Treize ans après le début du conflit syrien, les pays européens devraient-ils relâcher la pression sur le régime de Bachar el-Assad ? C’est ce que suggèrent huit États membres de l’Union européenne, menés par l’Autriche et l’Italie, et soutenus par la Croatie, la Grèce, la République tchèque, la Slovénie, la Slovaquie et Chypre, dans une lettre adressée lundi 22 juillet à Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’UE. Le but : pouvoir renvoyer chez eux les demandeurs d’asile et réfugiés syriens qui se trouvent dans l’espace Schengen. Une demande également formulée pour le régime des talibans en Afghanistan, alors que les ressortissants de ce pays représentent avec les Syriens les premiers demandeurs d’asile en Europe, selon les données de l’Agence européenne de l’asile.
« Après 13 ans de guerre, nous devons admettre que notre politique syrienne n’a pas très bien vieilli », ont écrit les ministres des Affaires étrangères des pays concernés, évoquant la fin des sanctions imposées au régime syrien. Depuis la répression sanglante du président Bachar el-Assad contre le mouvement de révolte commencé en 2011, qui a tué quelque 500 000 personnes et poussé 14 millions de Syriens à la fuite, entre déplacés internes et exilés, Bruxelles a rompu ses relations avec Damas. Plus d’une décennie plus tard, les chefs de la diplomatie des pays signataires appellent à se rendre à l’évidence : le dirigeant syrien reste à la tête du pays. Dès lors, il faut selon eux composer avec le régime pour résoudre « la plus grande crise de déplacement au monde », qui coûte à l’UE 33 milliards d’euros d’aide humanitaire depuis 2011, sans toutefois que la situation ne s’améliore, notent-ils.
« Bachar el-Assad reste fermement en place. Avec le soutien de la Russie et de l’Iran, le régime syrien a réussi à consolider son pouvoir en reprenant le contrôle de 70 % du pays. Nos partenaires arabes dans la région ont reconnu cette réalité désagréable. Ils ont réadmis la Syrie au sein de la Ligue des États arabes (en mai 2023) », constatent-ils, appelant à la mise en place d’une politique « plus réaliste, plus proactive et plus efficace » afin d’accroître leur influence politique, de renforcer l’efficacité de leur aide humanitaire et de créer les conditions d’un « retour sûr, volontaire et digne des réfugiés syriens ». Mi-mai, alors que Chypre connaissait un afflux de réfugiés en provenance du Liban, une dizaine de représentants européens, dont les Danois, Polonais et Maltais, s’étaient réunis sur l’île pour demander à l’UE une réévaluation des « conditions qui permettraient le retour des personnes en Syrie », jugeant certaines zones du pays désormais « sûres ». Des organisations de défense des droits de l’homme ont néanmoins averti contre les dangers que représentent les retours dits « volontaires », constatant des cas d’arrestations et de torture une fois les réfugiés rentrés en Syrie.
L'Italie nomme un ambassadeur
Outre l’Autriche, classée troisième, les pays en question ne sont en outre pas les plus concernés en Europe par l’arrivée des réfugiés syriens, ces derniers choisissant en premier lieu l’Allemagne et la France comme pays d’accueil, où les expulsions des Syriens vers leur pays ont été suspendues un an après le début de la révolution dès 2012. Dans leur lettre, les ministres évoquent dix points qui devraient être discutés « ouvertement et sans préjugés ». Parmi ceux-ci, le rétablissement d’un échange stratégique avec la Syrie, la création de conditions propices au retour des migrants en Syrie et la création d’un poste de délégué UE-Syrie.
Dans la foulée, l’Italie de Giorgia Meloni, qui surfe sur la thématique de la migration, a décidé vendredi de nommer un ambassadeur en Syrie, devenant ainsi le premier pays du G7 à relancer sa mission diplomatique à Damas depuis le début de la guerre civile. À l’époque, Rome avait rappelé tout son personnel et rompu ses relations pour protester contre la « violence inacceptable » du président syrien contre sa population. En 2018, l’Italie avait discrètement accueilli le chef des services secrets syriens, Ali Mamlouk, visé par des sanctions internationales, sur invitation de son homologue. Les discussions auraient été axées sur la lutte contre le terrorisme et la réduction de l’immigration syrienne en Europe.
Cette nouvelle approche est toutefois loin de faire l’unanimité auprès des pays européens, qui considèrent pour la plupart, au premier rang desquels la France et l’Allemagne, impensable de renouer avec Damas en l’absence d’une transition politique. Josep Borrell, à qui la lettre est adressée, a en tout cas accueilli la proposition des États signataires avec prudence. « Nous sommes pragmatiques, mais pas naïfs, a-t-il commenté lundi, lors du Conseil des Affaires étrangères. Nous savons où se trouve le régime syrien, très très proche de la Russie et de l’Iran. Cela étant dit, nous sommes toujours prêts à travailler, à essayer de trouver des arrangements qui pourraient profiter au peuple syrien. »
Et alors ? Puissent-ils tous renouer avec la Syrie? Est-ce moins "honteux" d'être l'ami d'Israël?
20 h 31, le 27 juillet 2024