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Politique - Justice

Évasion de Dany Rachid : le chef de la Sécurité de l'État poursuivi en justice

Tony Saliba est poursuivi pour « trafic d'influence » et « exercice inapproprié du pouvoir », selon une source proche de l'affaire. 

Évasion de Dany Rachid : le chef de la Sécurité de l'État poursuivi en justice

Le chef de la Sécurité de l'État, Tony Saliba. Photo tirée du site de l'organisme sécuritaire.

Le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Fadi Akiki, a engagé jeudi des poursuites contre le directeur de la Sécurité de l'État, Tony Saliba, et d'autres agents de cette institution, a confirmé vendredi à L'Orient-Le Jour une source proche du dossier. Des poursuites qui ont été lancées pour « trafic d'influence » et « exercice inapproprié du pouvoir », suite à l'évasion, le 28 mars, de Dany Rachid, un ancien employé du cabinet ministériel de Salim Jreissati, lorsque celui-ci détenait le portefeuille de la Justice en 2016-2017, et ex-conseiller de M. Saliba.

M. Rachid était détenu auprès de la Sécurité de l'État pour une affaire d'agression. Le dossier des poursuites de Tony Saliba a été transféré au juge d'instruction militaire Fadi Sawan, qui doit enquêter sur cette affaire. Plusieurs autres agents de la sécurité de l'Etat font également l'objet de poursuites du parquet militaire, notamment pour complicité dans l'évasion de Dany Rachid.

Les poursuites contre Tony Saliba, comme contre tout chef sécuritaire, nécessitent une autorisation de son autorité de tutelle, ici le Conseil supérieur de défense. Si ce Conseil ne veut pas engager de poursuites, la justice militaire pourra recourir au procureur de cassation, qui décidera de les autoriser ou non. 

Selon la source proche du dossier, l'avocat de Tony Saliba pourrait présenter un recours pour vice de forme si une demande d'autorisation des poursuites n'a pas été adressée au Conseil supérieur de défense.  

L'affaire Dany Rachid

Au centre de cette affaire, l'évasion de Dany Rachid, qui était détenu depuis décembre 2023 à la Sécurité de l'État, après avoir été accusé d'avoir agressé Abdallah Hanna, un architecte travaillant pour la famille Skaff, influente dans la région de Zahlé. M. Hanna avait été violenté par M. Rachid et d'autres personnes, accusées de vouloir s'approprier des terrains des Skaff qu'ils sont chargés d'exploiter pour le compte de la famille, selon une source proche de l'affaire, qui ajoute que ces exploitants tentent également d'influencer le jeune fils Skaff, âgé de 23 ans, afin d'assurer leur mainmise sur les terrains. Ils reprochaient à l'ingénieur d'avoir mis en garde Myriam Skaff, des visées des exploitants sur ses terrains. Selon la source, la victime porte toujours des séquelles de son agression. 

Après cette agression, la juge d'instruction de la Békaa, Amani Salamé, a accusé Dany Rachid et ses complices de «tentative de meurtre» et d'« association de malfaiteurs », ce qui avait été contredit après un appel interjeté devant la Chambre d'accusation de la Békaa, présidée par la juge Gulnar Samaha, qui avait, elle, parlé d'une « volonté de nuire » à la victime. Suite à la décision de la Chambre d'accusation, Abdallah Hanna et le parquet se sont pourvus en cassation. 

Évasion

Depuis son arrestation, Dany Rachid était détenu par la Sécurité de l'Etat, dans des conditions très laxes. Lorsqu'il a eu vent de ce traitement de faveur, le nouveau procureur général près la Cour de cassation, Jamal Hajjar, a demandé à Tony Saliba de lui fournir tous les noms des prisonniers se trouvant à la Sécurité de l'Etat, ce que le chef de l'appareil sécuritaire aurait fait, en omettant le nom de son ex-conseiller. Le procureur Hajjar avait alors fait parvenir à Tony Saliba l'ordre de transférer Dany Rachid à la prison de Roumieh, et c'est la veille de ce transfert que le détenu s'est évadé, avant d'être rapidement retrouvé, en Syrie, par la Sécurité de l'Etat. 

Cette évasion, en raison des connexions politiques du détenu, avait fait grand bruit et été dénoncée par certains opposants à Tony Saliba. Ce dernier est un proche de l'ex-chef de l'Etat Michel Aoun, qui l'avait d'ailleurs reconduit à son poste en 2022 malgré les poursuites engagées contre lui pour « manquement à son devoir » dans le cadre de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020. 

Incidences politiques

La démarche de Fadi Akiki aura en outre sans doute des incidences politiques. Elle a notamment de quoi faire craindre un retour à la case départ entre le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) et son grand adversaire local, le président de la Chambre, Nabih Berry. Et pour cause : la démarche du juge Akiki, réputé proche du maître du perchoir, avec qui il entretient un lien de parenté, intervient moins d’une semaine après le dernier entretien entre le chef du législatif et Ghassan Atallah, député aouniste. Sauf que les deux camps semblent vouloir minimiser la portée politique de la décision, du moins à ce stade. « Il n’y a aucun lien entre les deux processus », affirme ainsi à L’Orient-Le Jour Martine Najm Kteily, vice-présidente du CPL pour les affaires politiques. Elle précise toutefois qu’avec le président du Parlement, le CPL « n’a pas conclu une entente politique dans le vrai sens du terme ». « Mais nous convergeons avec lui sur la nécessité d’élire un nouveau président de la République », dit-elle, affirmant que « le dialogue ne devrait être interrompu avec personne ».

