Septembre 1982. Alors que l’armée israélienne occupe Beyrouth-Ouest, deux hommes d’affaires font le pied de grue dans les locaux de L’Orient-Le Jour. Ils pensent avoir eu l’idée du siècle : acheter des encarts publicitaires pour promouvoir leur marque de pâtes… israélienne. Issa Goraieb, le rédacteur en chef de l’époque, renvoie manu militari ces deux commerçants assez présomptueux pour croire qu’un journal libanais, qui plus est hostile à leur présence, allait répondre positivement à leur requête.
C’est une époque que les « anciens » de L’OLJ évoquent avec pudeur, et toujours avec un certain relativisme. La génération de la guerre civile a vécu, survécu, et poursuivi jusqu’au bout sa mission : sortir un journal sous les bombes. Lorsque les journalistes d’alors se replongent aujourd’hui dans leurs souvenirs, ils prennent une grande inspiration. Puis le disque est lancé. Ils racontent les nuits à la lueur des bougies passées dans les escaliers ou dans la cave, avant d’envoyer un papier à l’imprimerie. Les repas, frugaux, concoctés sur un réchaud par Thérèse Saber, officiellement responsable du standard et surtout « maman de tous ». Les parties fébriles de flipper après le bouclage, ou les dîners à l’improviste dans les sous-sols d’hôtels. Les fêtes alcoolisées chez les uns et les autres pour oublier un instant le fait que, dehors, rien n’a changé. De collègues, ils sont devenus une famille. Ils se souviennent d’Édouard, de Fabienne ou de Georges, eux qui n’ont pas eu la chance de connaître la fin de l’histoire.
Ils ont senti la guerre poindre. Le nez collé aux nouvelles, les journalistes ont suivi de près les tensions permanentes au sein de la classe politique dès 1969. Avant que celle-ci n’éclate, les mouvements se radicalisent. S’arment. La présence palestinienne sur le territoire est la pomme de discorde. Après la tragique attaque du bus à Aïn el-Remmané par les forces chrétiennes le 13 avril 1975 contre des Palestiniens, le pays se scinde en deux. Dès le mois de septembre, la fracture entre Beyrouth-Est et Ouest se matérialise par des « checkpoints » tenus par des milices. Chaque matin, les membres de la rédaction qui, pour la plupart, vivent à l’Est, doivent montrer patte blanche pour rejoindre les locaux à Hamra, rue de la Banque centrale. Surtout ne pas froisser Ibrahim Koleilat, le chef des Mourabitoun, un parti pronassérien allié à l’OLP, qui tient le checkpoint de l’hippodrome, et où Tannous, le chauffeur du journal, les attend. Malgré ces circonstances, il n’est pas question de déplacer les locaux, qui abritent également les bureaux du Nahar, dans les quartiers est. « L’Orient-Le Jour avait une situation particulière. Il était à l’Ouest alors que c’était un journal de droite dirigé par des chrétiens », rappelle Marwan Hamadé, ancien journaliste à L’OLJ et ancien ministre. Le journal ne ménage pas ses critiques à l’égard des forces palestiniennes et syriennes. Au début, celles-ci n’ont que peu d’incidence, car les groupes armés considèrent que la publication en français n’a pas d’influence sur la rue musulmane. Le téléphone sonne parfois : quelques menaces des mourabitoun, ou des communiqués, de tous les groupes, à faire passer. À toutes les époques, mais plus encore depuis la fusion des deux frères ennemis, le journal se distingue par une ligne éditoriale plurielle où cohabitent des points de vue différents, parfois contraires. La guerre aurait pu en radicaliser certains. Les éloigner. « Il y avait parfois de grands débats entre les journalistes de gauche, propalestiniens, comme Samir Frangié (qui quittera le journal avant la guerre) et Marwan Hamadé, et les autres, comme Issa Goraieb, Jean Issa ou Salim Karam. Les frictions se reflétaient dans les éditoriaux, mais au final, chacun écrivait ce qu’il voulait », raconte Michel Touma.
