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Agenda - Hommage à Sarah Ghazzaoui

Mon lien de soie avec Sarah

Au perron de la nouvelle année, te voilà partie ma Sarah adorée, sur la pointe des pieds et exactement comme tu voulais. Sans accabler, sans peser.

Tu n’as pas eu une vie aisée malgré tout, tu as brillé et atteint l’apogée après de longues années d’excellente gestion du bloc opératoire d’un hôpital de renom. Ensuite, écœurée par notre guerre, tu as quitté pour Paris avec Médecins sans frontières.

Chargées de tes Rothman’s et de bocaux de snoubar baladé, nous venions passer chez toi dans ta rue pittoresque du 1er tous nos étés. La France, Paris étaient pour toi dans un mouchoir de poche. Ensemble nous chantions à tue-tête dans ta petite Clio où tu nous faisais découvrir à maman et moi la route des vins, Cancale, Honfleur, Cabourg, Biarritz, les Sables d’Olonnes, les calanques de Saint-Tropez, et nous nous arrêtions de rouler pour un petit hôtel de fortune, la nuit tombée. Et puis dans Paris, nos incontournables : le Mont Blanc chez Angelina, le chocolat chaud chez Carette, le kir royal au Costes, le steak tartare chez Minim’s, les glaces-passion de Berthillon, le Jeu de Paume, l’Orangerie, l’Opéra Garnier... Tant de lieux qui respirent ta joie de vivre, tant d’endroits qui ne se lassent pas de parler de toi !

Ton odeur embaume toujours tes armoires, tes tiroirs, tes effets. C’est cruel, tu es là mais pourtant déjà de l’autre côté...

Sarah, tu tenais à ton nom avec un « h » aspiré, à présent, c’est moi qui aspire mes sanglots de ne plus chanter les phonèmes de ce nom !

Généreuse, fougueuse, fofolle, débonnaire toujours à aimer les repas bien arrosés et les mets délicats, à distribuer des pourboires à tour de bras, même le nom de ton chien Matisse était un coup de maestria ! Tu adorais nous prendre au Marais essayer des chapeaux à plumes à « La bonne renommée », ta boutique préférée. Tu avais ce côté fantasque et théâtral de celle dont tu portes le prénom, Sarah Bernhardt !

Tu avalais les livres, étais cruciverbiste, chinais des carrés de cachemire chatoyants, collectionnais des parapluies à pommeaux élégants, jouais du piano et donnais des concerts à quatre mains avec Henry Ghorayeb, ton ami de chemin. Souvent, quand je rentrais de l’école, tu grattais sur ta guitare un air des Jeux interdits, et que dire de ton curry aux fruits que tu servais aux invités comme plat unique dans des « chines » parées de bleu et de brique ?

Ta finesse était touchante, ta vivacité d’esprit troublante et le charme que tu distillais, inégalé !

Tu crânais dans ce monde âpre et sans pitié. C’est ton inébranlable foi qui te guidait, te sauvait.

Toujours à fleur de peau, à fleur de mots, à fleur de beau, c’est toi qui m’as vue grandir, m’a façonnée, m’a nourrie de ta culture illimitée, à un âge délicat où tu as tissé avec moi ce merveilleux fil de soie, quand ma mère, ta sœur, était retenue ailleurs...

À notre « revoyure », comme tu aimais lancer !

Va Sarah, déploie ton âme d’exception, vole vers des cieux plus cléments, toi, mon « alter-maman », mon inspiratrice, mon firmament...


Au perron de la nouvelle année, te voilà partie ma Sarah adorée, sur la pointe des pieds et exactement comme tu voulais. Sans accabler, sans peser.Tu n’as pas eu une vie aisée malgré tout, tu as brillé et atteint l’apogée après de longues années d’excellente gestion du bloc opératoire d’un hôpital de renom. Ensuite, écœurée par notre guerre, tu as quitté pour...