« Ce qu'il s'est passé pendant ce massacre sera révélé. » C'est ce qu'a affirmé un avocat irakien, qui a perdu plusieurs membres de sa famille dans ce qui sera connu sous le nom du « massacre de Haditha » en Irak, à l'un de ses compatriotes ayant également perdu des proches lors de cette tuerie commise par des marines américains en novembre 2005, comme le rapporte le magazine américain New Yorker.
L'avocat tentait de convaincre l'autre homme de signer une pétition – une initiative du New Yorker – pour que l'armée américaine diffuse des années plus tard les photos prises après le massacre perpétré par deux marines, au cours duquel 24 civils sont tués. Ces images ont finalement pu être obtenues au terme d'une longue bataille judiciaire menée par le média, qui les a publiées pour la première fois le 27 août.
Que s'est-il passé le 19 novembre 2005 à Haditha ? Qu'apportent les photos obtenues sur cet événement ? L'Orient-Le Jour revient sur cet événement de l'invasion américaine de l'Irak en 2003.
Les faits
Haditha est une ville rurale de la province du Anbar, située à 240 kilomètres au nord de Bagdad, sur l'Euphrate. Les événements du 19 novembre 2005, en pleine guerre en Irak (2003-2011) commencent à 7h15 lorsqu'un véhicule d'une patrouille du 3e bataillon du 1er régiment des marines circulant à Haditha explose en roulant sur un engin explosif improvisé, placé par des « insurgés », selon les témoignages évoqués, notamment dans un article du Washington Post datant d'avril 2007 et citant des documents de l'enquête de l'armée US.
L'explosion tue le caporal Miguel Terrazas qui conduisait le véhicule et blesse deux autres soldats. En représailles, deux marines sortent immédiatement cinq civils d'une voiture et les abattent. Après l'arrivée de renforts, les marines essuient, selon leurs témoignages, « des tirs à l'arme légère provenant d'une maison voisine ». Leur lieutenant ordonne alors que la maison d'où proviennent les tirs soit « prise d'assaut », tout comme d'autres adjacentes. Un des militaires présents, le sergent-chef Frank D. Wuterich affirme avoir suivi « les règles d'engagement » et avoir d'abord lancé des grenades à fragmentation avant de tirer.
Les victimes
En tout, le massacre fait 24 victimes, des hommes, des femmes et des enfants, certains « encore au lit en pyjama », selon l'article du Washington Post.
Le New Yorker souligne que la plus jeune victime avait trois ans et la plus âgée 76. Parmi elles, le magazine publie notamment les photos de Zeina Salim, une fillette de cinq ans, tuée dans un lit à côté de sa mère, Aïda Ahmad, quarante ans, ses sœurs Sabaa, dix ans, Aïcha, trois ans, la plus jeune des victimes, et son frère Mohammad, huit ans. Une autre sœur de la fratrie Salim, Nour, âgée de quinze ans, est également tuée dans la même pièce, tandis que Safa, qui avait alors onze ans, survit après s'être cachée. Asma Rassif, trente-deux ans, et son fils de quatre ans, Abdallah, sont tués dans une autre pièce. Abdallah est atteint d'une balle dans la tête, tirée selon des enquêteurs à moins de deux mètres de distance. Dans ce salon a été retrouvée la dépouille mortelle de Jahid Hassan, 43 ans. Dans une autre maison attaquée se trouvait Khoumeïssa Ali, 66 ans.
Une autre photo montre les cinq passagers du véhicule tués par les marines juste après l'explosion sur la route devant les maisons prises d'assaut. Il s'agit de Wajdi Abdelhussein, 19 ans, Akram Fleh, 19 ans, Khalid Abdel Hussein, 26 ans et Mohammad Ahmad, 21.
Après les faits, deux militaires se sont rendus sur les lieux et ont pris des photos des corps, qu'ils ont numérotés au marqueur rouge.
Pas de condamnation
Alors que l'affaire est d'abord passée sous silence après que les marines ont prétendu que les victimes étaient des insurgés armés et que certains décès étaient dus à l'explosion de la bombe sur la route, c'est une enquête menée par le Time Magazine et publiée en 2006 qui a fait la lumière sur l'exécution délibérée de civils. Une double enquête est alors lancée sur la tuerie par l'armée américaine, la première sur les événements du 19 novembre 2005 et la seconde sur les raisons pour lesquelles l'armée n'a pas été informée plus tôt de ce qu'il s'était passé, rapportait en mai 2006 un responsable militaire à CNN.
Dans le cadre de la première enquête, huit marines ont été confrontés à des accusations criminelles ou sanctions administratives, notamment le sergent-chef Frank Wuterich. Entre avril 2007 et et juin 2008, les charges contre sept d'entre euxs sont abandonnées, en échange de témoignages ou parce que les preuves contre eux sont jugées trop faibles. Le procès de l'officier qui se trouvait sur les lieux, Wuterich, devant la Cour martiale pour des accusations d'homicide volontaire, d'agression aggravée, de mise en danger imprudente, de manquement au devoir et d'entrave à la justice, s'ouvre finalement en 2012. L'officier plaide coupable de manquement à son devoir par négligence et est condamné quelques jours plus tard à 90 jours de détention, qu'il n'a pas effectuée pour raisons procédurales. Il est rabaissé au rang de soldat.
L'importance des photos pour documenter le massacre
D'après Madeleine Baran, la journaliste auteure de l'article du New Yorker, l'une des raisons de la légèreté des peines contre les militaires est le manque d'images accablantes, contrairement à d'autres scandales impliquant l'armée comme celui de la prison d'Abou Ghraib, lorsque l'armée et des agents de la CIA ont été accusés de violations des droits des prisonniers entre 2003 et 2004, après avoir abusé de détenus physiquement et sexuellement. C'est ce qui a poussé la journaliste à réclamer dès 2020 à l'armée US des photos du massacre, évoquant la loi sur la liberté de l'information. Faute de réponse, elle porte plainte contre la troupe. C'est après avoir récolté l'accord des familles des victimes, en coordination avec certaines d'entre elles sur place, pour renforcer sa demande en justice, qu'elle a finalement accédé aux images.
24 personnes sont mortes?? et les 500,000 innocents syriens aux mains des assad???????
08 h 40, le 30 août 2024