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Campus - ENTRETIEN

Le film libanais « Ebb and Flow » remporte le Student Visionary Award au Tribeca Festival à New York

Le film réalisé par Nay Tabbara dans le cadre de ses études à la NYU « a su saisir l’extraordinaire de la vie d’une adolescente à la recherche de son premier baiser sur fond de chaos et de guerre ».

Le film libanais « Ebb and Flow » remporte le Student Visionary Award au Tribeca Festival à New York

Nay Tabbara. Photo DR

Que raconte votre film primé au Tribeca Festival ?

Ebb and Flow (« Flux et reflux ») raconte l’histoire du premier baiser d’une jeune adolescente, interrompu par une explosion à Beyrouth, du point de vue de la narration. Mais, fondamentalement, le film explore le thème de la prise de contrôle sur des événements sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir. C’est aussi une quête de normalité. D’une certaine manière, c’est un combat.

Le titre, Madd w Jazer en arabe, illustre le cycle vécu par les Libanais, oscillant entre des hauts et des bas, entre des catastrophes extrêmes et des périodes de vie normale. Le film vise à capturer cette cyclicité, montrant que la situation ne s’arrête pas nécessairement, qu’elle peut se répéter ou non. Malgré l’événement extrême (l’explosion), la jeune adolescente du film doit avancer d’une manière ou d’une autre. Cette dynamique rappelle beaucoup ce qui se passe aujourd’hui au Liban : malgré les crises, les gens trouvent toujours un moyen de retrouver une certaine normalité. Notre identité est perpétuellement façonnée par de tels événements. Nous avons grandi en écoutant les récits de guerre de nos parents et avons nous-mêmes traversé une série d’explosions dans notre enfance, mais nous avons toujours dû avancer. Je ne sais pas si c’est sain ou non, si c’est positif ou non, mais c’est inévitable.

Une autre raison pour laquelle j’ai titré le film Ebb and Flow est que je voulais introduire l’élément eau et montrer l’identité de Beyrouth. Je pense qu’une grande partie de notre enfance s’est déroulée au bord de la mer. Il y a quelque chose qui s’enclenche en moi lorsque je vois la Méditerranée et qui résonne de manière juste.

À quoi attribuez-vous votre victoire ?

Quand Tribeca m’a annoncé que mon film avait été sélectionné, ils m’ont dit que mon film ne ressemblait pas à un film d’étudiant, mais plutôt à un court-métrage professionnel indépendant. Je cite le jury, le prix a été attribué à mon film « en raison de la manière dont il a su saisir l’extraordinaire de la vie d’une adolescente à la recherche de son premier baiser sur fond de chaos et de guerre ».

Le public m’a dit que le film désarme et surprend parce qu’il commence comme une histoire typique de passage à l’âge adulte que l’on voit souvent dans les films américains, mais soudain les personnages parlent en arabe et ce sont des filles au Liban, ce qui est très différent de ce à quoi on pourrait s’attendre dans un film libanais. Mais c’est ainsi que nous avons grandi ! Ce ne sont pas les chameaux et le sable...

Comment l’idée de ce film est-elle née ?

J’ai commencé à écrire cette histoire après la révolution de 2019. Mes parents étaient au Liban, ainsi que ma sœur et sa fille. Tout le monde était dans la rue en train de protester, alors que j’étais à New York. La culpabilité, l’inquiétude et la responsabilité que l’on ressent lorsque l’on est à l’étranger sont intenses. Je devais soumettre un scénario pour ma thèse, mais j’étais complètement bloquée. Je suivais constamment les nouvelles et restais informée de ce qui se passait au pays. J’ai même participé aux manifestations à New York. C’est là que j’ai commencé à écrire ; c’était ma manière de m’évader.

Le scénario que j’ai écrit s’inspire d’un moment précis, lorsque mon amie Nour était chez moi en 2007 et qu’il y a eu une explosion ; nous nous sommes précipitées dans la pièce et j’ai vu pour la première fois la peur dans les yeux de mes parents. C’était la première fois que je remarquais leur inquiétude. Pendant la révolution, c’était également la première fois que je comprenais cette inquiétude du point de vue adulte. J’ai réalisé que c’était ce que je devais raconter et ce sur quoi je devais travailler.

D’un autre côté, je vis à New York depuis presque sept ans et je commence à voir comment les médias occidentaux présentent les nouvelles concernant notre mode de vie et l’endroit où nous avons grandi. Par exemple, on entend parler d’une explosion, mais on ne voit pas les vies qui se cachent derrière, nos propres vies qui se cachent derrière. Cela m’a encore plus motivée à vouloir raconter cette histoire, et à le faire dans ce style : une histoire classique de passage à l’âge adulte.

L’explosion évoquée dans le film est-elle celle qui a coûté la vie au Premier ministre Hariri ?

La productrice et moi avons réfléchi à cela et décidé de maintenir l’ambiguïté, de ne pas être spécifiques ni centrées sur une période précise, car cela aurait diminué l’intérêt de l’histoire. Le film couvre la période allant de l’explosion de Hariri à la guerre de 2006, mais il ne s’agit pas de raconter l’histoire d’une explosion particulière. C’est l’histoire de la maturité de la jeune fille, pas celle d’une explosion spécifique.

Nous avons utilisé des archives de la Fondation Samir Kassir pour les actualités diffusées dans le film, notamment parce que nous souhaitions éviter de mentionner des noms de politiciens ; nous voulions plutôt rendre hommage aux journalistes.

Un dernier mot en guise de conclusion ?

Il est important pour moi de raconter des histoires. Je pense qu’en général, il y a quelque chose de très attractif dans la réalisation de films. C’est un moyen de rêver, mais aussi de se battre, et je veux pouvoir l’utiliser pour les deux. Certains de mes projets sont l’expression de ce que j’aime, mais j’ai aussi des projets qui sont des histoires narratives, dont l’une est basée à New York mais racontée d’un point de vue libanais. J’ai des histoires que j’écris actuellement, dont une sera une émission de télévision, et d’autres qui sont basées au Liban. J’écris également une autre histoire qui évoque beaucoup Ebb and Flow : l’enfance sur fond d’instabilité politique.

J’ai beaucoup de choses sur le Liban que je veux partager d’une manière authentique, en espérant qu’elles résonneront dans notre culture, mais aussi auprès d’un public international. Je pense aussi que j’essaie de guérir certaines des expériences que j’ai vécues ; cela a toujours été ainsi.

Que raconte votre film primé au Tribeca Festival ?Ebb and Flow (« Flux et reflux ») raconte l’histoire du premier baiser d’une jeune adolescente, interrompu par une explosion à Beyrouth, du point de vue de la narration. Mais, fondamentalement, le film explore le thème de la prise de contrôle sur des événements sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir. C’est aussi une quête de normalité. D’une certaine manière, c’est un combat.Le titre, Madd w Jazer en arabe, illustre le cycle vécu par les Libanais, oscillant entre des hauts et des bas, entre des catastrophes extrêmes et des périodes de vie normale. Le film vise à capturer cette cyclicité, montrant que la situation ne s’arrête pas nécessairement, qu’elle peut se répéter ou non. Malgré l’événement extrême (l’explosion), la jeune adolescente du...
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