La victoire de Donald Trump, élu pour la seconde fois président des États-Unis, ouvre la voie à une nouvelle vague de désinformation, à la fois politique et climatique, avec une administration prête à défier la communauté scientifique.
Dans la dernière ligne droite de sa campagne, le républicain a partagé de fausses affirmations sur l’aide gouvernementale après le passage de l’ouragan Hélène en Caroline du Nord, un État-clé qu’il a remporté face à Kamala Harris. Il a également une énième fois remis en cause, sans preuves, le résultat de l’élection présidentielle de 2020, perdue face à Joe Biden, agitant le spectre de fraudes électorales.
Ces fausses affirmations ont été massivement diffusées sur les réseaux sociaux, devenus la source principale d’information pour de nombreuses personnes au détriment des médias traditionnels, décrédibilisés en permanence par le milliardaire.
« Le problème de la désinformation n’a jamais été aussi grave », souligne Bill Adair, fondateur du site de vérification PolitiFact. Et, pour enrayer le flot de mensonges, la modération des réseaux sociaux et la vérification des allégations « ne fonctionnent manifestement pas », estime le spécialiste.
Alors même que la campagne électorale était en cours, divers sondages ont révélé qu’environ un tiers des Américains pensaient que l’élection de 2020 avait été « volée » par Joe Biden.
Des chercheurs du site spécialisé NewsGuard ont recensé 963 sites et 793 comptes influents sur les réseaux sociaux ayant publié de fausses informations électorales pendant la campagne.
Faute à la droite qui depuis 2016 utilise en plus de ses canaux de communication traditionnels les réseaux sociaux pour véhiculer sa « propagande », selon la chercheuse en désinformation Renee DiResta. Une machine alimentée par la création de mèmes, ces montages photos très présents sur les réseaux sociaux.
« Les influenceurs se stimulent les uns les autres », détaille Renee DiResta.
Si la désinformation n’a pas forcément été décisive dans la victoire du républicain, « Trump a très certainement été aidé par le refus apparent de X de contenir ou d’atténuer la désinformation pro-Trump », estime Ethan Porter, professeur à l’université George Washington.
Facteur X
Le propriétaire de X en personne, Elon Musk, a permis à cette désinformation de gonfler sur son réseau social en relayant lui-même de telles affirmations et en ayant, depuis qu’il a racheté la plateforme, réduit considérablement les équipes de modération. Le milliardaire, patron de SpaceX et de Tesla, a soutenu la campagne du républicain à coups de millions de dollars et pourrait jouer un rôle central dans sa nouvelle administration.
Trump a conquis des électeurs grâce à « une structure médiatique de droite qui les bombarde de mensonges et de réprobations tout en les dissuadant de consulter d’autres sources d’information, qu’il s’agisse d’organes d’information traditionnels, de représentants du gouvernement ou d’experts du milieu médical », souligne Matt Gertz, qui travaille sur les liens entre les médias de droite et le Parti républicain pour l’organisation Media Matters. Les sujets scientifiques comme le climat, les vaccins et autres questions de santé sont en première ligne de cette désinformation.
D’autant plus que le vaccino-sceptique et adepte des théories du complot Robert Kennedy Jr., un temps candidat indépendant avant de se rallier à Trump, devrait occuper un poste-clé dans la santé au sein du nouveau gouvernement.
« Comment les gens ne sont-ils pas alarmés par le fait que Trump veuille confier la santé à RFK Jr. ? (...) Cet homme a encouragé la désinformation antivaccins et les théories du complot sur la santé publique pendant des années », a fustigé dans une publication sur X Alma Hernandez, membre démocrate de la Chambre des représentants.
Sous le premier mandat de Trump, environ 1 400 modifications avaient été apportées par l’administration aux sites d’agences traitant de sujets scientifiques, supprimant ainsi des informations sur des questions environnementales, comme la pollution de l’eau, le changement climatique ou les espèces en voie de disparition, selon l’Union of Concerned Scientists (UCS), un groupe indépendant de scientifiques.
« Le chemin du président élu Trump vers la Maison-Blanche a été une campagne sans précédent de désinformation, de menaces, d’une rhétorique vouée à diviser et de promesses politiques dangereuses. Il est compréhensible d’envisager les quatre prochaines années avec de sérieuses inquiétudes », a déclaré Kim Waddell, président par intérim de l’UCS.
Rob LEVER/AFP