Des rails datant de 1894 dégagés grâce aux efforts de l’ONG Terre Liban. Photo M.C. et Y.G.
« Au Liban, vous ne trouverez pas un chemin de fer aussi complet que celui de Baabda », affirme avec conviction Paul Abi Rached, président de l’ONG Terre Liban et à la tête d’un projet de préservation du réseau ferroviaire de la ville et de sa région lancé l’an dernier. Visant à rénover 4 km de rails, du Collège Notre-Dame de Jamhour au monastère Saint-Antoine, ce projet a pour objectif de créer une zone agréable et saine pour la population et pour les randonneurs. « Ramener les trains, c’est le rêve, mais le but pour l’instant est de protéger les rails », déclare-t-il.
Initialement condamnés dans un espace utilisé comme décharge de déchets et de débris de travaux, ces rails viennent d’être défrichés sur 800 mètres par l’équipe de Terre Liban, dont le quartier général se situe à quelque 20 mètres de cette ancienne voie ferrée. Des travaux qui ont nécessité l’utilisation de diverses machines, mais aussi de l’usage de la diplomatie avec les riverains pour obtenir leur soutien et leur approbation. Mille mètres de rails avaient toutefois déjà été défrichés, à la main cette fois, lors de la pandémie de Covid-19, alors que l’ONG surveillait également la forêt de Baabda, par où passait en partie cette portion de rails, afin d’empêcher toute dégradation des lieux. L’ancienne station de Baabda a également été cadenassée pour éviter les intrus, en attendant une rénovation complète.
Le tracé du chemin de fer de Baabda. Carte fournie par Terre Liban
« Je suis devenu activiste sans le savoir », a déclaré Paul Abi Rached, affirmant sa volonté de créer « une police verte ». L’ONG Terre Liban, qu’il a fondée en 2002, a mené de nombreuses missions pour la protection de la faune et de la flore, non seulement à Baabda mais aussi dans tout le Liban.
Un patrimoine en renaissance
Une fois les détritus et talus de terre déblayés, ces rails qui avaient été construits par l’entreprise belge Angleur en 1894 ont donc émergé du sol. Des murs ont été construits avec le surplus de pierres et de sable pour mieux délimiter l’espace. Suite à ces travaux, l’état des rails a été constaté comme bon, sauf pour certaines parties qui étaient tordues ou manquantes, en raison des bombardements que la région de Baabda a subis lors de la guerre (1975-1990).
L’ancienne station de Baabda. Photo M.C. et Y.G.
Malgré les crises successives qu’a connues le Liban ces dernières années, Paul Abi Rached a affirmé que son projet n’a connu aucun frein, reconnaissant toutefois d’autres défis. De nombreuses violations de particuliers ont en effet été recensées à l’encontre des rails, telles que le jet de déchets et le non-respect de la propriété publique, ainsi que l’empiétement de propriétés avec des constructions illégales dénoncées par l’Office des chemins de fer et des transports en commun (OCFTC), dont dépend la mission de préservation de la zone publique sur laquelle Terre Liban mène à bien son projet.
Un autre défi attend également le président de Terre Liban : le tronçon du réseau ferroviaire menant à Jamhour a été asphalté pour la route de Baabda, et remettre au jour cette section des rails nécessiterait donc une destruction de la voie publique. Pour contourner ce problème, Paul Abi Rached a pensé, entre autres, à peindre le trajet des rails sur la route. Quant aux critiques que ce projet reçoit, comme celle promouvant la vente des rails plutôt que leur préservation, elles sont restées minimes et ne l’ont pas influencé dans sa mission pour la protection du patrimoine ferroviaire, assure-t-il.
Paul Abi Rached (à d.) en compagnie d’un des ouvriers qui ont contribué au projet. Photo M.C. et Y.G.
Symbole du commerce au Liban, le train a incarné un héritage commercial remontant aux Phéniciens. En 1895, les Ottomans ont organisé une alliance d’infrastructures pour le Liban avec les Français, responsables des stations de train, les Belges, des rails, et les Suisses, de l’assemblage des wagons. Le Liban a compté trois lignes ferroviaires : Beyrouth-Damas, mise en place en 1895 ; Beyrouth-Haïfa ; et Beyrouth-Tripoli, aménagées en 1942. Depuis 1895, les terres ayant un réseau ferroviaire au Liban, et jusqu’à 4 mètres autour des rails, sont devenues propriété publique, expropriées par l’OCFTC, encore en fonctions.
Concernant la description du réseau ferroviaire, il ne faut pas oublier la ligne Rayak-Hamah ouverte à l’exploitation en 1902 et la ligne Tripoli-Homs en 1911. La formulation de la dernière phrase n’est pas claire. C’est le gouvernement ottoman qui a fait procéder à l’expropriation des terrains. L’OCFTC a été constitué en 1961 après le rachat par l’Etat libanais des concessions du DHP.
16 h 17, le 30 juillet 2024