À l’extérieur des bureaux enfumés où la tension reste à son comble, les rues sont devenues de vrais champs de bataille où les mitraillettes et les obus au mortier grondent. Les allées et venues d’un quartier à l’autre sont de plus en plus risquées. Alors les équipes sont logées à l’hôtel Cavalier, à quelques encablures de la rédaction. Combien de fois ont-ils longé les murs dans la pénombre pour éviter les snipers ? « À deux heures du matin, il fallait éviter les meutes de chiens errants et les voyous armés. Les 500 mètres qui nous séparaient de notre logement paraissaient interminables, se souvient Nagib Aoun », ancien rédacteur en chef de L’OLJ. « Je devais faire taire Amine (Abou Khaled, ancien directeur) qui traversait en chantonnant. En français qui plus est ! » se remémore-t-il.
Tous les matins, le journal, qui relate les nouvelles de la veille, sort tout chaud des rotatives. Malgré des conditions de travail à la limite du soutenable, l’équipe rédactionnelle tient à maintenir la publication quotidienne du journal. Le ton est neutre, la couverture est factuelle, réduite certains jours à sa plus simple expression. Alors que les infrastructures se sont effondrées, le journal fait fonction de guide serviciel en informant les Libanais quant à l’avancement des combats, l’état des routes ou le rétablissement de l’électricité. « Il y a des jours où on ne publiait que quatre pages, et même certaines fois le journal n’était pas distribué. Mais pour notre honneur, on tenait à ce qu’il paraisse », raconte Nagib Aoun.
Les caisses, elles, commencent à se vider. Alors, il leur faut piocher dans celle des petites annonces et des nécrologies. Les équipes déménagent à l’hôtel Marly, un boui-boui, avant que la direction ne loue des studios meublés rue Hamra, où des colocations s’organisent, loin de leurs familles. « C’était les vaches maigres. Pierre Eddé, notre PDG, venait une fois par an, en janvier, nous donnait 20 % d’augmentation, puis repartait au Brésil », se rappelle Gaby Nasr, éditorialiste. Sur le toit du journal, on est aux premières loges de ce qu’on appellera plus tard « la bataille des hôtels », qui fait rage entre les phalanges chrétiennes et les forces propalestiniennes.
« Je brûle Beyrouth »
Un soir de septembre 1975, un employé de l’atelier tombe sur la photo d’un charnier. Il croit reconnaître un visage familier tué d’une balle dans la tête. C’est celui d’Élias, 20 ans. Cela fait plusieurs jours que ce jeune homme a disparu alors qu’il faisait des repérages en vue du rallye de l’ASAL (l’Association sportive automobile du Liban). « On a entendu tout à coup dans les couloirs un cri d’épouvante… C’était bien le fils de Joseph (Saadé, directeur technique et journaliste sportif) », se souvient l’ancien rédacteur en chef adjoint Abdo Chakhtoura. Trois mois plus tard, le 5 décembre, c’est au tour de Roland, le fils aîné de Joseph Saadé, de disparaître sans crier gare. « Si mon second fils est mort, je brûle Beyrouth », prévient-il alors dans le bureau des Kataëb à Saïfi.
Joseph Saadé embarque des miliciens et improvise des barrages. De père de famille sans histoires, il se mue en bourreau. Avec ses comparses, ils kidnappent à leur tour des civils. Le voile se lève sur le sort de Roland. Alors qu’il veillait avec ses amis à Broumana, le groupe a été arrêté à Fanar par des fedayin palestiniens qui criblent les jeunes de balles avant de les achever à la hache. Joseph entre dans une colère noire qui dépasse l’entendement. Il se déchaîne et tue, à l’aveugle, le plus possible de musulmans. En moins d’une heure trente, plus de 300 personnes sont assassinées durant la vendetta du père.
« C’est tout à fait normal qu’on m’appelle 'le boucher' »
Un journal en arabe le décrit comme le « boucher ». Un qualificatif qu’il accepte. « Après ce qu’il y a eu comme tuerie, c’est tout à fait normal qu’on m’appelle 'le boucher' », dira-t-il en août 1989, alors qu’il est invité sur le plateau d’Apostrophes d’été, l’émission de Bernard Pivot. « J’ai certainement (un remords), sinon je n’aurais pas écrit ce livre (Victime et bourreau : une vie, 1989) », ajoute-t-il. Pour l’opinion et les historiens, cet épisode reste gravé dans les annales comme le « samedi noir » et constitue un tournant dans la guerre interconfessionelle. Mais pour ses collègues, cet « accès de folie » de celui qu’ils surnomment tendrement « ammo Joseph » reste surtout une meurtrissure sur laquelle on ne s’attarde pas, les équipes de l’époque préférant se souvenir du brave homme qu’il était et non du « monstre » qu’il est devenu.
