« Le cœur de la boutique, c’est le café bar ! Il permet de rendre l’endroit chaleureux pour les visiteurs, le café, les snacks à grignoter », s’enthousiasme Hani Akiki, 39 ans, alors que nous parcourons la boutique vivante et colorée baptisée RockFort à Hrajel, dans le joli village de montagne du Kesrouan, sur les hauteurs du Mont-Liban.
Ici, les routes goudronnées traversent les montagnes rocailleuses, teintées au gré des couleurs du soleil. Le village est calme, son silence interrompu ponctuellement par le rugissement des moteurs de quelques voitures de passage. « Des workshops aux événements musicaux, en passant par des soirées-débats avec des invités spéciaux : nous souhaitons amener la joie dans une zone géographique où la vie culturelle est presque inexistante », affirme Hani Akiki. L’instigateur du projet se sent comme un poisson dans l’eau, même si à l’étroit dans ce lieu où se bousculent fauteuils, tapis, lustres, plantes, cadres ; tout un bric-à-brac dans un peu moins de 200 mètres carrés, dont le comptoir du café bar est le cœur battant.
La boutique RockFort a été créée en 2019 par l’artisan Hani Akiki, venu développer son activité de restauration de meubles anciens à Hrajel, son village de naissance, situé à 1 325 mètres d’altitude. Qu’il s’agisse de canapés anciens, de miroirs à rafistoler, de tapis chinés au marché, c’est l’occasion pour le passionné de meubles anciens - qui sont rassemblés sur l’étage de sa grande maison familiale -, de vendre « ces trésors cachés, ces objets au potentiel inestimable auxquels j’adore donner une seconde vie ». Idem pour les événements culturels, organisés dans cette région rurale, à l’écart des pôles urbains – chose originale et peut-être visionnaire pour la localité – afin d’éviter un vide culturel parfois pesant pour ses résidents.
Outre la vente de meubles anciens, la boutique RockFort se veut un véritable « living room » un « salon » où les gens peuvent « puiser de l’énergie, de la chaleur et le sourire », explique Hani Akiki. Adepte de scoutisme, et ayant été membre de l’association libanaise arcenciel qui participe au développement durable de la société en soutenant les communautés vulnérables, pour lui les valeurs de respect et de partage ne sont pas négociables. Lors d’événements où des artistes musiciens peuvent se produire, des artistes plasticiens peuvent s’adonner à des ateliers, les villageois - et pas que - peuvent se rendre parfois gratuitement à la boutique pour passer un moment convivial. Le tout dans une démarche éthique de réemploi des objets.
Un artisanat engagé
Dans ce cadre magnifique et calme mais géographiquement éloigné des activités culturelles, RockFort propose un concept jeune, urbain, et finalement très inattendu. Sans réels musées, cafés dansants, touchée de plein fouet par les crises successives dans un contexte socio-économique fragile, la région de Kesrouan est « longtemps restée à l’écart, culturellement parlant », se désole Hani. Et ce, notamment lorsqu’on la compare à l’effervescence beyrouthine. C’est pourquoi, trois fois par semaine, et depuis trois ans, l’artisan ouvre ses portes du soir au matin, en donnant une seconde vie aux meubles anciens. « Je base mon activité sur des valeurs éthiques, environnementales et de recyclage des objets », explique-t-il.
Judicieuse idée que de réinvestir dans des meubles anciens lorsque l’on sait qu’il existe une crise du déchet mondial engendrant des conséquences environnementales et sanitaires désastreuses. De même qu’il s’agit pour lui de faire appel à sa créativité et son innovation en « modifiant parfois l’utilité première d’un meuble ». Pour exemple, « un petit dressing en bois de noix que j’ai réussi à transformer en un long banc où l’on peut s’asseoir », idéal pour allier l’utile à l’agréable. Très apprécié par les visiteurs, cet assemblage réussi entre classicisme et modernité offre aux visiteurs des pièces originales et néo-classiques.
La convivialité au rendez-vous
Tous ces meubles sont chinés dans les ordures, sur les marchés d’antiquaires, les brocantes, et même sur internet. En matière de prix, l’objectif pour ce passionné est davantage de trouver un compromis « juste », satisfaisant les deux parties mais respectant néanmoins le travail technique effectué en amont. « Ici, tout est à acheter mais pas les employés », plaisante Hani Akiki. Le personnel - pouvant compter jusqu’à huit personnes lors de certains événements - ressemble davantage à un groupe d’amis que de collègues à proprement parler. Tisanes aux fleurs locales, cookies, tartines au fromage de lait de chèvre locale, vin libanais… Le menu est régulièrement renouvelé et propose des ingrédients locaux issus de l’agriculture biologique. « Bientôt, nous allons effectuer des ateliers de confection de savon et de macramé avec des plantes », nous explique-t-il fièrement.
Au-delà de passer un moment ensemble, il s’agit de proposer aux visiteurs de développer certaines pratiques respectueuses de l’environnement. Lorsqu'on lui demande la raison du choix du nom RockFort, il explique que c’est « intemporel », et que l’immeuble est construit sur un rocher. Pour un château en hauteur, entouré de montagnes de couleurs vives, aux lumières changeantes en fonction des saisons, c’est fort en symbolique. Accompagné de son ami, Sami, 27 ans, qui élabore des tisanes et des cocktails délicieux, et de son père, Georges, 75 ans, lui-même passionné par le bois, il conclut en affirmant : « L’affaire, familiale et amicale, n’a finalement pas besoin de subventions municipales mais de liens sociaux forts ». Une aubaine, pour les amateurs d’authenticité.
Mmmm... un whisky, un cigar, un fauteuil et ce petit tableau et... le tout to go please! Merci...
13 h 54, le 04 juillet 2023