La traque de l'insaisissable Yahya Sinouar, chef du Hamas

Yahya Sinouar, nouveau chef politique du Hamas, est traqué depuis des mois par Israël mais toujours insaisissable depuis l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien le 7 octobre sur le sol israélien.

"Cette attaque abominable a été décidée par Yahya Sinouar", avait alors déclaré le chef d'état-major de l'armée israélienne, Herzi Halevi, "lui et tous ses subordonnés sont des morts en sursis".

L'armée israélienne croit savoir qu'il vit retranché dans le réseau de tunnels du Hamas sous la bande de Gaza. En décembre, le Premier ministre israélien, Benjamin Netayahu, avait brièvement annoncé que l'armée encerclait sa maison. Depuis, plus rien ou presque, hormis rumeurs et spéculations.

"Il y a beaucoup de questions sans réponses", note Michael Milstein, analyste israélien, qui jusqu'en 2018 a conseillé des organismes du ministère de la Défense sur les questions palestiniennes.

Les images de Yahya Sinouar étaient déjà rares avant l'attaque du Hamas le 7 octobre en Israël, qui a entraîné la mort de 1.198 personnes, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes. Sur 251 personnes enlevées, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l'armée.

En représailles, Israël a déclenché dans la bande de Gaza une offensive qui a fait jusqu'ici 39.699 morts, d'après des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants morts.

Depuis l'attaque, M. Sinouar ne serait plus apparu en public.

A la mi-février, l'armée israélienne a diffusé une vidéo dans laquelle M. Sinouar apparaît selon elle dans un tunnel le 10 octobre, trois jours après l'attaque.

Les images proviennent d'une caméra de surveillance découverte lors d'une opération de l'armée israélienne.

L'AFP n'est pas en mesure de vérifier de façon indépendante l'authenticité de cette vidéo en noir et blanc.

C'est "le résultat de notre traque, cette traque ne s'arrêtera que lorsque nous l'aurons capturé mort ou vivant", a dit le porte-parole de l'armée, Daniel Hagari, lors d'un briefing.

"Cette vidéo ou une autre n'est pas ce qui compte vraiment. Ce qui est important, ce sont les renseignements que nous collectons et qui nous permettront de trouver les hauts responsables du Hamas et les otages", avait alors ajouté Daniel Hagari, sans préciser le lieu où les images avaient été tournées.

- "De cachette en cachette" -

Peu après, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a affirmé que Yahya Sinouar était "en fuite" et allait "de cachette en cachette".

Des rumeurs font également état de rencontres entre Yahya Sinouar et des personnes enlevées en Israël le 7 octobre.

Plus d'une centaine d'otages ont été libérés en échange de prisonniers palestiniens à la faveur d'une trêve fin novembre. Yocheved Lifshitz, 85 ans, qui venait de sortir de captivité, a affirmé avoir vu un responsable du Hamas, qu'elle identifie alors comme M. Sinouar.

Mais après avoir interrogé Mme Lifshitz, les services de sécurité ont estimé qu'il ne s'agissait pas de Yahya Sinouar, a précisé son fils à la chaîne 13 de la télévision israélienne.

"Sinouar dirige actuellement le mouvement (...). Il communique par des moyens complexes avec tous les cadres dirigeants du mouvement, à l'intérieur comme à l'extérieur, ainsi qu'avec les commandants de terrain d'Al-Qassam (banche armée du Hamas, NDLR)", a affirmé un dirigeant du Hamas à l'AFP sous couvert d'anonymat.

"Il suit des procédures de sécurité complexes pour sa protection personnelle, mais cela ne l'empêche pas de poursuivre ses tâches et de prendre des décisions".

Selon cette même source, Yahya Sinouar s'exprimera "bientôt" pour réagir à sa nomination mardi soir comme chef du Hamas.

- Fantasmes -

En attendant, son absence entretient tous les fantasmes.

D'aucuns affirment l'avoir vu sortir dans les rues de la bande de Gaza pour célébrer sa nomination, ou rencontrer des familles gazaouies déplacées par la guerre... Sans preuves.

Dans les médias israéliens, les personnes qui ont pu être en contact avec lui pendant les 23 ans qu'il a passés dans les prison israéliennes partagent anecdotes et diagnostics sur le personnage, parfois contradictoires.

Chancelleries, correspondants étrangers et autres commentateurs imaginent comment le chef du Hamas peut communiquer avec l'extérieur, notamment dans le cadre des négociations indirectes avec Israël pour un cessez-le-feu où ses réponses mettent plusieurs jours à arriver.

"Je ne serais pas surpris qu'il soit entouré d'otages, comme des boucliers", affirme M. Milstein, "il a beaucoup d'hommes autour de lui qui lui sont loyaux, et il doit recevoir de l'aide de Gazaouis qui ont soit peur de lui, soit adhèrent à l'idéologie du Hamas".

Si certains prétendent même qu'il a quitté la bande de Gaza, la plupart des spécialistes du Hamas réfutent l'idée.

"Un commandant ne quitte pas ses combattants", croit savoir l'un d'eux, l'historien militaire israélien Guy Aviad.

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