La guerre et la confrontation politique peuvent-elles aller de pair ? C’est à la faveur de cette logique que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, semble aborder la situation actuelle au Liban. À l’heure où le Hezbollah affronte Israël, le leader chrétien, qui se veut le fer de lance de l’opposition au parti chiite, en profite pour hausser davantage le ton face à son adversaire. Au point de se dire disposé à prendre part à une séance parlementaire dédiée à la présidentielle, scrutin bloqué depuis juin 2023 par le tandem chiite Amal-Hezbollah, même sans la participation du moindre député de cette confession. Une hausse de ton qui intervient au lendemain de la victoire à la présidentielle américaine de Donald Trump, réputé pour son hostilité au camp pro-iranien duquel relève le parti chiite et qui pourrait donner aux Israéliens un feu vert pour qu’ils continuent leur opération militaire. Mais le chef de Meerab ne se fait certainement pas d’illusions. Il est sans doute conscient qu’un tel scénario est loin de se concrétiser, les clés du Parlement étant entre les mains du… chiite Nabih Berry, président de la Chambre. Et en attendant que sonne l’heure d’élire le futur président, Samir Geagea s’en tient à certaines constantes : pour sortir le pays de la guerre, il faut appliquer les résolutions internationales qui appellent au désarmement du Hezbollah.
Le leader des FL a évoqué tous ces points dans une interview accordée jeudi à la chaîne locale LBCI. L’occasion pour lui de s’attarder d’abord sur la question de la vacance présidentielle. À ses yeux, il s’agit d’ailleurs « du plus grand problème du pays ». Plus de deux ans après la fin du mandat de Michel Aoun, Samir Geagea n’y est pas allé par quatre chemins : « J’accepte de participer à une séance consacrée à la présidentielle sans les chiites », a-t-il lancé, soulignant que « la Constitution et le pacte national permettent une telle démarche ». « Si les maronites s’opposent à un certain dossier, le pays sera-t-il paralysé à cause de ce refus ? » s’est interrogé le chef des FL.
Cette position de Samir Geagea est intervenue quelques mois après que Nabih Berry a tué dans l’œuf une proposition du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, de tenir un dialogue axé sur la présidentielle, même en l’absence des FL qui s’y opposent. Mais à l’heure où M. Berry avait justifié son niet par son refus de passer outre à un grand bloc chrétien, Samir Geagea, lui, donne une autre explication : « Il ne veut pas convoquer une réunion pour la présidentielle. Et c’est cette logique de blocage qui a mené le pays au bord du gouffre », a-t-il estimé, avant de poursuivre : « La solution réside soit dans l’amendement de la Constitution au vu des pratiques actuellement en cours pour instaurer une nouvelle loi fondamentale, soit dans le maintien des textes en vigueur, et la tenue du scrutin. » « Non à un consensus préélection », a tranché M. Geagea , sachant que peu après l’assassinat par Israël de Hassan Nasrallah, ex-chef du Hezbollah, Nabih Berry avait plaidé pour l’élection d’une figure consensuelle à la tête de l’État.
Un « oui, mais… » à Joseph Aoun
Cette option demeure associée au nom du chef de l’armée, Joseph Aoun, dont les FL étaient parmi les premiers à proposer la candidature à la magistrature suprême. Mais jeudi, Samir Geagea a apporté quelques précisions à ce sujet : « Il s’agit d’un candidat sérieux, et nous ne mettons pas de veto à son nom. Mais avant d’officialiser notre soutien, nous évoquerons avec lui les questions politiques, pour nous faire une idée de son approche de certains dossiers, comme celui de la contrebande aux frontières », a-t-il dit.
Toutefois, le chef des FL s’est placé en farouche défenseur de l’institution militaire et son chef, dans le collimateur du Hezbollah depuis plusieurs jours, notamment après le rapt, par Israël, d’un jeune capitaine (décrit comme un membre du Hezbollah par Tel-Aviv) à Batroun, début novembre. M. Geagea a réagi aux propos du nouveau chef du Hezbollah, Naïm Kassem, qui, dans son dernier discours, avait appelé l’armée à « clarifier ce qui s’est passé ». « C’est nous qui devons vous poser des questions, parce que c’est vous qui menez la guerre en faisant de mauvais calculs », a lancé M. Geagea à l’adresse du cheikh Kassem. « L’armée est victime de la plus grande campagne de fausses accusations. Car ce n’est pas elle qui a décidé la guerre, mais c’est le Hezbollah qui l’a déclarée », a-t-il rappelé, avant de s’interroger : « Comment sont-ils (les Israéliens) arrivés à Batroun ? » affirmant que c’est le parti chiite qui dispose d’une force navale et qui marginalise l’institution militaire depuis 30 ans. Cela fait dire au leader chrétien que la récente campagne menée contre l’armée ne vise qu’à lui « dénigrer son rôle » dans l’après-guerre, dans la mesure où elle est « la seule à pouvoir combler le vide (en se déployant) au Liban-Sud (après le retrait du Hezb) ». Mais on n’en est pas encore là. Sans craindre une guerre civile due à la tension entre les déplacés ayant fui le conflit et leurs hôtes, M. Geagea est conscient que l’éclaircie n’est pas pour demain et, surtout, que la solution passe inévitablement par l’application de la 1559 (2004, qui appelle au désarmement des milices), de la 1701 (2006, qui appelle au retrait du Hezbollah du sud du Litani) et de la 1680 (2006, qui appelle à délimiter la frontière avec la Syrie) pour « éviter le pire ».
Le refus du Tandem chiite a privé -et prive toujours- les Chrétiens de toute présence à leurs postes importants : 1) pas de président 2) pas de ministres représentatifs dans un gouvernement d’ailleurs boiteux. 3) la banque du Liban 4) à partir de Janvier, le commandement de l’armée. La solution est-Elle encore de redonner vie à cet État ultra-failli avec des Chiites qui passent leur temps à nous accuser de tous les maux ? Et qui CLAIREMENT ne veulent pas partager le pouvoir qu’ils ont pris tantôt par la ruse et tantôt par la force ?
07 h 55, le 10 novembre 2024