
Des étudiants de l’université du Koweït ont protesté contre la décision d’imposer la ségrégation sexuelle dans les salles de classe, devant le campus de l’établissement, le 18 septembre 2023. Yasser al-Zayyat/AFP
Depuis près d’une semaine, l’université du Koweït, principale institution de l’éducation supérieure dans le pays, a été remuée par une décision datant d’un autre temps : imposer la ségrégation de genre, en se basant sur une loi de 1996. Pourtant en 2015, la Cour constitutionnelle du Koweït avait réduit la portée de ce texte en permettant la mixité dans les classes tant que les étudiants hommes et femmes étaient placés séparément de chaque côté plutôt que dans des bâtiments distincts. Il n’y aura donc plus de mixité dans les salles de classe, forçant ainsi les étudiants à s’inscrire de nouveau dans leurs cours respectifs, et imposant la fermeture de tout campus qui ne se plie pas à la règle.
Derrière cette nouvelle réglementation, le député salafiste Mohammad Hayef, à la tête de la commission parlementaire pour « la Promotion des valeurs ». Ce dernier s’est réuni le 13 septembre avec le ministre de l’Éducation et le président de l’université du Koweït afin d’appliquer la loi n° 24 de 1996, comme l’indique le communiqué de presse publié sur le site officiel de l’Assemblée nationale. « La morale de la société koweïtienne et la noble charia islamique ont établi des normes et des réglementations pour préserver la morale de nos jeunes, afin qu’ils ne soient pas exposés à des situations contraires à la charia », avance Mohammad Hayef, cité dans l’annonce officielle. Une loi qui doit être appliquée dans toutes les activités universitaires d’ici à cinq ans, alors que le ministère de l’Éducation devra délivrer un rapport annuel pour évaluer sa mise en œuvre.
Sit-in
Face à cette décision, depuis près d’une semaine, des syndicats étudiants manifestent en s’opposant notamment à l’ingérence parlementaire dans les affaires de l’université. En parallèle, l’Association des professeurs de l’université du Koweït a réclamé le 16 septembre aux députés et au gouvernement de « ne plus s’immiscer dans les affaires de l’université du Koweït et de maintenir l’indépendance de l’établissement », dans un communiqué de presse.
Lundi dernier, des dizaines d’étudiants ainsi que des professeurs ont ainsi participé à un sit-in, organisé notamment par les syndicats étudiants al-Mustaqilla (indépendants) et al-Wassat al-Dimocraty (le centre démocratique), pour s’opposer à cette loi. « L’avenir des étudiants de l’université du Koweït est une ligne rouge », était-il inscrit sur des bannières.
Mohammad al-Qattan, coordinateur de la Liste des étudiants d’al-Wassat al-Dimocraty, a déclaré, selon des propos rapportés par le journal koweïtien al-Qabas, que cette nouvelle mesure a allongé les heures de cours des étudiants jusqu’à la nuit, en raison de ce dédoublement de cours. Ce dernier a fait porter la responsabilité de cette nouvelle règle au doyen et au directeur de l’université du Koweït, « car ils ont violé la loi n° 76 de 2019 qui garantit l’indépendance de l’université du Koweït de toute ingérence extérieure ».
Mais la députée Janane Bouchehri, l’unique femme au sein de l’assemblée, pourrait contrecarrer les plans de son collègue Mohammad Hayef. Cette dernière avec deux autres députés ont proposé une loi visant à abolir celle de 1996 sur la non-mixité.
Cette récente décision s’inscrit dans une série de lois conservatrices. Au mois d’août dernier, l’Assemblée nationale a fait passer l’article 16 de la loi sur la Commission électorale générale, qui exige « le respect des dispositions de la Constitution, de la loi et de la charia islamique pour exercer le droit de voter et de se présenter ». Une loi dénoncée par des citoyens et des activistes sur les réseaux sociaux qui la considèrent comme une tentative « d’exclure politiquement les femmes sous couvert de religion », car elle exige le respect d’un code vestimentaire dit « modeste ».
Se distinguant des autres monarchies autoritaires du Golfe, le Koweït est perçu comme un « laboratoire démocratique », avec son système parlementaire monocaméral. Mais la pétromonarchie est enlisée dans une instabilité politique. Depuis 2012, sept élections législatives ont été organisées dans le pays. En juin 2023, à l’issu du dernier scrutin, l’opposition, notamment islamiste, a renforcé sa majorité, remportant 29 sièges sur 50 au Parlement.
commentaires (3)
Entendue dans une rue d'une ville arabe moderne, un garçonnet de 6 ans qui demande à sa mère : dis maman, c'est quoi une Aarousse (Nouvelle Mariée) ?? Et sa mère qui lui explique candidement, c'est comme ta soeur de 9 ans qui vient d'être donnée en noces... L'université l'attendra après son 9eme enfant...
Wlek Sanferlou
23 h 45, le 24 septembre 2023