Le président de Médecins sans frontières (MSF) a accusé l'Italie, mercredi dans un entretien à l'AFP, de faire obstacle au sauvetage des migrants en Méditerranée en "criminalisant" les ONG et leurs bateaux-ambulances.
Le navire de MSF, le Geo Barents, est actuellement immobilisé au port de Salerne, dans le sud de l'Italie, placé en détention administrative il y a deux semaines par les autorités italiennes, une décision dont l'ONG a fait appel. Dans un entretien avec l'AFP depuis Salerne, le président de MSF, le chirurgien grec Christos Christou, a récusé les accusations de l'Italie selon lesquelles l'ONG n'aurait pas préalablement prévenu autorités de coordination lors de multiples sauvetages effectués le 23 août.
"J'ai senti que je devais venir ici (à Salerne) pour dénoncer l'injustice de la détention du Geo Barents pendant 60 jours alors qu'il se passe tant de choses en Méditerranée", a déclaré M. Christou. Selon lui, le 23 août, alors que le navire venait d'effectuer un sauvetage et qu'il suivait les instructions des autorités italiennes pour se rendre au port, il a repéré un autre bateau de migrants en détresse.
"Les gens sautaient dans la mer. Ils étaient là, sans défense, sans gilet de sauvetage", a expliqué M. Christou. "Nous avons essayé de recontacter les garde-côtes libyens, mais ils n'ont pas répondu. En regardant les gens dans la mer, à ce moment-là, la seule chose à faire était de leur tendre la main et de les sortir de l'eau". L'ONG soumettra des documents audio et vidéo au juge d'appel pour l'aider à prouver ses dires.
Obstacles
Il s'agit de la troisième immobilisation du Geo Barents en vertu d'un décret-loi italien datant de janvier 2023, qui a également bloqué des navires de sauvetage d'autres ONG comme SOS Méditerranée, basée à Marseille, et Sea-Eye et Sea-Watch pour des périodes pouvant aller jusqu'à 60 jours, des immobilisations souvent annulées dans le passé par les tribunaux italiens, la dernière fois en juin.
Les détentions de navires de sauvetage d'ONG par l'Italie s'inscrivent dans un "ensemble de mesures et de moyens visant à créer des obstacles à ce que nous faisons en Méditerranée", selon M. Christou.
"Avec ce gouvernement italien, nous pouvons clairement voir l'intention: ils veulent vraiment criminaliser l'aide humanitaire fournie par les navires des ONG", a-t-il ajouté. En vertu de la loi italienne, les navires des ONG sont tenus de n'effectuer qu'un seul sauvetage à la fois, une disposition qui met les vies d'autres migrants en danger, dénoncent les ONG. Ils sont également obligés de débarquer les migrants dans des ports éloignés, ce qui augmente les délais et les coûts de retour en mer pour d'autres sauvetages.
Depuis 2017, l'Italie et le gouvernement libyen de Tripoli, soutenu par l'ONU, se sont associés dans le cadre d'un accord controversé sur les migrants approuvé par l'UE. Cet accord permet, selon des ONG de défense des droits humains, de renvoyer des milliers de migrants en Libye où ils subissent des tortures et des abus dans des centres de détention. Dans le cadre de cet accord, l'Italie fournit une formation et un financement aux garde-côtes libyens afin d'endiguer les départs de migrants ou de renvoyer en Libye ceux qui sont déjà en mer.
Cimetière marin
La traversée de l'Afrique du Nord vers l'Europe, en Méditerranée centrale, est la route migratoire la plus meurtrière au monde. Au moins 2.526 migrants y sont morts ou disparus l'année dernière, et au moins 1.116 depuis le début de l'année, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui a recensé plus de 17.000 morts ou disparus depuis 2014.
Le nombre de migrants traversant la Méditerranée centrale a diminué d'environ un tiers cette année, selon Frontex, l'agence européenne chargée du contrôle des frontières. Mais les migrants choisissent d'emprunter de nouveaux itinéraires dangereux, selon M. Christou, citant l'augmentation cette année des départs de l'Afrique vers la Grèce ou les îles Canaries dans l'Atlantique, ce qui entraîne "plus de morts".
L'Union européenne "ne parvient pas à fournir des solutions collectives", la plupart des fonds alloués à la migration étant consacrés à des mesures de sécurité plutôt qu'à des mesures humanitaires, a déploré M. Christou. "Plus de drones, plus de clôtures, plus de garde-côtes... au lieu de faire preuve d'humanité et de traiter les gens avec la dignité humaine", a-t-il dit.
Le navire de MSF, le Geo Barents, est actuellement immobilisé au port de Salerne, dans le sud de l'Italie, placé en détention...
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