Parmi les drames qui jalonnent l’histoire du journal durant la guerre civile, un autre marquera durablement les esprits. Le 16 mai 1976, alors qu’il est en chemin vers le bureau, le rédacteur en chef, Édouard Saab, 46 ans, un homme brillant et aimé de tous, correspondant du Monde, de L’Express et de Jeune Afrique, se trompe de route et est mortellement visé à la tête par un tireur embusqué, sur la ligne de démarcation. « Ce soldat de la plume étouffait littéralement derrière son bureau. L’événement, il lui fallait le vivre. Jusqu’à en mourir », lit-on dans la manchette de son journal, le lendemain du drame. « C’était notre point de repère, le copain de tous. Avec son inénarrable accent de Lattaquié, il pestait auprès des auteurs d’articles-fleuves : « Je ne veux pas de thèse de doctorat » », se souvient Amine Abou Khaled.
La jeune rédaction est orpheline. D’autant plus que Jean Choueiri, le directeur, est désormais à Paris. Amine le remplace, et Issa Goraieb devient rédacteur en chef quelques mois plus tard, à l’âge de 33 ans. En juin de la même année, l’armée syrienne étend ses tentacules au Liban, sous le couvert de la Force arabe de dissuasion, censée mettre un terme aux combats. On connaît la suite. « L’époque où on pouvait écrire librement était finie. Parce que les miliciens de tous bords venaient nous menacer avec leurs kalachnikovs. En 1977, les Syriens nous ont chassés de nos bureaux à la baïonnette, tout comme le Nahar, le Nida’ et le Safir », raconte Marwan Hamadé. La censure revient au galop, alors que les canons tonnent. Les inspecteurs de la Sûreté générale vérifient chaque article jusqu’à l’aube et décident du droit de vie ou de mort de chaque publication. C’est l’époque, furtive, des textes à trous et des grands carrés blancs.
Certains journalistes quittent le pays, les autres trompent la mort, se réfugient dans l’alcool ou le haschich, pour avoir le courage de continuer « leur sacerdoce », comme disait Nagib Aoun. Avec pour but ultime de rester fidèle à leurs valeurs, à la défense farouche de la souveraineté du pays. Le journal est l’un des premiers à dénoncer l’occupation syrienne. Il n’hésite pas non plus à rapporter les exactions des miliciens « ou les attitudes extrémistes, quelle que soit leur source », relève Michel Touma, ancien rédacteur en chef. Comme sa famille est l’une des rares du journal à habiter à l’Ouest, beaucoup se retrouveront chez lui et sa sœur Fabienne Thomas, entrée plusieurs années avant lui à la rédaction. Les journalistes, loin de leurs propres familles, sont traités aux petits oignons par Mme Thomas (mère) à la rue Verdun.
Dès 1977, les pages culturelles se réduisent à mesure que les événements mondains s’annulent. Une jeune journaliste du service, sociologue de formation, en jean baskets, embarque appareil photo et calepin et vadrouille aux quatre coins du pays pour raconter la guerre autrement. Maria Chakhtoura refuse de se cantonner à un ghetto. Dès 1977, elle part à la rencontre des Libanais ordinaires, de toute appartenance religieuse ou partisane : chez les hôteliers de Khaldé « qui louent désormais leurs chambres en guise de chalet », mais aussi auprès « des enfants inconscients et des adultes anxieux » de Chiyah, le triangle de la misère. Elle rencontre aussi Diana et Hélène, des prostituées de la rue al-Moutanabi où elle doit ramper sur le bitume, entre chien et loup, pour pouvoir échanger quelques mots avec le pharmacien de Aïn el-Remmané. « Si tu pars dans le centre-ville, je ne te publie pas », menace Issa Goraieb lorsqu’il la voit se dérober au petit matin et rentrer tard dans la nuit. « Coups de poing ou coups de cœur, le journal m’a toujours permis de m’exprimer sans contrainte », raconte la reporter de guerre. Son bagou et ses sourires lui évitent de se retrouver dans de sales draps.
