C’est la rumeur inattendue de cette rentrée. Début septembre, le hashtag #StarAcademy refaisait son apparition sur X aux quatre coins du monde arabe. Rapidement, la machine médiatique s’est emballée. Le célèbre télé-crochet pourrait-il signer son retour au Moyen-Orient ? C’est en tout cas ce qu’affirment nombre de médias locaux libanais et saoudiens, citant des sources « plus ou moins bien informées ».
Produit et historiquement retransmis sur la LBCI entre 2003 et 2016 – puis en coopération avec la chaîne égyptienne CBC à partir de 2013 –, la Star Academy a connu au pays du Cèdre et dans le reste de la région un succès populaire offrant aux stations de diffusion des pics d’audience importants, de quoi attirer publicitaires et annonceurs généreux. Retour sur la genèse d’un phénomène que la petite lucarne a du mal à reproduire.
Usine à stars
En 2001, TF1, qui cherche à concurrencer M6 après le lancement triomphant et corrosif de Loft Story, cherche à créer, elle aussi, sa télé-réalité phare, avec des chanteurs cette fois-ci. Enfermés dans le château de Dammarie-lès-Lys, près de Paris, une quinzaine d’apprentis artistes se voient alors filmés 24 heures sur 24, 7 jour sur 7, durant leurs cours de chant, de danse, d’expression scénique et de sport, au cours de leurs repas, de leur bref appel de moins d’une minute avec leurs parents, entre deux accrochages et coups de sang tempérés. En plus des quotidiennes, programmées tous les après-midi à l’heure de la sortie des cours, les téléspectateurs sont invités à noter les progressions des élèves chaque semaine lors d’un prime time où sont conviés crooners oubliés ou divas célébrées, sans oublier la cruelle élimination d’un candidat en fin de soirée.
Inspirée par l’indéniable prospérité d’une émission réunissant dans l’Hexagone entre 8 et 12 millions de personnes devant leur petit écran tous les samedis soir pendant trois mois, la productrice libanaise Roula Saad en achète les droits – à Endemol – et repense le concept pour l’adapter à une audience panarabe, sans pour autant en changer les fondements.
Le 19 octobre 2003, après plusieurs mois de travail et un casting resserré, les studios de la LBCI, situés à Adma sur les hauteurs de Jounieh, diffusent le premier prime d’une longue série. Aux manettes, l’animatrice Hilda Khalifé, encore peu connue du grand public, en devient vite l’attraction principale. Loin des costards-cravate de Nikos Aliagas, son homologue français, elle détonne par un mode de présentation inédit et une prestance glamour, féminisant comme souhaité par la production, l’image d’un concours de chant se voulant d’abord novateur. Pari réussi pour Roula Saad qui, au travers d’académiciens de moins de 25 ans qu’elle gronde ou pouponne, amorce une nouvelle ère pour la télévision arabe, un poil plus voyeuriste, beaucoup plus incisive.
Comme en France, le barnum ambitieux se transforme en rendez-vous pour célébrités en tournée promotionnelle. Conscients de la popularité de l’académie et des retombées financières qui en découlent, les maisons de disques et autres agences artistiques proposent de mettre en avant leurs talents à tour de bras. Elissa, Wael, Najwa, Assala, Sherine, Nancy ou Haïfa, la scène pop régionale en pleine ébullition est représentée dans toute sa diversité pour accompagner les jeunes pousses bégayantes ou déjà affirmées. Si Alexia Laroche-Joubert – productrice de la version tricolore – dégote Mariah Carey, Madonna et Céline Dion pour accompagner Jenifer, Nolwenn Leroy et Grégory Lemarchal, les artistes à renommée internationale sont logiquement plus réticents à l’idée de se rendre dans une Beyrouth éternellement instable au creux des années 2000. Seuls quelques irréductibles fidèles répondent à l’invitation, dont Julio Iglesias, Chris de Burgh et Tina Arena.
Au fil des semaines, des nominations et des votes d’un auditoire fidélisé, les prétendants au trophée se font un nom, une base de fans et une plateforme propre à leur univers musical, malgré certaines polémiques conservatrices s’insurgeant de voir des femmes et des hommes non mariés vivre ensemble sous le même toit ou encore des appels au boycott concernant l’injustice du système de vote – comme par exemple un candidat égyptien qui bénéficie automatiquement d’un soutien plus important que son camarade libanais, en raison de la démographie inégale selon les pays –, entre autres.
Mais comme pour toute idée, aussi innovante soit-elle, la lassitude et la répétition épuisent et lassent les téléspectateurs en quête de renouveau. Indétrônable jusqu’en 2011, la reprise de la Star Academy sous une autre direction entre 2013 et 2016 ne connaît plus le même engouement au Liban – ringardisée par Arab Idol ou Arabs Got Talent –, bien que diverses personnalités emblématiques de l’émission jouissent désormais d’une notoriété et d’une carrière dans la durée, à l’instar du Libanais Joseph Attieh, du Syrien Nassif Zeytoun ou de l’Irakienne Rahma Riad.
Retour français gagnant
Déprogrammé de la grille de TF1 en 2008 après une huitième saison ayant enregistré une chute d’audience inhabituelle pour la première chaîne d’Europe, la Star Academy signe un retour timide pour une saison unique sur NRJ12, petite station de la TNT spécialisée dans la télé-réalité, en 2012, avant de rempiler dix ans plus tard sur le canal emblématique de Nikos Aliagas, toujours en tête de file.
Surfant sur un effet de nostalgie assumé, confortée par une soirée anniversaire avec de meilleurs scores que la finale de The Voice, TF1 rouvre son illustre château avec un corps professoral entièrement neuf et avec comme directeur Michaël Goldman, fils de Jean-Jacques. Très vite, la relance de la Star Ac’, qui arrive à générer et fidéliser une nouvelle génération avec un contenu revisité pour répondre aux standards des réseaux sociaux et des plateformes de streaming, concurrence les séries et variétés de France Télévisions, caracolant en tête.
Apparemment influencés par cette renaissance télévisuelle hexagonale, les « dirigeants de nombreuses rédactions au Moyen-Orient se sont réunis pour discuter d’un possible reboot », affirme à L’OLJ un journaliste responsable éditorial d’une station concernée, sous couvert d’anonymat.
Cantonnées aux talk-shows politiques ou sociaux, moins risqués et bien moins coûteux, les chaînes libanaises préfèrent ne pas se lancer, pour l’instant, dans des chantiers dont elles n’ont plus les moyens. « La LBCI, qui avait la volonté de reprendre sa place de leader du vendredi soir, a mis de côté ses préparatifs il y a un moment en raison de la situation sécuritaire et de l’instabilité qui règne au Liban », ajoute la source précitée.
Ces dernières semaines, ont également circulé des échos persistants autour d’une relance du programme à Riyad en 2025, sur la chaîne saoudienne MBC. Une rumeur rapidement réfutée par Bassam al-Braikan, directeur général des communications et des relations publiques du groupe…
Affaire à suivre…