« La collection printemps-été 2025 célèbre l’idée de l’atelier comme lieu de créativité. Pleine de références utilitaires, elle met l’accent sur la belle cohabitation entre fonction et esthétique qui est l’essence même du savoir-faire d’Hermès », souligne le manifeste. Sensuelle et féminine, cette ligne est à l’arrivée estivale par sa légèreté et sa transparence. En peu de couleurs, ou plutôt jouant sur une gamme proche des couleurs naturelles du cuir et du tannage traditionnel, la palette se décline du beige kraft au rose bougainvillée en passant par des nuances de beige, de marron et de vert apparentés, bronze et muscade.
Cette collection donnée à voir à la garde républicaine, à Paris, se résume donc en trois points : l’utilitaire, le féminin et le savoir-faire contemporain, et est aussi l’une des plus inspirées de la maison. La directrice artistique des collections féminines Nadège Vanhee-Cybulski l’a placée sous le signe de la peinture expressionniste abstraite avec des références au travail de l’artiste américaine Helen Frankenthaler qui peignait à même le sol, en grandes flaques de couleurs. Intéressant était par ailleurs le choix des mannequins qui, loin des frêles silhouettes habituelles, dégageaient une impression de force, entre musculatures affinées et rondeurs assumées. On est là devant un parti pris de féminité engagée, active, robuste, précise, à l’image des femmes de plus en plus nombreuses qui rejoignent les ateliers de la maison pour participer à la confection.
Tabliers déstructurés et combinaisons de travail
Utilitaire, cette garde-robe l’est assurément, se déclinant en matières durables, beaucoup de cuir, nubuck et toile de coton robuste, façon denim. Le tablier de l’artisan est déstructuré pour créer des silhouettes fluides, des blousons plissés, attachés en gros nœuds à l’arrière, des capes décontractées. Le jumpsuit ou combi-pantalon est aussi un thème majeur avec des silhouettes soulignées par un jeu de ceintures et de boucles, des hauts ajourés à l’arrière façon marcel sont soutenus par de beaux cols chemisier. Le denim, nature ou teinté d’un pigment rose naturel, s’assouplit dans une version tissée en chevrons. La versatilité ajoute un aspect ludique au parti pris utilitaire, permettant des jeux trois en un, un manteau en veau présenté pouvant se transformer en bomber ou en gilet sans manches. Une robe longue peut aussi prendre des allures de gilet ou de liquette. Tout a des poches généreuses destinées à permettre à l’artiste ou à l’artisan de libérer ses mains.
L’idée de l’ensemble est d’offrir des vêtements seconde peau, avec des résilles qui ajoutent fluidité et sensualité et permettent de jouer, de couche en couche, d’épaisseur en épaisseur, avec la transparence. Souvent vue lors de cette Semaine de la mode, la tendance au sous-vêtement apparent est également interprétée dans cette collection Hermès où le soutien devient un haut informel, de même que la culotte se fait complice des jupes et pantalons en voile mixés avec des pièces opaques.
Un motif jamais utilisé auparavant
La grande originalité trouvée par Nadège Vanhee-Cybulski dans cette collection est un motif utilisé pour la première fois chez Hermès et jamais vu auparavant. Il est issu d’un livre équestre intitulé L’art de la cavalerie, ou La manière de devenir bon écuyer. À partir d’un marquage conçu par Gianpaolo Pagni, ses formes géométriques font écho aux empiècements utilisés pour renforcer les coins ou les poignées des articles de maroquinerie. Ces formes répétées dessinent une fontaine en référence aux fontaines de Versailles.
Sur le plan technique, cette estampe a nécessité trois étapes d’impression au cadre : d’abord une impression du cadre en finesse suivie d’une deuxième impression pour les formes d’emboutissage avant l’impression manuelle finale donnant un effet de flou sur les bords de l’estampage géométrique. Cette dernière étape met en valeur le geste de l’artisan.
Interrompu par des manifestants pour la défense des droits des animaux, le défilé présentait en effet un déploiement exceptionnel de pièces en peaux et cuirs, mais sourcés de manière responsable comme en fait état la maison.
La toile de coton s’invite dans les sacs
Côté accessoires, parmi les icônes revisitées dans cette collection, on retrouve notamment le sac Birkin et le fourre-tout Étrivière interprétés en harmonie de cuir et de toile de coton, souple et léger. Au final, c’est tout une relation au corps et à la peau que réécrit ici Nadège Vanhee, opposant l’intelligence de la main au tout-digital pour réveiller une idée du sexy à l’ancienne, enracinée au plus profond de l’art de la séduction.
Nadège Vanhee-Cybulski, entrée chez Hermès en 2014 et qui célèbre cette année ses dix ans de maison, s’était dès le départ posé le défi de donner au prêt-à-porter la même pertinence que les célèbres sacs de la marque issue du savoir-faire maroquinier destiné à l’univers équestre. Un pari réussi dès le moment où elle a fait le choix de s’ancrer dans l’ADN jusqu’à l’oublier, pour mieux regarder en avant.