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Culture - Musique

Comment expliquer l’intarissable culte de Mylène Farmer ?

En quelques jours à peine, la tournée « Nevermore » de Mylène Farmer qui a démarré le 3 juin au stade Pierre-Mauroy de Lille a affiché complet avec plus de 550 000 billets vendus, devenant ainsi la plus grande tournée des stades jamais effectuée par un artiste français. À la lumière de ce chiffre simplement hallucinant, tentative de décryptage d’un mythe qui n’a cessé de grandir depuis 1984...

Comment expliquer l’intarissable culte de Mylène Farmer ?

Pour sa tournée « Nevermore », Mylène Farmer voit les choses en XXL. Capture vidéo YouTube

En juin 2021, alors qu’elle n’avait plus sorti d’album depuis trois ans et n’avait plus foulé la scène depuis deux ans, Mylène Farmer poste sur son compte YouTube officiel une vidéo énigmatique. Sur fond d’une musique solennelle, on y voyait un œil d’aigle où soudain s’affichait le mot « Nevermore », plus jamais. Pas un indice de plus. Les minutes, les heures et les jours qui suivent, c’est la folie furieuse au pays de ses fans qui lui vouent, beaucoup depuis sa première apparition en 1984, un culte inébranlable. Certains pleurent déjà la fin de sa carrière, d’autres s’affairent à collecter des signatures pour des pétitions réclamant son retour, d’autant que lors de sa dernière série de concerts en date (effectuée à la Défense Arena de Paris en 2019, NDLR), l’ultime et en tout cas éternelle icône de la pop française clôturait son show avec L’Horloge, titre avec lequel elle ouvrait sa première tournée de 1989.

Il fallait y voir une piste, une métaphore d’une boucle bouclée. Mais rien de cela, car quelques jours plus tard, après avoir (encore une fois) soigneusement entretenu le mystère, Mylène Farmer annonçait une monumentale tournée des stades de France pour l’été 2023, entre le 3 juin et le 29 juillet. Deux ans plus tard, et son (douteux) album L’Emprise (sorti en novembre 2022 et certifié disque de platine) décrochant pour ne rien changer la première place dans les charts français, nous y voilà. Le 3 juin, c’est donc au stade Pierre-Mauroy de Lille que s’est ouverte la tournée Nevermore. Une tournée dont les près de 600 000 places se sont arrachées en une poignée de jours suivant leur mise en vente, dont plus de 200 000 les huit premières heures. Au vu de ces chiffres hallucinants, et que l’on soit mylènophile ou mylènophobe, on ne peut que se demander comment ce véritable mythe n’a fait que croître au fil des ans, et surtout en dépit des profondes transformations de l’industrie musicale.

Que l’on soit « mylènophile » ou « mylènophobe », on ne peut que se demander comment ce véritable mythe n’a fait que grandir au fil des années. Photo AFP

Une aura de silence et de mystère

La première fois que Mylène Gautier, de son vrai nom, apparaît à l’écran, c’est le 22 mars 1984, dans l’émission La vie à plein temps sur France 3, où elle interprète le très controversé titre Maman a tort, coécrit par celui qui deviendra son jumeau créatif, Laurent Boutonnat. À quelques exceptions près, la presse et l’opinion de l’époque crient au scandale face à cette chanson jugée saphique et qui évoque l’amour d’une jeune fille hospitalisée pour son infirmière. En dépit de cette levée de boucliers, et de son clip réalisé par Laurent Boutonnat avec un budget minime de 5 000 francs, Maman a tort s’écoule à plus de 100 000 exemplaires et devient alors le sésame qui déverrouille toutes les portes du succès à la chanteuse. Ce tube pose surtout les fondements du langage Mylène Farmer (un nom de scène en référence à Frances Farmer, une actrice américaine au destin tragique, NDLR) que cette dernière déploiera en profondeur à la faveur de son premier album Cendres de Lune. Des textes occultes, nébuleux, métaphoriques, parfois méphitiques, et à mille lectures subversives qui sont traversées par des sonorités tantôt pop, tantôt mélancoliques.

