Le point de vue de...

Todestrieb et barbarie

Todestrieb et barbarie

D.R.

Ces propos sont rédigés au lendemain de l'embuscade tendue aux soldats israéliens à Jabalya, et juste après avoir pris connaissance d'un nouveau massacre de vengeance contre les habitants de Rafah. Tout semble plaider pour une poursuite sans pitié de cette guerre. Entre-temps, la Knesset vient d'approuver en une première lecture, semble-t-il, un projet de loi désignant l'UNRWA comme une « organisation terroriste » !

Cela s'explique à un moment où Israël est de plus en plus perçu comme un État paria par une part importante de la communauté internationale. L'anathème global contre le Hamas n'a pas réussi à entraver l'évolution de cette perception.

La dénonciation de la guerre quasi génocidaire menée par l'État hébreu est désormais perçue par de nombreux académiciens et artistes à travers le monde comme un acte de courage et d'émancipation. Bien que cela puisse être considéré comme « misleading » ou populiste, c'est néanmoins une tendance observable.

Il ne faut jamais perdre de vue la motivation humaniste qui pousse de nombreuses élites universitaires à réagir contre la punition collective qui continue de s'abattre sur le peuple légendairement endurant de Gaza.

Cependant, il ne faut pas se tromper : même si cette indignation trouve écho dans l'opinion publique, elle demeure plus présente parmi les élites que parmi le grand public. De plus, sa caricature dans les médias persiste et se renforce. Malheureusement, certains excès et slogans sur certains campus américains facilitent cette tendance.

Pourtant, il ne faut pas se voiler la face, l'antisémitisme et l'islamophobie rebondissent. Dans l'Occident, une conscience inconfortable commence à émerger, exprimée peut-être ainsi : « Laissez-nous tranquilles, Juifs et Musulmans, nous n'avons pas besoin de vos querelles ni de vos vieilles rancœurs, descendants de Sarah et de Hagar. »

Rappeler le contexte européen initial de l'antisémitisme moderne ne suffit pas en soi à dissiper une telle association d'idées en cours de formation.

La guerre actuelle n'est ni une guerre de positions ni une guerre de mouvement. Elle ne vise pas à poursuivre la politique par d'autres moyens, mais persiste par crainte de son arrêt. Tant qu'elle suivra cette voie inlassablement, les esprits critiques disséminés ici et là dans cette région du monde auront peu de solutions, si ce n'est de témoigner jusqu'où, cette fois-ci, la raison dans l'histoire a dû se mêler à la folie la plus démoniaque pour avancer.

Dans ce théâtre de conflit, Yehia al-Sinwar se hisse tel un Shimon Bar Kokhba des temps modernes, incarnant la résistance farouche. Pourtant, Israël, dans une farce historique d'anachronisme identitaire, décline le rôle de la légion romaine, de Lucius Quietus, dévastateur de la Judée, et s'entête à se percevoir également comme le légendaire Bar Kokhba, le chef de la révolte malheureuse en Judée contre les Romains de 132 à 136 après J.-C.

Au Liban, les esprits délectent dans la répétition de la sagesse de Georges Naccache, soulignant que deux négations ne font pas une patrie. Cependant, en Terre Sainte, cette dualité mimétique permet la coexistence paradoxale de l'oppression implacable d'un peuple par un autre et d'une certaine affinité d'âme entre les néo-barkokhbiens de l'oppresseur et ceux de l'opprimé. Certains se débattent pour admettre la véritable étendue de l'oppression subie, tandis que d'autres résistent à reconnaître la résonance barkokhbienne de chaque camp. Enfin, au-delà de la ligne imaginaire, quoique non illusoire, qui sépare les protagonistes dans cette guerre sans frontières…

Nul ne peut nier que les islamistes représentent une partie importante de chaque société arabe, notamment des Palestiniens. Cependant, personne ne peut non plus ignorer les conséquences de cette réalité et passer outre comme si rien ne devait être dit sur la nature de ces mouvements qui ont fini par s'approprier la « cause » en la façonnant à leur image.

