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Sur le campus de Columbia à New York, une polémique sur l'antisémitisme et des inquiétudes pour la liberté d'expression

Des manifestants se rassemblent lors d'une manifestation "All out for Gaza" à l'université de Columbia à New York, le 15 novembre 2023. Photo AFP/BRYAN R. SMITH

Batailles de pétitions, manifs enflammées et sanctions contestées contre des associations d'étudiants pro-palestiniens : depuis deux mois, l'université new-yorkaise de Columbia vit au rythme du conflit meurtrier à Gaza et dans une ambiance très politisée, des professeurs s'inquiétant pour la liberté d'expression.

La scène, lundi, est devenue banale sur le campus situé à Manhattan : quelques centaines d'étudiants, keffiehs et drapeaux palestiniens sur les épaules, manifestent pour demander un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée par l'attaque sans précédent du 7 octobre du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien, près de 18.800 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza dans les bombardements israéliens menés en représailles, selon le Hamas.

"Du fleuve (du Jourdain) à la mer, la Palestine sera libre", lancent les étudiants, un slogan perçu par certains comme une exhortation à la destruction d'Israël, par d'autres comme un appel à la libération des Palestiniens. En marge de la manifestation, un petit groupe pro-israélien s'est rassemblé pour faire tournoyer des drapeaux d'Israël et de l'allié américain et danser, sono à fond.

"Malaise"

Depuis les attaques du Hamas, qui ont fait environ 1.200 morts en Israël, en majorité des civils, les polémiques n'ont pas épargné la prestigieuse université privée américaine, connue pour ses protestations en 1968 contre la guerre du Vietnam et les discriminations raciales.

Sur le campus où a enseigné le penseur palestino-américain Edward Saïd, les vifs débats sur le conflit au Proche-Orient sont anciens. En 2020, une consultation d'étudiants avait abouti à un vote pour le boycott d'Israël. La présidence de Columbia, qui a un programme d'échanges avec celle de Tel-Aviv, l'avait rejeté.

Désormais, des groupes d'étudiants pro-palestiniens sont accusés de nourrir la haine anti-juive, ce qu'ils réfutent, accusant l'administration d'avoir un parti pris "pro-Israël", ce qu'elle dément aussi. Pour Joseph Howley, professeur de lettres classiques "juif américain", qui soutient un boycott d'Israël, "le niveau de malaise" au sein du corps enseignant de l'université "est sans précédent".

"Confusion"

Après plusieurs manifestations surchauffées où s'opposaient deux camps, deux associations étudiantes pro-palestiniennes ont été suspendues en novembre pour violations du règlement, notamment pour un rassemblement qui "a donné lieu à des discours menaçants et des intimidations", selon l'université.

Professeur d'anglais et d'études de genre, Jack Halberstam dit n'avoir jamais vu "tant d'efforts pour porter atteinte à la liberté d'expression" à Columbia. Pour l'universitaire, la crainte d'être accusé d'attiser l'antisémitisme et la pression de donateurs motive la sévérité de l'administration.

Fin octobre, la présidente du Barnard College - l'université pour femmes rattachée à Columbia - Laura Rosenbury, s'était dite "consternée et attristée de voir l'antisémitisme et l'antisionisme se répandre" sur le campus, tout en dénonçant une "rhétorique anti-palestinienne et anti-musulmane". Mais pour Jack Halberstam, la confusion entre "antisionisme et antisémitisme" rend "le débat presque impossible". 

"Si vous ne pouvez pas critiquer un Etat qui conduit des opérations militaires illégales, le long de ses frontières, contre une population civile, alors nous sommes entrés dans une nouvelle ère d'étouffement de la liberté d'expression", poursuit l'universitaire.

Indignation

Tout en défendant la liberté d'expression, la co-directrice de l'Institut pour Israël et les études juives de Columbia, Rebecca Kobrin, assure qu'il faut prendre en considération le malaise d'étudiants juifs, "épuisés" par les événements, et pour qui des slogans comme "du fleuve à la mer" sont ressentis comme "un appel à la violence".

Dans la foulée des attaques du Hamas, un texte d'un des groupes d'étudiants suspendus, "Students for Justice in Palestine", a provoqué un déluge de critiques. Il assimilait l'offensive du mouvement islamiste à "un épisode historique pour les Palestiniens de Gaza" et à une "contre-offensive des Palestiniens contre leur oppresseur colonial".

Ont suivi des lettres ouvertes de professeurs et étudiants, certains indignés qu'ils omettent les "attaques barbares du Hamas". D'autres ont pris la défense des jeunes militants cloués au pilori, dont certains ont vu leurs visages et noms diffusés autour du campus avec la mention "antisémite".

"Les pertes de vies humaines et les violences du 7 octobre ont été terribles et doivent être condamnées", dit Joseph Howley. Mais "j'ai grandi avec le 11- Septembre et la +guerre contre le terrorisme+ des Etats-Unis, et voir une réponse politique qui cible immédiatement et jette l'opprobre sur de jeunes activistes parce qu'ils n'ont pas utilisé exactement les bons mots, je trouve cela inquiétant", explique le professeur.

Sollicitée par l'AFP, l'université de Columbia a renvoyé vers un lien sur son site où elle explique que depuis le 7 octobre, "l'ambiance sur le campus a été très chargée" et que des mesures ont été prises pour renforcer la sécurité et mieux encadrer l'organisation d'événements.




Batailles de pétitions, manifs enflammées et sanctions contestées contre des associations d'étudiants pro-palestiniens : depuis deux mois, l'université new-yorkaise de Columbia vit au rythme du conflit meurtrier à Gaza et dans une ambiance très politisée, des professeurs s'inquiétant pour la liberté d'expression.

La scène, lundi, est devenue...