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Monde - Renseignement

Les espions du Kremlin à l'offensive

Les services secrets russes ont fait parler d'eux ces dernières semaines via d'indéniables succès.

FILE PHOTO: A view shows the Kremlin in Moscow, Russia April 20, 2020. REUTERS/Maxim Shemetov/File Photo

L'interception d'une conversation confidentielle entre officiers allemands sur l'aide militaire à Kiev a mis un coup de projecteur sur l'espionnage russe, à l'offensive sur fond de guerre contre Kiev après plusieurs échecs de l'appareil de renseignement du Kremlin.

La première année du conflit en Ukraine a été marquée par « des expulsions massives » d'espions russes qui oeuvraient sous couverture diplomatique en Europe, un vivier évalué à plusieurs centaines d'agents, selon les experts. « Cela a eu un effet sur les opérations », fait valoir le journaliste d'investigation Andreï Soldatov, le fondateur du site internet Agentura.ru. Les services de renseignement, le GRU pour le renseignement militaire, le FSB héritier du célèbre KGB et le SVR pour l'extérieur, ont aussi notoirement sous-estimé la résistance ukrainienne après l'invasion du 24 février 2022. Les maîtres-espions russes n'ont pas non plus vu venir la tentative de mutinerie contre Moscou du patron du groupe de mercenaires Wagner, Evgueni Prigojine, en juin 2023. Mais ils « ont réussi à se ressaisir et maintenant nous assistons à de plus en plus d'opérations, menées en Europe, de la désinformation, des liquidations ou des exfiltrations d'agents, de l'espionnage. C'est un effort tout à fait massif de leur part », estime Andreï Soldatov.

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Les services secrets russes ont fait parler d'eux ces dernières semaines via d'indéniables succès.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé fin février que la Russie avait réussi à mettre la main sur les plans de la contre-offensive ukrainienne de 2023 avant même que celle-ci ne commence, et dont l'échec a porté un rude coup à l'Ukraine. Autre trophée pour le renseignement russe : la diffusion le 1er mars d'une visioconférence de 38 minutes via le canal commercial Webex entre des officiers allemands, qui discutaient de l'hypothèse d'une livraison à Kiev de missiles de longue portée Taurus. L'épisode a créé un malaise chez les alliés de Berlin et un scandale d'Etat en Allemagne. L'un des participants, qui se trouvait à Singapour, a accédé à la vidéoconférence via « une connexion non autorisée », conduisant à l'interception de cette discussion par les systèmes d'écoute russes, a expliqué le ministre allemand de la Défense, invoquant une « erreur individuelle ».

Après l'effondrement de l'Union soviétique, le renseignement n'a jamais cessé d'être une priorité pour le Kremlin, d'autant plus depuis l'accession au pouvoir de Vladimir Poutine, un ex-agent du KGB en poste en Allemagne de l'Est dans les années 1980.

Proxies 
Affaiblis par les expulsions massives d'Europe, les Russes « s’appuient désormais sur des ressortissants étrangers. On voit des Serbes, des Bulgares et quelques autres ressortissants, ainsi que des Autrichiens, par exemple, participer à des opérations russes », explique Andreï Soldatov.

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« Ils se réadaptent en permanence. Et, sans aucun doute, ils ont profité des réfugiés ukrainiens et des exilés russes, parmi lesquels il y a des agents », analyse l'ancien directeur du renseignement militaire français (DRM), le général à la retraite Christophe Gomart.

Selon une publication du groupe de réflexion RUSI, qui siège à Londres, le GRU a réformé la gestion de ses opérations pour améliorer la fiabilité et l'évaluation des informations. Il recrute aussi de nouveaux profils, parfois via des sociétés écrans. D'après cette étude, dans la tradition des informateurs « illégaux », ces recrues n'ont aucun lien passé avec des organismes officiels, ce qui les rend difficilement repérables par le contre-espionnage occidental. Certains sont même embauchés parmi les étudiants étrangers, des Balkans, d'Afrique ou même d'Amérique latine.

Au-delà du recueil classique d'informations sensibles, l'objectif, selon les experts, est de déstabiliser les sociétés européennes, d'affaiblir le soutien à l'Ukraine et de diviser les alliés, d'où la révélation des écoutes allemandes.

Les Russes « sont très bons car les Occidentaux sont totalement naïfs depuis 1991 (date de la chute de l'empire soviétique, ndlr), ils ne comprennent pas la menace russe, ils manquent d'experts et de personnel parlant russe », estime Oleksandr Danylyuk, un des auteurs du rapport de RUSI. « Aujourd'hui, le vrai problème des Occidentaux c'est qu'ils ne sont pas très conscients des risques et font preuve d'une trop grande confiance et de paresse, ce qui a amené les Allemands à être interceptés », faute d'avoir eu recours à des moyens cryptés et protégés moins faciles d'utilisation, renchérit le général Gomart.

Pour Andreï Soldatov, le principal facteur explicatif est d'ordre psychologique : « l'armée russe « vit en guerre », alors que les Européens « vivent techniquement en temps de paix ». Or, selon lui, « changer une culture militaire en temps de paix est vraiment très difficile ».

L'interception d'une conversation confidentielle entre officiers allemands sur l'aide militaire à Kiev a mis un coup de projecteur sur l'espionnage russe, à l'offensive sur fond de guerre contre Kiev après plusieurs échecs de l'appareil de renseignement du Kremlin.La première année du conflit en Ukraine a été marquée par « des expulsions massives » d'espions russes...

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