Il est souvent négligé de reconnaître le rôle du précurseur d'Al-Qaïda, Cheikh Abdallah Azzam, dans la fondation du Hamas, en parallèle avec son engagement fervent dans le djihadisme anti-communiste. Il serait opportun de réexaminer ses deux ouvrages, l'un portant sur le « cancer rouge » (le communisme) et l'autre sur la charte ainsi que les racines historiques du mouvement de résistance islamique en Palestine.

Par sa fondation même, le Hamas était un mouvement radicalement anti-communiste, assimilant même le Fatah à un abominable communisme mondial ! Pour le Hamas, dans sa piètre charte fondatrice, le communisme et le sionisme sont considérés comme la même chose. Plus grave encore, selon cette charte, tout le malheur du monde a commencé avec la Révolution française, attribuée à une machination de la franc-maçonnerie. Ce mouvement s'inscrivait dans une logique azzamiste stricte. L'a-t-il vraiment abandonnée ? Ses textes ultérieurs sont devenus moins excessifs. Mais sur le fond ? Les assassinats perpétrés par les Israéliens, méthodiquement dirigés contre les membres les plus équilibrés du mouvement, ne devraient-ils pas favoriser les fanatiques ?

C'est différent du Hezbollah. Ce dernier n'a que sporadiquement cherché à adopter le modèle du djihadisme anti-communiste en Afghanistan. Bien que foncièrement (et activement) anti-marxiste, le Hezbollah a été imprégné par un léninisme tiers-mondiste ambiant, et il n'a jamais manqué de thèmes et de terminologie provenant du léninisme, qu'il a intégrés au khomeynisme, les fusionnant et les orchestrant selon la martyrologie et l'eschatologie chiites. Ce qui ne l’a pas empêché de s’abattre sur les intellectuels communistes. La coalition entre les deux formations ne doit jamais amener les spécialistes des mouvements islamistes violents à les mettre dans une même catégorie.

Depuis des décennies, les khomeynistes ont habilement manœuvré les arcanes des azzamistes en Palestine. Or, l'interrogation lancinante persiste : qui, entre les khomeynistes et les azzamistes, exerce une surdétermination dans leur stratégie de conflit ? Le khomeynisme, par ses démonstrations éclatantes en Iran, au Liban et en Irak, révèle un instinct de conservation inébranlable, tandis que l'azzamisme et ses alliés, plongés dans un maelstrom destructeur en Irak, en Syrie et en Palestine, expriment une pulsion de destruction irrépressible, évoquant ainsi le célèbre Todestrieb, « la pulsion de mort » tel que décrit par Sigmund Freud. Le Todestrieb illustre de manière saisissante les chemins de l'irrédentisme ultra-sunnite levantin.

Après l'avoir si minutieusement mis en place selon leurs desseins, les khomeynistes se retrouvent-ils désormais captifs de cette impulsion azzamite à l'irrédentisme généralisé et à l'autodestruction en ce moment, ou peuvent-ils encore en tirer profit sans être contraints de subir les mêmes supplices dévastateurs ?

Il est avisé de faire preuve de patience et de prudence lors de l'écriture en pleine période de guerre, cependant ce qui me semble hors-sujet, c'est de confondre les filiales et factions de l'azzamisme avec des mouvements de libération nationale (MLN). L'azzamisme mérite d'être catalogué parmi les opposants des Lumières et de l'universalisme dans cette région du globe.

Il est impératif de vérifier rigoureusement l'exigence catégorique d'universalité en soutenant le peuple palestinien contre une guerre revêtant de plus en plus un caractère génocidaire, tout en évitant autant que possible dans un tel contexte tumultueux, de cautionner les ennemis de l'universalisme, ceux qui fondent leurs jugements et leurs justifications sur l'irrédentisme permanent, le pogromisme et la superstition. Souvent, l'enthousiasme peut conduire à confondre les genres. Ce n'est pas irréversible. Il est toujours plus sain de les démêler.

Ces propos sont rédigés au lendemain de l'embuscade tendue aux soldats israéliens à Jabalya, et juste après avoir pris connaissance d'un nouveau massacre de vengeance contre les habitants de Rafah. Tout semble plaider pour une poursuite sans pitié de cette guerre. Entre-temps, la Knesset vient d'approuver en une première lecture, semble-t-il, un projet de loi désignant l'UNRWA comme une...
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