Dans un dispensaire du camp de réfugiés d'al-Zawayda, dans le centre de la bande de Gaza, des enfants passent à tour de rôle devant un infirmier en ouvrant la bouche pour recevoir deux gouttes, constituant la première dose du vaccin contre la polio.
Certains grimacent au goût, sous le regard de parents « heureux » en voyant leurs enfants se protéger du virus, un nouveau danger qui guette la population dans le petit territoire palestinien assiégé et bombardé depuis l'attaque meurtrière du Hamas en Israël le 7 octobre. La polio, éradiquée il y a 25 ans, est revenue dans la bande de Gaza où le virus a été découvert mi-août chez un bébé de 10 mois.
Sa famille installée dans le centre du territoire palestinien a été déplacée plusieurs fois par la guerre et les ordres d'évacuation de l'armée israélienne. Elle a expliqué qu'elle n'avait jamais pu le faire vacciner, comme c'était le cas pour la quasi-totalité des petits Gazaouis.
« Absolument les vacciner »
Sur 36 hôpitaux, ils ne sont plus que 17 à fonctionner partiellement aujourd'hui dans le territoire palestinien, pour beaucoup accaparés par les blessés de guerre, estimés à plus de 94.000 selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza. Le même ministère recense au moins 40.691 morts, en majorité des femmes et des mineurs selon l'ONU.
Depuis l'annonce du premier cas de polio en un quart de siècle, Ghadir Hajji, s'inquiète pour ses cinq enfants. « Il faut absolument qu'ils soient vaccinés », dit-elle à l'AFP. « On a reçu des SMS du ministère de la Santé et on s'est présentés aussitôt », raconte-t-elle encore dans la queue qui s'est formée devant ce dispensaire, l'un des 67 centres de vaccination ouverts pendant trois jours au moins.
Israël a accepté de laisser l'ONU mener sa campagne de vaccination en trois phases: trois ou quatre jours, selon les besoins, dans le centre de la bande de Gaza devront être suivis d'autant de jours dans le sud puis le nord de la bande de Gaza. Basma al-Batch, a fait le déplacement pour vacciner ses enfants et elle en est, dit-elle, « très heureuse ». « Je veux protéger mes enfants car j'avais peur qu'ils soient touchés et deviennent handicapés », assure-t-elle.
Ses enfants ont reçu ce matin la première dose du vaccin. Dans quatre semaines, il leur en faudra une deuxième. Et si au moins 90% des enfants gazaouis les reçoivent aussi, alors la « propagation internationale » sera arrêtée, selon l'ONU.
« L'un des plus beaux jours »
Dans le territoire où la quasi-totalité des 2,4 millions d'habitants ont été déplacés par la guerre, les camps de tentes sont des bouillons de culture pour les épidémies, ne cessent d'alerter les médecins. Entre promiscuité, manque d'eau et donc d'hygiène, et malnutrition, les mineurs --la moitié des habitants-- sont les plus en danger.
Là, des équipes mobiles vont de tente en tente pour administrer deux gouttes à chaque enfant avant de marquer l'un de leurs ongles au feutre noir pour certifier leur passage. « Avec la guerre, de nouvelles maladies sont apparues », rapporte Nesma Hefni, elle-même déplacée qui a vu les ravages des maladies de peau et autres gales galopantes. « On veut protéger nos enfants pour qu'ils ne tombent pas malades plus tard », assure-t-elle.
A partir de neuf heures, le docteur Yasser Chaabane, directeur médical de l'hôpital al-Awda, également dans le centre de la bande de Gaza, a commencé à recevoir des familles impatientes de vacciner leurs enfants dans les trois points de vaccination qu'il gère. Lui n'a qu'une seule inquiétude, que la « pause humanitaire » promise par les belligérants et annoncée par l'ONU soit brisée. « Il y a un survol important de drones au-dessus du centre de la bande de Gaza et nous espérons que cette campagne de vaccinations pour les enfants se passerait dans le calme », dit-il à l'AFP.
A terme, la campagne vise à vacciner plus de 640.000 enfants de moins de dix ans et l'ONU a déjà fait entrer à Gaza 1,2 million de doses du vaccin nOPV2.
Pour Louise Wateridge, de l'Unrwa, l'agence de l'ONU en charge des réfugiés palestiniens, « c'est l'un des plus beaux jours à Gaza depuis le début de la guerre ». Elle a déjà recensé « des milliers d'enfants vaccinés » et « plusieurs queues qui vont jusque sur les parkings » des hôpitaux. Mais, dit-elle à l'AFP, « on redoute maintenant ce qui se passera après la « pause ».