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Politique - Décryptage

Quand Joumblatt éteint l’étincelle de la discorde

Indépendamment de l’identité de la partie responsable de ce qui s’est passé samedi à Majdel Chams, où un missile a explosé dans un terrain de foot, faisant 12 morts parmi les adolescents, de nombreux analystes sont convaincus que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réussi à exploiter cette tragédie à son avantage. Non seulement il a poussé les dirigeants occidentaux à reconnaître le droit d’Israël à riposter à cette tragédie, mais surtout il a réveillé les démons de la discorde entre les druzes et les chiites, en insistant sur le fait que le Hezbollah est derrière le tir de missile sur cette ville druze du Golan syrien occupé et annexé.

Pour Netanyahu, il ne s’agit sans doute pas d’une accusation lancée sous le coup de la colère. Selon des milieux druzes libanais, il s’agirait plutôt d’un plan préparé visant à réveiller les démons de la discorde entre la communauté et le Hezbollah. D’ailleurs, depuis plusieurs décennies, les Israéliens ont toujours voulu profiter de la fragilité du tissu social libanais pour maintenir le pays divisé et incapable de constituer une véritable menace pour leur sécurité.

De plus, on avait souvent dit que les Israéliens ne pouvaient pas supporter un modèle de diversité à leur frontière comme le Liban, puisque leur projet était de parvenir à un État juif. C’est ainsi que tout au long des années, les tentatives de provoquer des conflits confessionnels n’ont jamais cessé, certaines préparées par les Israéliens, d’autres par des parties multiples et toujours avec les Libanais comme exécutants. Il faut toutefois reconnaître que la guerre à Gaza a quand même eu un effet positif dans ce domaine, en unissant les sunnites et les chiites autour de la cause palestinienne, alors que la discorde entre ces deux communautés a longtemps constitué une menace pour l’ensemble de la région.

Faute de pouvoir jouer sur cette fibre confessionnelle, les semeurs de discorde auraient pu se rabattre sur le conflit ouvert entre certaines parties chrétiennes et le Hezbollah, mais ils ont dû considérer que ce serait bien plus efficace entre les chiites et les druzes, surtout que ces derniers constituent une des communautés qui vivent en Israël. Ils habitent des lieux stratégiques, comme le Golan, considéré comme un point de rencontre entre le Liban, la Syrie, Israël et même la Jordanie. Ses habitants ont des liens familiaux et peut-être plus, avec leurs coreligionnaires dans ces différents pays. Peut-être qu’au départ, les druzes du Golan ne voulaient pas être impliqués dans le conflit en cours, mais le Hezbollah a décidé, depuis l’ouverture du front du Liban à partir du 8 octobre, de les impliquer en établissant une nouvelle équation : chaque fois que les Israéliens bombardent la Békaa, il riposte contre des positions israéliennes dans le Golan annexé par les Israéliens en 1981. C’est ainsi que, bon gré mal gré, le Golan est entré dans la guerre de Gaza. Pourtant, en dépit de l’annexion israélienne, ses habitants ont en grande majorité refusé d’obtenir la nationalité israélienne, préférant rester des citoyens syriens. En d’autres termes, la grande majorité des habitants de la ville de Majdel Chams est attachée à son identité arabe et elle est plus favorable à la résistance contre Israël qu’aux Israéliens eux-mêmes. C’est d’ailleurs ce qu’ont confirmé les images diffusées dimanche de l’accueil réservé par les habitants de Majdel Chams à des responsables israéliens venus les voir, ainsi que leurs protestations hier, lors de la visite du Premier ministre israélien.

Ce n’est sans doute pas le cas d’autres druzes qui vivent par exemple en Galilée et qui, eux, ont la nationalité israélienne et font le service militaire. D’ailleurs, il y a quelques jours, un échange aigre-doux a eu lieu entre le leader druze Walid Joumblatt et le chef de la communauté druze israélienne Mouaffak Tarif au sujet justement de la « résistance », de Gaza et d’Israël. Joumblatt a ainsi affirmé que la communauté druze appuie la « résistance » à Gaza et au Liban, adoptant ainsi au nom de sa communauté une position historique, qui tue dans l’œuf toutes les tentatives de créer des conflits entre les druzes et les chiites au Liban et entre les druzes et la « résistance » palestinienne en général. Le chef du parti démocratique, Talal Arslane, a lui aussi adopté la même position, empêchant ainsi toute tentative de jouer sur des divisions interdruzes.