Avec ces va-et-vient d’Est en Ouest, la rédaction est de facto sujette aux arrestations et aux enlèvements sur base confessionnelle. Ils sont nombreux à en avoir fait les frais. Nagib Aoun et quatre autres membres de la rédaction sont enlevés à Kaskas alors qu’ils se rendaient au journal. « Ils m’ont mis le revolver sur la tempe parce que j’étais le responsable et ils nous ont emmenés dans une maison et nous ont dit que les Forces libanaises avaient enlevé un des leurs », raconte-t-il. Le groupe est relâché trois heures plus tard et déposé au journal, après intervention de Nabih Berry, président actuel du Parlement et leader d’Amal à l’époque. Grâce aux réseaux politiques des journalistes, tous ces rapts ne se termineront pas en drame. Issa Goraieb est quant à lui emmené un jour dans le quartier de la Cité sportive par des miliciens. Lorsque ces derniers mettent la main sur son carnet d’adresse, ils tombent, éberlués, sur les numéros de Walid Joumblatt, Nabih Berry et… Bachir Gemayel ! Comprenant, enfin, qu’il est journaliste, les ravisseurs le relâchent après six heures, mais le chef, qui porte le même prénom, Issa, insiste pour l’inviter à dîner. « Merci, mais j’ai un journal à finir », lui répond poliment le rédacteur en chef. Mais la palme de l’enlèvement le plus cocasse revient à celui de Jean Issa, chef du service Liban. Kidnappé à la sortie du Ring par des miliciens kurdes qui veulent l’échanger contre l’un des leurs détenu par les Kataëb, il est finalement relâché après 48 heures. Jean Issa, dans un élan chevaleresque, refuse de partir tant que leur camarade n’a pas été libéré. Les ravisseurs doivent insister pour le voir regagner son domicile.
« Achrafieh guetté par la famine »
Physiquement à l’Ouest mais politiquement à l’Est, la rédaction est également sujette aux intimidations de l’armée syrienne, alors que de violents affrontements l’opposent aux milices chrétiennes en 1978. « Dans l’étau de l’implacable blocus syrien : Achrafieh guetté par la famine », titre le journal à la une du 4 octobre 1978. Un officier syrien débarque un jour en tenue militaire chez le rédacteur en chef, Issa Goraieb. « On suit tout ce que vous écrivez. Vous pouvez continuer. Mais j’ai un conseil personnel à vous donner, en tant que chrétien : ne critiquez jamais les alaouites et ne jouez surtout pas sur la fibre communautaire », lui dira-t-il.
Bombardement des locaux
L’été 1982 constitue un tournant dans cette tragédie libanaise. Le 6 juin, l’armée israélienne envahit le Liban. Beyrouth est plongée dans le noir et subit des coupures d’eau. À l’Ouest, on assiste au ballet de familles, baluchon sur l’épaule, parfois même un matelas sur le dos, à la recherche d’appartements vides. Le reste n’est que scènes mille fois vécues depuis le début de la guerre civile. Les boulangeries rationnent le pain, les épiceries se vident, tout comme les pharmacies. Des tracts israéliens sont lancés au-dessus de la capitale. « Notre objectif est de vider Beyrouth des éléments armés non libanais », peut-on y lire. Amine Abou Khaled croise un jour une famille de Hamra contrainte d’inhumer un vieil homme dans une armoire faute d’avoir pu se déplacer pour acheter un cercueil. Le 4 août, les locaux de Hamra, qui abritent L’OLJ et le Nahar, sont dévastés par des tirs israéliens. Alertés par le bruit des obus qui tombent dans le périmètre, tous les employés s’en sortent miraculeusement indemnes. « L’immeuble tremblait, on a couru du 7e étage en catastrophe vers les escaliers de service. Le 5e était en flammes et les 4e et 6e sont totalement détruits. Nous sommes restés cloîtrés dans les sous-sols jusqu’à tard dans la nuit », confie Michel Touma. Le lendemain, un convoi s’organise avec les employés des deux journaux devant le Cavalier pour regagner Achrafieh. Le trajet est une succession de scènes apocalyptiques jusqu’à destination, quatre heures plus tard. L’équipe emménage dans un vieil immeuble de la place Sassine et la publication reprend après deux semaines. Par manque de courant, les longues soirées se passent à la lueur de la bougie sous une chaleur étouffante. On joue au poker en fumant des cigares après le bouclage.