Pour mémoire

La Franco-Canadienne Mylène Farmer : mystère gagnant

Le plus marquant à l’époque, c’est que le duo Farmer-Boutonnat s’amuse à enrubanner ses chansons dans des clips semblables à de véritables courts-métrages, avec des scripts et des budgets faramineux, comme pour Libertine, Sans contrefaçon ou Pourvu qu’elles soient douces. Il suffira à Mylène Farmer de deux albums à peine, Cendres de Lune puis Ainsi soit je (sorti en 1988), pour que, pièce par pièce, s’installe son univers, un mot aujourd’hui galvaudé. Plus ses opus s’écoulent par millions, plus la chanteuse casse tous les records de vente, et plus cette dernière s’enveloppe dans une aura de silence et de mystère, refusant les interviews, acceptant les prestations télévisées au compte-gouttes et laissant aux autres le soin d’inventer toute sorte de légendes à son sujet. Après avoir reçu une Victoire de la musique en 1988 pour Ainsi soit je, elle va jusqu’à refuser d’être nommée dans cette compétition, fidèle à cette ligne de conduite d’éternelle absente qu’elle entretient jusqu’à ce jour. Si le moindre de ses battements de cils est scruté à la loupe, très peu de choses filtrent finalement à propos de la vie privée de celle qui refuse jusqu’à ce jour le jeu des réseaux sociaux, quand celui-ci, dit-on, est devenu un ingrédient essentiel à la notoriété d’un artiste. Ce sont ses voisins de la Villa Montmorency (sorte de communauté fermée du XVIe arrondissement de Paris, et qui abrite les résidences de personnalités publiques, NDLR), où Farmer a habité pendant 20 ans, qui laissent d’ailleurs filtrer la nouvelle de son déménagement dans la commune de Saint-Cloud, à cause de ses chiens qui aboyaient trop et dérangeaient tout le voisinage.

Une icône dans tous les sens du mot

Assurément, la facilité pourrait nous faire dire que plus Mylène Farmer s’enfermait dans le secret, et plus elle faisait enfler le mythe qui l’enveloppait. Mais pas que. Car à part Kate Bush peut-être, quels sont les artistes qui d’un côté sont restés murés dans un silence, et d’un autre ont réussi à se hisser au statut d’icônes ? Mylène Farmer n’est pas la première à avoir rempli des stades, certes, mais le culte, proche du fétichisme, que lui vouent ses fans reste sans pareil. Jusqu’à ce jour et sans exception aucune, tous ses albums se vendent comme des petits pains le jour de leur sortie (elle compte 8 disques de diamant), et chacune de ses entrées en scène est semblable à l’arrivée d’un gourou dans sa cour d’adorateurs. Icône gay, Mylène Farmer l’a également été dès ses débuts, notamment avec la sortie de Sans contrefaçon, une pépite dans laquelle l’artiste se plaisait à brouiller les frontières du genre, bien avant l’heure. Mais c’est surtout la scène qui a consolidé le mythe Farmer. Elle fut la première artiste de l’Hexagone à proposer des spectacles d’une telle ampleur avec des décors quasi hallucinogènes, des chorégraphies proches de la transe et des costumes délurés (confiés à Jean-Paul Gaultier jusqu’à cette tournée où elle est habillée par le créateur belge Olivier Theyskens). La tournée Nevermore qui s’est ouverte le 3 juin n’est pas en reste. On parle de 90 camions semi-remorques mobilisés sur les routes de France, de Belgique et de Suisse, afin de déplacer le matériel et les décors nécessaires, et dont la construction a débuté fin novembre 2022. On parle aussi d’un budget total qui s’élèvera au moins à 30 millions d’euros, coût de production de sa dernière grande tournée de 2013. Loin d’être la tournée de l’album L’Emprise, puisque la star de 61 ans y interprète uniquement cinq titres extraits de cet opus, les concerts de Nevermore servent un peu de cartographie de la discographie de Mylène Farmer, avec de vieux tubes ressortis des tiroirs comme Tristana, Désenchantée, Libertine et Rêver, mais que l’artiste réussit à placer dans le présent. À rendre éternels. Comme l’icône qu’elle est et qu’elle restera, n’en déplaise à ceux qui lui prévoyaient une courte carrière, il y a déjà quarante ans…

En juin 2021, alors qu’elle n’avait plus sorti d’album depuis trois ans et n’avait plus foulé la scène depuis deux ans, Mylène Farmer poste sur son compte YouTube officiel une vidéo énigmatique. Sur fond d’une musique solennelle, on y voyait un œil d’aigle où soudain s’affichait le mot « Nevermore », plus jamais. Pas un indice de plus. Les minutes, les...

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