Après l’incident de samedi, Walid Joumblatt est allé encore plus loin, affirmant que le missile qui est tombé sur le terrain de foot à Majdel Chams ne peut pas avoir été tiré par le Hezbollah. Il a donc été sûrement lancé par les Israéliens, que ce soit par erreur ou non. Joumblatt a ainsi répondu à tous ceux qui accusent le Hezbollah d’avoir lancé le missile en précisant qu’il n’y a aucune logique dans une telle accusation. Depuis le 8 octobre, en effet, le Hezbollah a soigneusement évité les civils et en particulier les enfants, ne choisissant que des cibles militaires. Pourquoi, dans ce cas, prendrait-il pour cibles des civils druzes qui sont avec la résistance ? Cette thèse répond ainsi indirectement à ceux qui ont voulu utiliser la position du chef druze Mouaffak Tarif pour dire que le Hezbollah a voulu lui donner une leçon...

De son côté, le Hezbollah a été très clair dans son démenti, rappelant ainsi qu’il a l’habitude depuis 10 mois de revendiquer ses attaques. Mais il n’a aucune cible à Majdel Chams. Quant à la théorie de l’erreur de cible qui a été avancée, le Hezbollah répond qu’à une si courte distance il est difficile de se tromper de plusieurs kilomètres.

Quoi qu’il en soit, à défaut d’une enquête internationale, réclamée par le chef de la diplomatie européenne Josep Borell, la polémique se poursuivra sur ce sujet. Mais grâce à la position de Joumblatt et d’autres leaders druzes, la discorde entre cette communauté et la résistance dans sa diversité n’aura pas lieu.

Indépendamment de l’identité de la partie responsable de ce qui s’est passé samedi à Majdel Chams, où un missile a explosé dans un terrain de foot, faisant 12 morts parmi les adolescents, de nombreux analystes sont convaincus que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réussi à exploiter cette tragédie à son avantage. Non seulement il a poussé les dirigeants occidentaux à reconnaître le droit d’Israël à riposter à cette tragédie, mais surtout il a réveillé les démons de la discorde entre les druzes et les chiites, en insistant sur le fait que le Hezbollah est derrière le tir de missile sur cette ville druze du Golan syrien occupé et annexé. Pour Netanyahu, il ne s’agit sans doute pas d’une accusation lancée sous le coup de la colère. Selon des milieux druzes libanais, il s’agirait plutôt...
commentaires (8)

Il est à classer dans la catégorie des girouettes opportunistes ni plus ni moins ...

Zeidan

12 h 14, le 31 juillet 2024

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Commentaires (8)

  • Il est à classer dans la catégorie des girouettes opportunistes ni plus ni moins ...

    Zeidan

    12 h 14, le 31 juillet 2024

  • Le Hezbollah raconte des carabistouilles de puis sa création. Nous n'attendons pas de lui qu'il nous dise aujourd'hui le contraire ou autre chose que "ce n'est pas moi". 2006 "S'il savait..."! Coût 17 milliards et plus de 1.000 victimes 2008 "personne ne touche a mon réseau"! Coût 5 milliards et plus de 100 victimes 2019 "Personne ne touche a kelloun qu'il protège"! Coût plus de 60 milliards et plus de 100 victimes 2020 "il explose le port et ce n'est pas Israël"! Coût plus de 8 milliards et plus de 500 victimes C'est qui tout cela alors? La tante Thérèse de Aoun?

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    13 h 20, le 30 juillet 2024

  • Les Israéliens n’ont pas besoin de faire beaucoup d'efforts puisque nos partis ont une connotation religieuse et certaines ont des allégeances étrangères, a commencer par vos amis du Hezbollah, le PSNS, les nasséristes, les différents Baas, et même les partis qui aujourd'hui se disent modérés et souverains attendent leurs instructions de l'Arabie. Quand aux Druzes, doit je vous rappeler que ce même Joumblatt a nié que les assassins de son père était le régime Syrien et dont le prix fut le massacre et l'exil de milliers de citoyens? Joumblatt est avec le plus fort du moment. I rest my case!

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    13 h 12, le 30 juillet 2024

  • Il a intérêt à calmer le jeu !

    Charles Fayad

    12 h 58, le 30 juillet 2024

  • La théorie de "l'erreur de cible" balayée d'un revers de main ou plutôt hypothéquée pour "éteindre la discorde". On n'aura jamais la paix en hypothéquant la vérité. À commencer par la vérité sur le nitrate du port de Beyrouth, à terminer par la vérité sur Majdel Chams. Pas de paix tant que subsiste le cancer de la "résistance dans sa diversité" (et ses métastases).

    MAKE LEBANON GREAT AGAIN

    12 h 50, le 30 juillet 2024

  • Qui dit mieux ?

    aliosha

    09 h 52, le 30 juillet 2024

  • Quelle analyse infantile.

    Akote De Laplak

    09 h 08, le 30 juillet 2024

  • Bien dit !

    nabil samir

    01 h 36, le 30 juillet 2024

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