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Société - Immeuble effondré

À Choueifate, la tristesse et la colère des sinistrés

Le drame, dans lequel quatre personnes ont trouvé la mort, ravive les inquiétudes des riverains, alors que le pays compterait des milliers de bâtiments à risques, selon des ONG.

À Choueifate, la tristesse et la colère des sinistrés

L’immeuble de quatre étages à Choueifate qui s’est effondré le lundi 19 février 2024. Photo João Sousa

Debout devant un immeuble de Choueifate, au lendemain de l’effondrement du bâtiment voisin qui a fait quatre morts, Randa Bou Mjehed regarde, les yeux emplis de larmes, les habitants du quartier faire leurs valises et évacuer leurs appartements. « J’étais assise avec d’autres voisins hier soir lorsque nous avons entendu ce qui ressemblait à une grosse explosion. Nous avons levé les yeux vers le ciel, pensant qu’il s’agissait d’une frappe israélienne, mais nous n’avons rien vu. Puis, en tournant la tête, nous avons vu que l’immeuble de notre voisin s’était effondré », raconte-t-elle.

Les secouristes présents sur le site ont déclaré à L’Orient Today qu’il n’y avait plus personne sous les décombres et que les équipes de la Défense civile « ont travaillé toute la nuit dernière pour s’assurer qu’il n’y avait plus personne sous les débris ». Un officier de la police locale, qui a souhaité garder l’anonymat car il n’est pas autorisé à parler à la presse, affirme que la plupart des habitants de la région avaient pensé qu’il s’agissait d’une attaque israélienne. « Depuis le 7 octobre, des avions israéliens survolent quotidiennement la zone, c’est naturel qu’ils aient pensé à ça », dit-il.

« Je suis venu ici pour que ma famille puisse vivre… »

Parmi la trentaine de personnes vivant dans l’immeuble, toutes n’étaient pas présentes au moment de l’effondrement. Le fils de Mohammad, un Syrien d’Idleb vivant au Liban, en faisait partie, mais il a quitté son domicile dix minutes avant le drame pour aller dîner chez ses parents avec sa femme et son fils, dans l’immeuble voisin. « Une nouvelle vie a été écrite pour lui par Dieu… » lâche Mohammad devant les décombres.

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Mohammad insiste sur le fait qu’ils s’étaient plaints à plusieurs reprises au propriétaire de l’immeuble que celui-ci était « fragile et pouvait s’effondrer à tout moment, mais le propriétaire avait toujours répondu que nous étions libres de partir ». Ce dernier n’était pas joignable avant la publication de cet article. « Je suis dans l’incapacité financière de louer un autre logement, et retourner en Syrie n’est pas une option », dit-il, rappelant que sa ville natale est toujours en guerre. Lui et sa famille resteront pendant quelques jours chez des proches, jusqu’à ce qu’ils trouvent un endroit relativement plus sûr. Et de conclure : « Je suis venu au Liban avec ma famille après que l’un de mes fils a été tué dans une frappe aérienne en Syrie, je suis venu ici pour que ma famille puisse vivre… »

Les restes de l’immeuble effondré à Choueifate, le 19 février 2024. Photo João Sousa

Plusieurs familles et résidents étaient inconsolables. « Nous étions voisins depuis deux ans, nous sommes pratiquement une famille à ce stade. Quoi qu’en disent les autorités, elles ne pourront pas ramener nos proches à la vie », dit Soha Touki, qui a perdu l’une de ses meilleures amies dans l’incident.

Des milliers de cas potentiels ?

Saïd Souki, avocat de la municipalité de Choueifate, affirme que la municipalité n’avait pas été informée du risque d’effondrement des bâtiments. « Les habitants m’ont dit qu’ils avaient informé le propriétaire de l’immeuble, qui lui-même ne nous avait pas informés, et je vous assure que nous prendrons toutes les décisions nécessaires pour comprendre ce qui s’est passé », plaide-t-il.

Le 11 février, un autre immeuble de cinq étages s’était effondré à Choueifate, sans faire de victime : les habitants ont vu les fenêtres et les tuiles se fissurer lorsque la structure a commencé à se déplacer, ce qui leur a donné dix minutes pour évacuer avant que l’immeuble ne s’effondre. Cet immeuble faisait partie du lotissement numéro 157 qui comprend plusieurs bâtiments, dont Camille Hachem, représentant de l’ordre des ingénieurs et des architectes (OEA), soupçonne qu’ils présentent tous les mêmes faiblesses structurelles, notamment des fondations fragiles et des problèmes de sécurité. Il y a quelques jours, M. Hachem avait dit à L’Orient Today qu’il pensait que tous les bâtiments du domaine 157 pourraient être classés comme structures à risques et « pourraient connaître le même sort que l’immeuble effondré si aucune mesure immédiate n’était prise ». « Il semble qu’il ait été construit entre 1975 et 1995, lorsque la construction est devenue chaotique », a déclaré M. Hachem, faisant référence à la période tumultueuse de la guerre civile libanaise.

Le problème se pose également dans d’autres régions du pays. Un rapport d’Amnesty International publié mardi a révélé que des milliers de personnes vivent dans des « bâtiments dangereux » à Tripoli, un an après que plusieurs tremblements de terre – d’une magnitude proche du niveau 8 – ont détruit de grandes parties du sud-est de la Turquie et du nord de la Syrie et endommagé certains bâtiments au Liban. L’ONG a accusé le gouvernement libanais de « manquer à ses obligations envers les personnes vivant dans des bâtiments menaçant de s’effondrer à Tripoli ». Elle indique que même avant les tremblements de terre de février 2023, les habitants de Tripoli avaient fait part de leurs préoccupations concernant les mauvaises conditions de vie, causées selon eux par « des décennies de négligence et le non-respect des règles de sécurité par les entrepreneurs ». Le problème a été aggravé par la grave crise économique du pays, qui dure depuis 2019 et qui, selon le groupe, a rendu difficile pour les gens de payer les réparations ou de trouver d’autres logements.

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