
Fouad Nassif relâche dans la nature entre 200 et 250 animaux par an. Photo João Sousa
« C’est l’heure de manger ! » s’active Fouad Nassif, alors que le soleil commence à descendre derrière les monts. Dans le calme de la vallée ouest de la Békaa, près de Aamiq, le cortège des cervidés de la « Réserve d’Ana » peut commencer. Fondée il y a 25 ans, la réserve s’étend sur 60 hectares où près de 300 animaux, répartis entre trois espèces – principalement les daims, mais aussi quelques mouflons et bouquetins –, sont protégés. Résidant à Beyrouth, l’éleveur y monte régulièrement nourrir ses bêtes. Une mission qu’il confie aussi à ses amis sur place.
Coiffé d’un keffieh rouge, l’un deux, Abou Hassad, attend d’ailleurs l’arrivée des animaux, accoudé à la fenêtre d’un pick-up blanc, à l’arrière duquel est assis Malek, entouré de quatre sacs de maïs. Au loin, occupées à gambader dans les collines arides, certaines femelles tachetées commencent à relever leur museau. « Der der der », crie le chauffeur entre plusieurs coups de klaxons insistants, haranguant la horde qui arrive et se met à suivre la voiture, poursuivant lentement sa montée du sentier en marche arrière.
Il y a trois cents naissances par an dans la réserve d'Ana. Photo João Sousa
Au sommet de la montagne, une dizaine de bouquetins, au pelage couleur roche et aux cornes voûtées, répondent alors à l’appel. « Ils sont plus timides que les daims », explique Abou Hassad. Une fois arrivé aux trois quarts du flanc de la montagne, le véhicule s’arrête, avant de redescendre lentement et permettre à Malek de déverser les grains sur le chemin. Rapidement, les pensionnaires de la vallée d’Ana se bousculent avec une certaine élégance pour trouver leur place sur la longue ligne tracée par le maïs.
Quatre sacs de maïs sont déversés chaque jour pour nourrir les animaux de la réserve. Photo João Sousa
« Il n’y a plus d’animaux dans mon pays »
Comme ses bouquetins, Fouad Nassif se fond dans le paysage avec sa veste de chasseur camouflage. Il raconte : « Au début du siècle, la Grande famine du Mont-Liban (1915-1918) a poussé la population de la Békaa à chasser en masse. Depuis, il n’y a plus de daims ». À la fin des années 1990, « Sleiman Frangié (chef des Marada, NDLR) m’a offert quelques daims d’origine méditerranéenne », grâce auxquels il parvient petit à petit à créer un élevage.
Avec près de 300 naissances par an, l’objectif est clair : il ne s’agit pas uniquement d’élever ces animaux, mais bien de repeupler le Liban de sa faune. « Je réintroduis ces espèces que la nature a un temps perdus », assure-t-il, en donnant un bout de pain à l’un de ses compagnons à poil ras, resté observer les activités de son hôte.
Fouad Nassif, chasseur et éleveur de daims, de mouflons et de bouquetins, dans la vallée de la Békaa. Photo João Sousa
Fouad Nassif met en place des opérations de lâchers d’animaux à l’état sauvage. Dans la réserve de Bnechee, au nord du pays, il relâche une fois par an entre 200 et 250 animaux de son cheptel. À l’avenir, cet amoureux des bêtes espère trouver de nouveaux espaces protégés pour étendre cette réhabilitation au sein de la ruralité libanaise. Un projet avec la forêt des cèdres du Barouk (Chouf) est d’ailleurs en cours. « Nous y avons construit une clôture de pré-lâcher pour y mettre des daims et des bouquetins le temps qu’ils s’adaptent à ce nouvel espace où ils seront bientôt remis en liberté. »
Prisée des touristes pour la beauté de ses paysages, la réserve d’Ana attire les plus curieux. Les accueillant par groupe de 8 au maximum, Fouad Nassif vérifie toutefois qu’aucun n’a visité de ferme récemment afin de protéger ses animaux des maladies. « Ici, je ne soigne pas les animaux, je veux les laisser un maximum à l’état sauvage », précise-t-il.
Abou Hassad travaille dans la réserve d'Ana. Photo João Sousa
Un chasseur sachant chasser
Dans sa réserve, qu’il surnomme« La garderie », outre l’alimentation de ses bêtes, Fouad Nassif doit aussi gérer leur protection. Si, à Bnechee, les hyènes, les loups et les chacals constituent une menace, ce n’est pas le cas à Ana. « Les seuls prédateurs sont les chiens et les chats sauvages abandonnés par les chasseurs. » Pour s’en assurer, il s’est décidé à installer des pièges le long des barrières qui clôturent l’immense réserve.
Pourtant, la chasse est un domaine qu’il connaît bien. Lui-même chasseur de mammifères en Europe, Fouad Nassif considère que la chasse est un facteur de développement de la biodiversité. « Les bons chasseurs ne tuent que les vieux mâles et suivent les réglementations », explique-t-il.
« Der, der, der » est le cri employé pour appeler les daims. Photo João Sousa
Bien qu’elle manque cruellement de décrets d’application, la loi n° 580 de 2004, et pour laquelle il a été consulté lui qui est membre du Conseil national de la chasse, prévoit une délimitation des espèces et de la période de chasse à respecter (de septembre à janvier). Malheureusement, une minorité des chasseurs s'affranchissent de ces obligations et tirent bien souvent sur tout ce qui bouge.
Mais pour ses protégés d’Ana, Fouad Nassif n’a crainte : «Nous ne les mettons que dans des espaces protégés. » Pour lui, en plus de « faire partie de la beauté de la nature », les daims sont une chance donc pour la faune libanaise. Une espèce à préserver qui, grâce à la réserve d’Ana, pourrait reprendre du poil de la bête.
« C’est l’heure de manger ! » s’active Fouad Nassif, alors que le soleil commence à descendre derrière les monts. Dans le calme de la vallée ouest de la Békaa, près de Aamiq, le cortège des cervidés de la « Réserve d’Ana » peut commencer. Fondée il y a 25 ans, la réserve s’étend sur 60 hectares où près de 300 animaux, répartis entre trois espèces – principalement...
commentaires (13)
Bravo cher Monsieur et merci!
Wow
22 h 27, le 31 juillet 2023