On a rarement accès aux écrits d’un peintre, aux notes qu’il prend dans ses carnets, aux mots qu’il inscrit à côté de ses croquis, à ce secret si bien gardé qui éclaire sur le pourquoi du comment de l’acte de création. Soit il faut connaître le peintre et être assez intime avec lui pour qu’il nous les montre, soit visiter une grande exposition monographique où, peut-être et si la chance nous sourit, quelques pages de ces carnets seront exposés dans des vitrines, soit simplement attendre la mort de l’artiste et espérer qu’un héritier décide de publier ses notes. L’éditrice Colette Felouss, elle, connaissait le peintre catalan Miquel Barceló et c’est « en feuilletant ses carnets, dans son atelier parisien » qu’elle lui propose « de dessiner son autoportrait en mots et en images ».
Publié dans la collection « Traits et portraits » aux éditions Mercure de France, De la vida mía est un « voyage dans la vie et l’œuvre de Miquel Barceló », voyage qui débute dans son île de naissance, à Majorque. « Je suis né d’elle, écrit-il, j’ai tout appris de mon enfance. La mer, c’est ma respiration. Mon corps fait partie de la nature. » Dans son introduction, l’éditrice également écrivaine, présente l’ouvrage ainsi : « Vous y trouverez des couleurs et de la terre, des visages de poissons, des fruits, du sable, des animaux, des grottes, des livres, des objets, un rhinocéros. Vous y trouvez aussi la mer, l’enfance en Méditerranée, un corps et sa mémoire, un enfant et son bateau, un peintre dans ses différents ateliers. À Majorque, à Paris, au Mali. »
On le lit une première fois, happé par les mots de Miquel Barceló : « La peinture est liée à l’enfance. C’est probablement vrai qu’on apprend les choses importantes avant les dix ans. J’ai souvent l’impression qu’en peinture j’avais fait à dix ans à peu près tout ce que j’ai refait ensuite et que je refais encore. »
Puis on reprend le livre dans le désordre, on observe un croquis, une aquarelle, une esquisse, une page scannée de l’un de ses carnets, on relit quelques lignes, on tombe sur le dessin d’une grenade, on finit par chercher sur internet où sont exposées les œuvres de Miquel Barceló. Une fois devant l’une d’entre elles, on se dit qu’au fond rien ne vaut un artiste et on replonge dans De la vida mía comme on plongerait dans la mer.
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De la vida mía
Miquel Barcelò
Collection « Traits et portraits », Mercure de France
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09 h 25, le 22 janvier 2024