procureur qui a demandé ces mandats », a-t-il déclaré. « La Cour est une plaisanterie dangereuse... Demander une enquête indépendante sur les fautes commises par le procureur un jour et délivrer un mandat d'arrêt sur la base du produit de son travail le lendemain est un affront à tout sens de l'équité et de l'État de droit », a-t-il ajouté.
L'organe de surveillance de la CPI a annoncé le 11 novembre dernier avoir sollicité une enquête externe sur les allégations de « faute présumée » du procureur général, Karim Khan. « Je prends acte de la déclaration faite aujourd'hui par la présidente de l'Assemblée des États parties », a indiqué le procureur de la CPI, qui nie ces accusations, dans un communiqué. La présidente de l'Assemblée des États parties (AEP), Paivi Kaukoranta, a déclaré qu'une enquête externe était nécessaire « afin d'assurer un processus totalement indépendant, impartial et équitable ». M. Khan, 54 ans, a par ailleurs déclaré qu'il se félicitait de l'enquête et de « l'opportunité de s'engager dans ce processus ». « Je poursuivrai toutes mes autres fonctions de procureur, conformément à mon mandat, dans les situations relevant de la Cour pénale internationale », a-t-il annoncé.
Des demandes qui remontent à mai
Le procureur de la CPI, Karim Khan, avait demandé en mai à la cour de délivrer des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés à Gaza. M. Khan avait également demandé des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeant du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Selon Israël, Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.Le procureur a depuis abandonné la demande de mandats d'arrêt contre le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et le chef du Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinouar, dont les morts ont été confirmées.
Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza a annoncé jeudi un nouveau bilan de 44.056 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël il y a plus d'un an. Au moins 71 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, a-t-il indiqué dans un communiqué, ajoutant que 104.268 personnes avaient été blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
Ils pourront voyager librement car les états ont trop peur d israel. Rien ne changera et ils seront libres de leur mouvements.
08 h 30, le 22 novembre 2024