En soutien à Gaza, la guerre avec Israël sur le front de l’Eurovision 2024

La 68e édition du concours Eurovision de la chanson 2024 doit se dérouler les 7, 9 et 11 mai prochains dans la ville suédoise de Malmö. Les préparatifs, déjà en chantier, subissent de sérieux coups de frein fusant de toutes parts. Le plus récent est venu de 1 400 professionnels de l’industrie musicale finlandaise qui ont signé une pétition demandant qu’Israël soit exclu du concours cette année. Les organisateurs de cet événement avaient déjà fait face à des réactions négatives et à des appels au boycott en décembre dernier, après avoir autorisé Israël à participer aux compétitions de cette année. Selon le site de musique et de culture britannique NME, la pétition précise que si l’État hébreu n’est pas exclu, la chaîne de télévision publique finlandaise Yle (la plus grande du pays), qui a affirmé suivre de près les choses, devrait retirer la participation de la Finlande. L’un des auteurs de la pétition, Lukas Korpelainen, a précisé à la BBC qu’il n’était pas acceptable qu’« Israël participe au concours Eurovision de la chanson pour peaufiner son image ». Parmi les autres signataires figurent les artistes finlandais Olavi Uusivirta, le Suisse Paleface et le candidat finlandais de 2011 Axel Ehnström.

La scène à Malmö où doit se dérouler le concours Eurovision 2024. Photo tirée de leur page officielle

Après l’invasion de l’Ukraine, la Russie interdite d’Eurovision

Tout ce monde a accusé la chaîne Yle de faire preuve de deux poids, deux mesures, d’autant qu’elle a été parmi les premières à exiger l’interdiction de la Russie au concours de 2022 après son invasion de l’Ukraine. Les protestataires affirment : « Nous nous attendons à la même chose. » Et de rappeler que la Russie a été interdite du concours en 2022, qui fut remporté par l’Orchestre ukrainien de Kalush. Le représentant d’Yle, Ville Vilén, s’est justifié en répondant que « la situation en Israël et à Gaza n’était pas tout à fait la même. Aussi horrible que cela puisse paraître, il ne s’agit pas d’une guerre d’agression interétatique, comme celle entre la Russie et l’Ukraine ». Le responsable de la communication d’Yle, Jere Nurminen, a pour sa part signalé que l’entreprise envisageait de rencontrer les auteurs de la pétition.

Ces prises de position arrivent au lendemain d’un important accord de défense signé en novembre par la Finlande avec le ministère israélien de la Défense pour la vente du système de défense antimissile israélien Fronde de David, dans le cadre d’une transaction inédite estimée à 435 millions de dollars, et que beaucoup considèrent comme contradictoire avec sa position sur Gaza. Ce qui a enflammé davantage le débat. Les deux pays entretenant de bonnes relations dans tous les domaines et afin de tempérer cette question épineuse, la ministre finlandaise des Affaires étrangères, Elina Valtonen, l’a abordée lors d’un entretien avec la version anglaise de la chaîne de télévision al-Jazeera diffusée sur YouTube. Elle a, entre autres, affirmé que l’achat d’armes israéliennes était indépendant de l’opinion de son pays sur ce qui se passe à Gaza. La Finlande condamne les attaques des civils et soutient la solution à deux États.

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L’Islande, l’Australie, l’Angleterre et d’autres dans la protestation

De l’autre côté de l’Europe, le participant britannique Olly Alexander a signé le mois dernier une lettre propalestinienne dans laquelle il qualifie Israël d’« État d’apartheid». Avant d’être confirmé pour représenter la Grande-Bretagne, il avait fait de même dans une lettre ouverte du groupe militant LGBTQ Voices4London qui condamnait « la propagande sioniste » en plein conflit en cours. En novembre, le groupe de rock anglais Pulp, les deux Américains de la même veine, Lucy Dacus et Sleater-Kinney, et d’autres faisaient partie des milliers de musiciens qui ont signé une lettre ouverte appelant à un cessez-le-feu à Gaza. Plus tôt ce mois-ci, il a été révélé qu’un soldat israélien, Yotam Haïm, avait été tué à Gaza, plusieurs semaines après avoir été auditionné pour le concours. L’Islande a fait pencher la balance du côté de la cause des Gazaouis plutôt que du côté de la plus belle voix. Idem pour l’Australie par la prise de position de l’une de ses artistes nommée Montaigne et ancienne star de l’Eurovision 2021, qui explique : « Israël a commis de nombreuses atrocités qui ne font pas partie de l’esprit de l’Eurovision. Et ses bombardements sur Gaza continuent. » On la retrouve aussi sur une pétition lancée par la vocaliste Bea Quinn et une lettre ouverte à l’Union européenne de radiodiffusion demandant le retrait d’Israël de la compétition. La chanteuse a, elle aussi, comparé le bombardement de Gaza par Israël à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a entraîné l’exclusion de la Russie de la compétition à cette époque, demandant que l’on fasse de même pour Israël. 

Repérée sur Facebook, enfin, une annonce qui va droit au but sous l’intitulé anglais « Boycott Eurovision » et qui se présente ainsi : « Nous sommes un groupe de 12 personnes voulant renverser la tyrannie de l’Eurovision et nous élever contre le rapprochement politique flagrant qui s’opère entre certains États. » Restent quelques mois qui séparent le monde de cet événement international, supposé être un symbole d’unité. Pour l’instant, les organisateurs confirment qu’Israël participera bien au concours. « Il s’agit d’un concours pour les radiodiffuseurs – et non pour les gouvernements – et le radiodiffuseur public israélien participe à ce concours depuis 50 ans », a indiqué l’Union européenne de radio-télévision.