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Lifestyle - Joaillerie

Selim Mouzannar réalise son rêve de pierre

« Tes yeux sont mon Pérou, ma Golconde, mes Indes », écrivait Aragon à Elsa. Selim Mouzannar ressuscite les diamants de la mythique mine indienne à travers une taille brevetée à son nom.

Selim Mouzannar réalise son rêve de pierre

Selim Mouzannar, plusieurs fois lauréat du Salon Couture, figure parmi les trois nominés de la catégorie Jewelry Design des GEM Awards 2025. Photo DR

Sans lâcher la barre de son navire beyrouthin, Selim Mouzannar s’affiche comme un joaillier incontournable sur la scène internationale, entre son expertise du platine, une taille de diamants innovante à son nom et un nouveau statut de juré au prestigieux Salon Couture de Las Vegas, dédié à la création de haute joaillerie. À la veille de lancer une nouvelle collection « bridal », une ligne dédiée à la mariée, à la fois précieuse et discrète, le joaillier libanais, par ailleurs activiste engagé pour la non-violence, affiche un optimisme dynamique et aligne plusieurs projets d’avance.

« Froideur du diamant »

Dans le bureau niché en mezzanine de son atelier, à Achrafieh, défilent les collaborateurs chargés de dossiers ou de pièces en cours de confection. L’espace blanc, où règne un silence qu’on imagine d’or, grouille d’une activité feutrée tandis que des bombardements, à une encablure de là, font imperceptiblement trembler sa plateforme métallique. Selim Mouzannar révèle non sans fierté le brevet GIA qui officialise sa paternité d’une taille de diamant inédite. « J’ai toujours eu du mal avec le diamant », explique ce passionné de pierres de couleurs dont il est une référence mondiale. « Non seulement le diamant est une pierre perçue comme froide, mais on s’acharne à créer des tailles qui en augmentent la luminosité, ce qui le rend encore plus glacial et effronté, du moins à mes yeux », ajoute-t-il.

Collier Bridal "Selim Mouzannar cut". Photo DR

La tradition flamande

Son rapport mitigé avec cette pierre reine le pousse à tenter de nouvelles tailles permettant de lui donner un éclat plus tendre, plus chaleureux. Lui qui, dans sa quête du feu doux des pierres, a remis à la mode la taille flamande, est constamment cité dans les grands retours des tendances, y compris celle du bijou victorien dont peu savent qu’il fut éminemment flamand. Ce que cela signifie ? Un petit rappel historique nous plonge dans les Pays-Bas méridionaux du XVIe siècle. L’essor commercial et la richesse que connaît alors la région augmentent la demande sur le diamant, lequel est encore entièrement taillé à la main avec des moyens rudimentaires. Les pierres sont alors taillées sans culasse, de manière à réaliser plusieurs pièces à partir d’une même gemme. Le diamant flamand est donc une pierre plate à l’éclat tamisé, entourée d’un métal noirci pour renforcer sa lumière, et dont le marché prospère tant dans l’Empire ottoman (où il est appelé falamanki »), que dans l’Empire britannique.

La « Selim Mouzannar cut »

Partant de là, Selim Mouzannar n’a eu de cesse d’imaginer qu’il pouvait mieux faire. Au bout de multiples expérimentations et tentatives, avec l’aide de maîtres tailleurs de pierres indiens, il obtient la combinaison magique. « Il s’agissait pour moi de défier les codes de la « taille idéale » établis pour renforcer la réflexion et la réfraction de la pierre, selon un consensus autour de l’idée de dégager du diamant sa plus belle beauté », souligne le joaillier. « Pour ma part, j’ai dessiné d’autres proportions, avec une couronne assez haute, une table plus petite, un pavillon en degrés, à la croisée de la taille brillant et de la taille dite « émeraude » ou à degrés. Une douceur se dégage alors de la pierre, unique, qui rappelle les vieilles pierres de la mine de Golconde taillées selon la tradition « old cut ». Les mythiques mines de Golconde, en Inde, sont aujourd’hui épuisées et fermées. Ce que nous obtenons est une résurrection de leur caractéristiques diamants de type A2, taille ronde, que nous avons associée à la taille en gradins. À poids et prix égaux, celle-ci présente un diamètre plus petit, peut-être anticommercial, mais c’est plus spécial », explique Mouzannar. Cette technique porte désormais le nom de « Selim Mouzannar cut », certificat GIA à l’appui.

