À chaque fois que le Hezbollah croit avoir franchi un pas dans l’amélioration de ses relations avec les chrétiens, il découvre que le fossé reste profond entre eux. Au point que ce dossier constitue pour lui un véritable casse-tête. Mobilisé pour maintenir ouvert le front de soutien à Gaza à partir du sud du Liban, le Hezbollah reste soucieux de la scène interne. En effet, l’expérience lui a montré que sa force régionale ne peut pas le protéger s’il perd la stabilité interne ou s’il doit faire face à des tiraillements communautaires, politiques ou sécuritaires. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé après la guerre de 2006, lorsque le 5 mai 2008, le gouvernement présidé par Fouad Siniora avait pris la décision d’interdire le réseau de communications du parti chiite, entraînant par la suite le coup de force du 7 mai à Beyrouth et dans la Montagne, qui a marqué les communautés sunnite et druze. Il a fallu des années pour que la blessure se cicatrise et aujourd’hui, c’est certainement grâce à la guerre de Gaza que le Hezbollah peut affirmer avoir amélioré ses relations avec les sunnites et les druzes, en général, même si au sein de chaque communauté, il y a encore des groupes qui lui sont hostiles.
Toutefois, son véritable problème reste les chrétiens, qui ont un rôle particulier dans ce pays. C’est leur présence qui lui permet de se distinguer des autres pays arabes, et leur ouverture traditionnelle vers l’Occident leur donne une place à part sur l’échiquier interne. Même si leur rôle a été quelque peu affaibli dans la période de l’après-Taëf, ils restent une composante essentielle du Liban. Le Hezbollah a beau s’inscrire dans le camp antioccidental, il reste convaincu que ce pays a aussi besoin de l’Occident pour prospérer. Il estime donc avoir besoin des chrétiens pour atténuer l’hostilité dont il fait l’objet dans de nombreux pays occidentaux.
Le Hezbollah pensait avoir accompli un grand pas dans ce sens après avoir conclu, en février 2006, l’entente de Mar Mikhaël avec le CPL présidé alors par Michel Aoun, l’une des plus importantes composantes chrétiennes de l’époque. Cette entente a survécu à de nombreuses secousses, jusqu’après les législatives de 2022. Mais, à mesure que la popularité du CPL s’affaiblissait, le fossé entre les deux partenaires de l’entente de Mar Mikhaël s’élargissait, le parti aouniste rendant ainsi le Hezbollah responsable de l’échec de la lutte contre la corruption interne, alors que le Hezbollah voulait donner la priorité aux développements régionaux et aux préparatifs de la prochaine confrontation avec Israël.
Pour compenser la tiédeur de ses relations avec le CPL, le Hezbollah s’est tourné vers Bkerké, cherchant ainsi à consolider ses relations avec l’Église maronite et son chef, le cardinal Béchara Raï. Mais là aussi, ses efforts se sont heurtés aux réserves de Bkerké, qui n’était pas prêt à appuyer ses relations étroites avec l’Iran ainsi que ce qu’il a considéré comme un poids (chiite) de plus en plus important sur la scène interne. Le Hezbollah a bien essayé d’instaurer un dialogue stable avec Bkerké, à travers le comité de dialogue islamo-chrétien, mais il a dû déchanter, car ce dialogue n’a pas abouti à un document d’entente et, surtout, il n’a pas empêché Bkerlé de critiquer le Hezb, notamment dans le cadre de la vacance présidentielle dont il serait en grande partie responsable et dans celui de l’ouverture du front de soutien à Gaza. Ces critiques sont devenues régulières dans les homélies dominicales du patriarche maronite, qui n’a pas hésité à parler d’« actes terroristes » au Sud, le jour même de l’arrivée au Liban du secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, en juin dernier. Ces accusations, même si elles n’étaient pas directes, ont poussé le Conseil supérieur chiite à boycotter la réunion élargie à Bkerké en l’honneur du cardinal Parolin, et le dialogue voulu par le Vatican, entre toutes les composantes du pays, en particulier entre les chrétiens et les chiites, n’a pas eu lieu. Depuis, Bkerké et le Hezbollah ont cherché à rétablir un minimum de relations entre eux, mais les réserves chrétiennes à l’égard du rôle de la formation sur le plan interne et sur le plan régional demeurent.
Les critiques des parties chrétiennes au Hezbollah sont désormais plus violentes. Les Forces libanaises et le parti Kataëb accusent régulièrement le parti d’entraîner le Liban dans une guerre qui ne le concerne pas. Le Hezbollah a réagi en menant des initiatives en direction des chrétiens. Il a même cherché à se doter de groupes chrétiens qui lui seraient favorables. Mais ces groupes n’ont pas réussi à faire des percées réelles au sein de l’opinion publique chrétienne. Ils ont besoin de son soutien pour avoir un minimum d’audience et ne parviennent pas à mobiliser les chrétiens.
Le Hezbollah s’est rabattu sur le CPL et ce parti, par la voix de son chef Gebran Bassil, a répété ces derniers temps qu’il est aux côtés de la « résistance » face à toute attaque israélienne contre le Liban, même s’il n’est pas d’accord avec l’ouverture du front de soutien avec Gaza à partir du Sud. Mais en dépit de cette position, qui se démarque de celles des autres partis chrétiens, les relations du CPL avec le Hezbollah restent complexes. De plus, le parti aouniste fait désormais face à des remous internes.
Dans ce tableau, le Hezbollah se trouve ainsi face à un véritable casse-tête. Il est conscient de l’importance de se doter d’une couverture chrétienne, mais à l’heure actuelle, il n’a pas d’interlocuteur véritable dans le camp chrétien. Le CPL, qui aurait pu être le partenaire privilégié, attend des concessions qu’il ne peut pas faire pour l’instant et les nouveaux groupes ont besoin de temps pour être efficaces.
Avec la guerre à Gaza qui semble appelée à se prolonger, le Hezbollah est conscient de l’urgence de pacifier le front interne. Mais comment gagner les chrétiens alors que les thèses fédéralistes deviennent de plus en plus populaires dans leurs rangs ? Le responsable du dossier chrétien au Hezbollah, Abou Saïd el-Khansa, n’est pas au bout de ses peines.
Quand au conflit Palestino-Israélien, il ne nous concerne plus directement. Il s'appelle Palestino-Israélien car il concerne ces deux peuples et eux seuls. Même les arabes s'en sont lavés les mains et cela depuis les années 70. Nous pouvons vouloir soutenir les Palestiniens dans leurs droits des peuples a décider de leur sort (Charte de l'ONU) sans nécessairement détruire nos villes et villages, nos terre arables et voir notre jeunesse mourir gratos pour les beaux yeux de Sinouar, Khamenei, Biden ou Macron. C'est d'une stupidité sans limite et signe d'un délitement mental.
08 h 34, le 26 août 2024