C’est apparemment dans ce même esprit que les proches de Aïn el-Tiné abordent l’affaire Tony Saliba. « Nous n’avons rien à voir avec les poursuites engagées contre le patron de la Sécurité de l’Etat. D’autant que le président de la Chambre ne se permet pas de s’ingérer dans l’action du pouvoir judiciaire », déclare ainsi à L’OLJ Kabalan Kabalan, député du clan berryste, faisant valoir que « le juge Akiki, au même titre que sa femme (la juge Nada Dakroub, nièce de M. Berry), est connue pour son indépendance vis-à-vis de la classe politique ».

Quoi qu’il en soit, l’affaire Saliba risquerait d’inaugurer une querelle politique au centre de laquelle se trouverait un CPL qui ne lâcherait pas le patron de la Sécurité de l’Etat, à en croire certaines personnalités gravitant dans les cercles du parti qui ne s’est pas encore officiellement prononcé sur la question. Il attend probablement la prochaine étape de son autre bête noire, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati (que les aounistes avaient accusé de mettre Gebran Bassil en danger en ordonnant le retrait de tous les éléments chargés de la sécurité des personnalités politiques), à qui est affiliée la Sécurité de l’Etat en période de vacance présidentielle. C’est donc lui qui devrait accorder l’autorisation de poursuivre le général Saliba en justice. Mais on n’en est pas encore là. « Aucune demande ne m’est parvenue jusqu’ici. Quand ce sera le cas, j’aviserai », se contente de dire M. Mikati à L’OLJ.

Le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Fadi Akiki, a engagé jeudi des poursuites contre le directeur de la Sécurité de l'État, Tony Saliba, et d'autres agents de cette institution, a confirmé vendredi à L'Orient-Le Jour une source proche du dossier. Des poursuites qui ont été lancées pour « trafic d'influence » et « exercice inapproprié du...

commentaires (6)

Des vérités sur la mafia nous parviennent petit à petit et cela n’est pas pour nous rassurer. Un bon exemple de comment spolier les biens des citoyens après leur avoir volé le fruit de leur labeur, est devenu un sport national de tous corrompus qui dirigent notre pays. Un marathon où tous ces affamés se donnent à fond pour empocher le plus possible de gains faciles avant que l’autre n’y parvient avant lui. La course est on ne peut plus inégalitaire puisque les juges de lignes font parti des caïds armés qui décident du gagnant

Sissi zayyat

11 h 46, le 06 avril 2024

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Commentaires (6)

  • Des vérités sur la mafia nous parviennent petit à petit et cela n’est pas pour nous rassurer. Un bon exemple de comment spolier les biens des citoyens après leur avoir volé le fruit de leur labeur, est devenu un sport national de tous corrompus qui dirigent notre pays. Un marathon où tous ces affamés se donnent à fond pour empocher le plus possible de gains faciles avant que l’autre n’y parvient avant lui. La course est on ne peut plus inégalitaire puisque les juges de lignes font parti des caïds armés qui décident du gagnant

    Sissi zayyat

    11 h 46, le 06 avril 2024

  • Le CPL est une des pires calamités qui s’est abattue sur notre pays, après le Hezbollah bien entendu

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 06, le 06 avril 2024

  • Grāce à cet excellent papier, on entrevoit ici un concentré de (presque) tous les maux du Liban: féodalisme dans la Békaa; liens organiques entre politique, délinquance et criminalité (le CV du fugitif en dit sans doute long sur ses conditions de détention et les circonstances de son évasion); liens incestueux entre pouvoirs politique et judiciaire (où l’on voit des magistrats mariés à et apparentés à, occuper des postes très sensibles dans la Justice). Basta!

    Marionet

    10 h 39, le 06 avril 2024

  • Une des conséquences louables de l'effondrement financier du pays est que ce machin ignoble importé de Syrie qu'est la "sécurité de l'état" ne coûte plus grand chose. Il ne reste plus qu'à le fermer

    M.E

    06 h 50, le 06 avril 2024

  • Je serai prêt à parier, toutes mes livres Libanaises, gérées précautionneusement par ma banque, que ces poursuites judiciaires, a l'instar de tant d'autres feront pschitt... et se dilueront pour tomber aux oubliettes . En outre les conditions carcérales de l'ancien conseiller Danny Rachid laissent rêveur, cela pourrait donner des envies de reconversion, quant au directeur de la Sécurité de l'État, il ajustera une loi sur mesure afin d'éviter des poursuites qui, dans tout pays normalement géré, devraient s'imposer..

    C…

    06 h 47, le 06 avril 2024

  • Le clientelisme a transforme nos organes securitaires en milices a la solde de l'un ou l'autre des politichiens mafieux du pouvoir. Tfeeeeh. Kellon ya3ne kellon.

    Michel Trad

    00 h 29, le 06 avril 2024

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