Le 10 septembre 1983, un nouveau drame endeuille la rédaction. Fabienne Thomas meurt au volant de sa voiture alors qu’elle traverse le ring Fouad Chéhab. En début d’après-midi, le directeur du journal, Amine Abou Khaled, reçoit un appel de la gendarmerie qui lui signale qu’une jeune femme portant une carte de presse L’Orient-Le Jour a été transportée blessée à l’Hôtel-Dieu. Il s’y rue illico, mais il est déjà trop tard. Selon la version des policiers, elle aurait heurté un pylône. Mais des mois plus tard, alors que sa voiture a été offerte par sa famille à un atelier de formation garagiste, une balle est trouvée dans l’axe de la direction. « Elle s’improvisait secrétaire, trésorière ou telexiste pour remplacer au pied levé des camarades absents. (...) Fabienne, dépositaire discrète des ennuis de l’un, des misères de l’autre, Fabienne au cœur inépuisable, irremplaçable Fabienne », signe la rédaction en page une, le lendemain de sa mort.
Pendant ce temps, le pays, lui, continue de creuser sa tombe. C’est au tour de la crise économique de le frapper de plein fouet. Le dollar passe de 3 livres à 1 000. Alors que les recettes publicitaires se réduisent comme peau de chagrin, le coût de production du journal devient trop élevé. Les salaires ne valent plus qu’une cinquantaine de dollars par mois. L’Orient-Le Jour en pâtit davantage que le Nahar car ses lecteurs se réduisent en raison du départ des étrangers et d’une partie de la bourgeoisie francophone. Entre-temps, les salariés ont déménagé dans le quartier Accaoui, dans des bureaux plus adéquats. La crise est telle que Ghassan Tuéni, devenu PDG en 1985 à la suite de Pierre Eddé, songe à fermer ses deux « boutiques ». Avec Michel Eddé, ils chargent Marwan Hamadé de rencontrer Antoine Choueiri, le propriétaire de la régie publicitaire des deux journaux, et Pierre Daher (directeur de la LBC). « On s’est vus à Chypre. C’était une situation étrange, étant donné que j’étais proche à l’époque du Mouvement national (coalition des forces alliées au régime syrien et à l’OLP et hostiles au camp chrétien) et que je venais demander de l’aide à deux proches des Forces libanaises », raconte Marwan Hamadé, qui figure aujourd’hui parmi les actionnaires du journal. Après leur avoir exposé la situation, les deux hommes lui répondent que les deux titres « sont des bijoux » et « qu’il faut tenir le coup », et sortent immédiatement leurs carnets de chèques. « Un million de dollars pour le Nahar et 500 000 pour L’Orient-Le Jour, ce qui nous a permis de tenir jusqu’après Taëf (octobre 1989) », se souvient l’ancien ministre. Le journal bénéficie aussi d’une aide de la France, qui enverra un stock de papier, matière dont le prix était devenu prohibitif en raison de la chute de la monnaie.
L’établissement à l’Est ne protège pas davantage la rédaction. Ses membres doivent subir l’angoisse et la panique que provoquent les nombreux bombardements, syriens cette fois, auxquels le quartier est soumis entre 1988 et 1989. Pour pouvoir assurer la publication du journal, ils doivent parfois transporter leur machine à écrire pour se rendre à pied aux bureaux du Nahar. Dehors, c’est l’époque des combats fratricides entre chrétiens. C’est Georges Semerdjian, reporter photographe des deux publications, qui en fera les frais. Le 3 février 1990, huit mois à peine avant la fin de guerre, et après avoir été blessé à plusieurs reprises sur le terrain, il est tué d’une balle dans la tête alors qu’il couvre des affrontements à Jal el-Dib. Ces trois disparitions dramatiques, Georges Semerdjian, Édouard Saab et Fabienne Thomas, vont longtemps rester inscrites dans l’ADN du journal, la rédaction en chef refusant, des décennies après, d’envoyer des reporters sur des terrains de guerre. Une tendance qui perdura jusqu’en 2006.
Bibliographie:
Archives L'Orient-Le Jour
L'Orient-Le Jour, 100 ans, ou presque, Michel Touma (2014)
Comme déjà mentionné dans d'autres commentaires, l'Orient-le-Jour est devenu une pièce importante du patrimoine journalistique du pays. Il ne doit en aucun cas disparaître et se doit de perdurer dans son ouverte a tous sans toutefois déroger a sa ligne souverainiste et légaliste. Continuez a nous faire plonger dans son histoire si riche en événements important qui ont tant marqué nos vies.
12 h 14, le 20 août 2024