« – Il a été question de dix (mille dollars). Pour d’autres que toi, on a parlé de beaucoup plus.
– Si les dix (mille dollars) devaient être payés, la moitié serait à toi et à tes enfants. Sinon, je refuse. Rejette la proposition. »
Cette conversation enregistrée et diffusée récemment sur les réseaux sociaux est attribuée à un responsable de l’institut de stages (dont L’Orient-Le Jour a choisi de taire le nom) au barreau de Tripoli et à un candidat aux examens d’accès à la profession d’avocat, organisés en avril dernier. La fuite a immédiatement conduit le bâtonnier de Tripoli, Sami el-Hassan, à former une commission d’enquête sur des soupçons de corruption en vue d’une inscription au barreau à l’écart des critères réglementaires.
Contactée par notre publication, une source proche du conseil de l’ordre des avocats de Tripoli révèle que le responsable de l’institut se trouve être l’avocat d’affaires du candidat malheureux. Âgé de 54 ans, ce dernier, un homme d’affaires, détenteur d’une licence de droit, basé notamment en Australie, voulait s’affilier au barreau pour s’attirer davantage de clients parmi la diaspora. En dépit des tentatives d’arrangement entre les deux hommes, le postulant a été recalé, les résultats publiés en juin ayant fait état de ses notes très basses. C’est que le responsable de l’institut n’a pas été chargé de la session d’examens, confiée dans son ensemble (questions, corrections et résultats) à un professeur de l’Université libanaise. Au vu de ces résultats, les dix mille dollars dont il s’agissait n’auraient pas été versés, selon le juriste précité.
Un cas unique ?
Interrogée sur les propos enregistrés du responsable, qui aurait discuté avec d’autres personnes pour déterminer et partager le montant dû par le candidat, la source du barreau indique que souvent celui qui veut récolter des pots-de-vin fait croire au corrupteur que d’autres parties devraient en bénéficier également, alors qu’il est le seul à en profiter.
Quant aux « autres » auxquels il était question de faire payer « beaucoup plus » que 10 000 dollars, selon les enregistrements, il s’agirait notamment d’une candidate dont l’identité n’a pas été révélée. Le corrupteur l’aurait encouragée à proposer de son côté des gratifications en vue de réussir aux tests d’admission. Il s’est ensuite avéré qu’elle a refusé de le faire.
Selon la source proche du conseil de l’ordre, une fois le rapport d’enquête établi, l’organisme devrait prendre des mesures disciplinaires à l’encontre du responsable impliqué dans les messages vocaux. En attendant la fin des investigations, les fonctions de ce dernier ont été suspendues.
La compétence seule
Non satisfait de son évaluation par les correcteurs, le postulant recalé avait obtenu du conseil de l’ordre une nouvelle correction de ses copies. Il avait menacé, au cas où son échec allait être confirmé, de répandre les enregistrements compromettants. Or les correcteurs, parmi lesquels une avocate détenant un doctorat en droit et dont la participation à la commission de correction avait été réclamée par le candidat lui-même, au vu de la confiance qu’il lui voue, ont jugé de même qu’il n’était pas admissible au barreau.
Le verdict aurait provoqué la colère du quinquagénaire, qui aurait alors communiqué la conversation suspecte à un avocat radié il y a trois ans du barreau de Tripoli. À son tour, l’ancien avocat a diffusé les enregistrements, note la source précitée. Le conseil de l’ordre n’a pas pour autant cédé au chantage, maintenant sa décision d’inadmissibilité. Sollicité « en vain » par diverses « autorités politiques et religieuses », il a même interdit au corrupteur présumé de postuler au barreau pour une période de dix ans, poursuit la source interrogée.
Contacté par L’OLJ, le bâtonnier de Tripoli, Sami el-Hassan, indique que « le barreau réfute toute ingérence », affirmant qu’« il prend en considération les seuls critères de compétence, à l’exclusion de ceux basés sur les relations personnelles, financières, politiques ou confessionnelles ».
Sans lâcher prise, le candidat rejeté a présenté un recours devant la chambre de la cour d’appel chargée des affaires syndicales. Or si celle-ci est compétente pour statuer sur des questions d’affiliation au barreau, elle ne l’est pas pour évaluer des copies d’examen, estime la même source.
On note d’ailleurs un taux de réussite très bas lors de la dernière session par rapport aux sessions précédentes. « Les résultats sont transparents et se basent sur le seul mérite des candidats », ajoute le bâtonnier Hassan, invitant ceux qui les contestent à les consulter au siège du conseil de l’ordre des avocats de Tripoli.
La corruption est un sport national au Liban et tous les politiciens et leurs entourages et familles rafleraient la médaille d’or dans toutes les catégories. Ils arrivent au pouvoir avec des culottes déchirées et en sortent, pas d’eux mêmes mais à coup de pied, riche et classes parmi les plus riches du monde. Chercher l’erreur.
11 h 26, le 10 août 2024