Ce sont ces diamants particuliers qui ornent aujourd’hui la nouvelle collection bridal de la maison beyrouthine. Délicates cascades de diamant en ordre croissant sur or rose, toutes simples mais si précieuses, colliers, boucles d’oreilles, ces joyaux attirent le regard avec discrétion, leur timide éclat évoquant la tendresse des idylles naissantes. Cette collection fait suite à la ligne « Poppy », florale, évoquant dans la pierre tous les parfums du printemps. Ces petites marguerites s’affirment en solo ou en grappes, en colliers, pendentifs, bracelets, bagues ou boucles d’oreilles, sertis de pierres multicolores et gourmandes, tourmalines, aigues-marines, morganites et diamants sur or 18k. Si leur nom joyeux évoque les premières fleurs de la belle saison, il renvoie aussi à l’activisme de leur créateur, le « poppy » symbolisant, dans les derniers mois de la Première Guerre mondiale l’espoir de la fin des combats.

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La couleur particulière du platine

Depuis quelques années déjà, Selim Mouzannar s’intéresse au platine qu’il préfère clairement à l’or blanc. « Dans la nouvelle collection, j’ai intégré le platine qui est un métal unique dans sa ductilité, avec un point de fusion qui est plus complexe que l’or. Je suis très séduit par ce métal. Il n’est pas trompeur, sincère dans sa couleur, pas comme l’or blanc qui est un alliage et qui peut ternir avec le temps, ce qui n’est pas le cas du platine », confie-t-il. « C’est un métal délicat à travailler, mais qui jouit d’une couleur unique », ajoute le joailler qui poursuit : « J’ai été contacté par le Platinum International Council pour la préparation de quelques pièces que nous avons réussies. Nous avons déjà dans nos tiroirs une collection hommes tout en platine. J’ai instauré et formé une petite équipe spécialisée pour travailler le platine. »

Jurys, prix et projets à la pelle

On ne s’étonne plus, dès lors, que plusieurs fois lauréat du Salon Couture, notamment pour ses créations originales autour de pierres rares, comme l’émeraude trapiche colombienne caractérisée par un motif à rayons, Selim Mouzannar soit à présent invité à figurer au jury 2025 des prix prestigieux attribués par cette institution de Las Vegas où siègent à chaque session, cinq juges du monde entier.

L'atelier de travail où tout se passe. Photo DR

Le joailler figure, par ailleurs, parmi les trois nominés de la catégorie Jewelry Design des GEM Awards 2025, prix décerné à une personne, et non à une marque, pour son excellence en matière de conception de bijoux. « Chaque lauréat possède une esthétique extraordinaire et crée des bijoux qui façonnent l'avenir du design », précise la direction de ce prix, l’un des plus anticipés de l’industrie chaque année. Et parce que la maison Selim Mouzannar n’est jamais à court de projets, et parce que son fondateur ne cesse de clamer son attachement à Beyrouth, ville source où il est né au sein d’une dynastie de joailliers-bijoutiers, « je résiste », dit-il. « Heureusement que le développement à l’étranger maintient la survie de notre famille de 35 employés et artisans », affirme celui qui, en peu de temps, a développé son entreprise dans une dizaine de pays. Près de 30 points de vente de la marque sont désormais déployés entre les USA, Paris, Saint-Tropez, Val-d’Isère, Courchevel, Londres, Zurich, Genève, Istanbul, Varsovie, Hong Kong, Mexico, Dubaï, bientôt Munich. Enfin, Mouzannar prévoit bientôt l’installation d’un des laboratoires les plus perfectionnés au Moyen-Orient, spécialisé dans la reconnaissance des pierres et de leurs origines sous la direction de son fils, Namir, qui a hérité de sa passion.

Sans lâcher la barre de son navire beyrouthin, Selim Mouzannar s’affiche comme un joaillier incontournable sur la scène internationale, entre son expertise du platine, une taille de diamants innovante à son nom et un nouveau statut de juré au prestigieux Salon Couture de Las Vegas, dédié à la création de haute joaillerie. À la veille de lancer une nouvelle collection...
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