Dans l’Est libyen, la tempête Daniel a semé la dévastation sur son passage. Les autorités de Benghazi ont annoncé mercredi soir avoir recensé plus de 3 800 morts, bien que le bilan reste très provisoire. Plusieurs jours après des inondations qui ont emporté des quartiers entiers, causées par la rupture de deux barrages surplombant la ville de Derna, les secours s’organisent tant bien que mal. L’accès à la ville est compliqué par la destruction de routes, tandis que les réseaux de communication sont à plat. Le point avec Imene Trabelsi, porte-parole régionale du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Quelle évaluation faites-vous du bilan de cette catastrophe ?
Une vague de 7 mètres de haut a rasé des bâtiments et emporté avec elle des infrastructures jusque dans la mer. Les villes de Derna, Sousa, Taknes, Albayda et Almarj, Massah et Gandula Shahat sont les plus durement touchées suite à l'effondrement des deux barrages de Derna. D'innombrables familles ont perdu leurs proches, leurs maisons et leurs biens.
Bien que le CICR ne dispose pas de chiffres exacts, l'impact sur les vies humaines est dévastateur : on craint des milliers de morts, des milliers de déplacés et de disparus. Des données précises sur les familles affectées et les victimes n'ont pas encore été confirmées. Des estimations préliminaires suggèrent toutefois que le nombre de personnes disparues dépasse les 10 000. Le CICR travaille en étroite collaboration avec le Croissant-Rouge libyen pour rechercher les disparus. Et une équipe supplémentaire de médecins légistes du CICR va être déployée pour renforcer notre soutien.
Les besoins sont énormes et dépassent la capacité de réponse que le CICR et ses partenaires sont en mesure d'offrir, d'autant plus que l'un des principaux défis actuellement est l'accès aux zones touchées par les inondations, les routes ayant été sévèrement dégradées voire détruites.
Quels besoins sont les plus urgents et comment l’aide s’organise-t-elle ?
Nos équipes sur le terrain ont fait état d'une mobilisation remarquable de la communauté libyenne, tant aux niveaux individuel que collectif. On parle de dons de nourriture et d’autres produits non alimentaires aux familles touchées. Mais les survivants ont encore désespérément besoin d'abris sûrs et adéquats, d'une aide alimentaire plus large ou encore de produits de base. Alors que d'innombrables corps sont encore ensevelis sous la boue, ils ont aussi besoin d'équipements de recherche et de sauvetage.
Nos équipes sont sur le terrain et distribuent de la nourriture et des médicaments. Des livraisons supplémentaires de médicaments, de nourriture, de kits de premiers secours et d'articles ménagers sont acheminées en ce moment vers le Nord-Est libyen pour soutenir les communautés touchées. Le CICR renforce en outre son équipe de médecins légistes à Benghazi. Nous venons d'achever la distribution de 6 000 sacs mortuaires afin d'aider les autorités et le Croissant-Rouge libyen à traiter les morts dans la dignité.
Quel est l’impact de la situation politique qui règne en Libye sur l’acheminement de l’aide ?
Derna, qui est densément peuplée et l'une des régions les plus durement touchées par les inondations, reste une zone contaminée par des restes d'explosifs dus aux conflits passés. Ce qui constituait déjà auparavant une menace sérieuse pour la vie et les moyens de subsistance des civils. Les récentes intempéries meurtrières n’ont fait qu’accroître le risque d'exposition de la population à ces dangers, en déplaçant les restes d'explosifs vers des zones qui étaient auparavant vierges de ces débris. Et ce alors même que la capacité des autorités et d’autres acteurs à déminer et à nettoyer les zones contaminées est limitée.
En tant qu’organisation neutre, impartiale et indépendante dont le mandat est exclusivement humanitaire, le CICR travaille dans tout le pays (la Libye étant divisée politiquement et militairement entre le gouvernement de l’Est, dirigé par le maréchal Khalifa Haftar, et le cabinet de Tripoli, reconnu par la communauté internationale et conduit par Abdelhamid Dbeibah, NDLR). Nos interventions sont menées en étroite consultation avec le Croissant-Rouge libyen et les parties prenantes nationales et locales.
Ce "moi" à qui on ne la fait pas, syndrome libanais par excellence, devrait se reposer. Ça nous ferait des vacances.
19 h 56, le 15 septembre 2023