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Sport - Ligue 1

Strasbourg passe à son tour sous pavillon américain

Après de longues négociations, le club alsacien vient d’être racheté par le consortium BlueCo, également propriétaire de Chelsea. Outre l’inquiétude que ce rachat suscite chez les supporters, il confirme encore un peu plus l’extension du modèle de la multipropriété dans le football français.

Logo du Racing Club de Strasbourg Alsace dans la salle de presse du stade de la Meinau. Sebastien Bozon/AFP

Les saisons passent et les clubs français passant sous pavillon étranger défilent encore plus rapidement. Dans la foulée de l’Olympique lyonnais, récemment passé sous la houlette de l’homme d'affaires américain John Textor (Eagle Football), une autre écurie du championnat de France souvent citée pour son modèle de gestion vertueux vient de céder aux sirènes de la grande finance.

Après six mois de négociations, le consortium BlueCo, dirigé par Todd Boehly et qui avait racheté Chelsea l’an dernier, a mis la main ce jeudi sur le Racing Club de Strasbourg.


Quasi-intégralité des parts

« Cet accord marque un nouveau chapitre dans l’histoire du Racing puisque le consortium s’engage à accélérer les investissements durables dans la croissance du club, y compris dans les équipes premières et dans l’académie, dans la continuité du projet mis en œuvre par Marc Keller, qui restera président du club, soutenu par son équipe de direction actuelle », a annoncé BlueCo dans un communiqué.

Le groupe a racheté quasiment l’intégralité des parts du club, a précisé une source proche du dossier, sans pouvoir donner cependant le montant de l’investissement. « BlueCo s’engage à préserver l’héritage du Racing et souhaite travailler en étroite collaboration avec Marc Keller et son équipe dirigeante afin de poursuivre l’excellent travail accompli », poursuit le communiqué.

Strasbourg devient le cinquième pensionnaire de Ligue 1 à passer sous pavillon américain après Marseille, Lyon, Toulouse et Le Havre, ce qui signifie aussi que plus de la moitié des équipes de l’élite du football français sont désormais détenues par des capitaux étrangers. 


Tood Boehly, le propriétaire américain de Chelsea. Glyn Kirk/AFP

Le club alsacien devient également la huitième entité de l’élite à se retrouver intégrée dans un modèle de multipropriété, où un même actionnaire détient la majorité des parts de plusieurs clubs, après Lyon, le PSG (QSI), Nice (Ineos), Monaco (Dimitry Rybolovlev), Lorient (Black Knight football), Clermont (Core Capital) et Toulouse (RedBird).

Maintenu dans ses fonctions, le président Marc Keller a tenu à rassurer l’entourage du club et se veut optimiste pour son avenir : « C’est un jour important pour le Racing », a déclaré celui qui avait repris le club strasbourgeois pour un euro symbolique il y a 11 ans jour pour jour, un an après son dépôt de bilan prononcé en 2011, avant de remonter un à un les échelons du football français.

« Pas de filialisation »

« C’est une réflexion que mes amis actionnaires et moi-même menons depuis deux ans, a-t-il poursuivi. Nous avons construit un club sain à tous les niveaux et bien géré. Même s’il n’y avait pas d’urgence financière, nous étions conscients que nous avions atteint le plafond de notre modèle et que, si nous voulions continuer à faire avancer le Racing et à le projeter dans une nouvelle dimension, nous devions nécessairement être accompagnés par une structure solide capable de soutenir notre développement et notre ambition. »

À la peine cette saison en Ligue 1, le Racing a dû batailler pour assurer son maintien en terminant à la 15e place, même s’il avait toutefois décroché une 6e place inattendue au terme de l’exercice précédent. Une position dans le top 8 du championnat dans lequel Marc Keller souhaite voir le club se pérenniser. Chose qui, selon lui, sera rendue possible grâce à ce rachat. 

BlueCo possède déjà Chelsea (Premier League), l’équipe de baseball des Los Angeles Dodgers (MLB), ainsi que des parts dans la franchise de basket des Los Angeles Lakers (NBA) notamment. « Par son implication et son expertise reconnue dans le sport, BlueCo entend contribuer activement au développement du modèle mis en place par Marc Keller », a indiqué le nouveau propriétaire dans un communiqué.

« Le Racing va devenir un club parmi ces clubs-là, il n’y aura pas de filialisation avec Chelsea », a insisté une source proche du club. « Il y aura un actionnaire commun mais des directions sportives séparées. Il pourra y avoir des collaborations mais ce ne sera pas la priorité », a ajouté cette source en réponse aux craintes des supporters.

« Les nouveaux actionnaires majoritaires investissent dans le projet de Marc Keller pour lui donner les moyens de progresser, reprend la source proche du dossier. Le niveau de la Ligue 1 se resserre, si Strasbourg ne fait rien, inexorablement, le club va baisser dans la hiérarchie, il faut donc prendre aujourd’hui des mesures préventives pour permettre au club de garder sa place. »


Le stade de la Meinau en fusion lors de la réception du PSG en mai dernier. Jean-Christophe Verhaegen/AFP

« L’impression de perdre notre club »

Les supporters, déjà échaudés par plusieurs périodes d’instabilité ces dernières décennies et le dépôt de bilan du club en 2011, assorti d’une descente en 5e division, craignent que le Racing ne devienne une sorte d’antichambre au service des intérêts de Chelsea et finisse par plonger sportivement.

Ils entendent d’ailleurs faire part de leur mécontentement dans les prochaines semaines. Car en dépit des paroles rassurantes des actuels dirigeants, le fait de tomber dans le giron d’un mastodonte du football européen et de ne plus être une entité à part entière est vécu comme un immense coup de massue pour une majorité de fans, qui ne cachent par leur profonde inquiétude pour l’avenir de leur club de cœur. 

« On a l’impression de perdre notre club une seconde fois », assène Andreas Strachwitz, la trentaine, fan de longue date du Racing. « On avait déjà touché le fond il y a douze ans avec la gestion calamiteuse d’IMF (ancien propriétaire du club, NDLR), qui nous avait amenés jusqu’au dépôt de bilan. (...) Ce rachat, c’est un peu comme si on nous reprenait tout ce que l’on avait reconstruit depuis notre renaissance : un club familial, avec une forte identité locale et soutenu par le tissu industriel de la région. C’est ça, le Racing, pas la filiale d’une multinationale américaine », enchaîne-t-il.

Outre l’aversion pour ce modèle de la multipropriété et la provenance des nouveaux fonds qui alimenteront désormais les finances du club, les fans ont un avis tranché sur la nature des intentions des nouveaux investisseurs.

« Ils peuvent nous raconter tout ce qu’ils veulent pour essayer de nous rassurer, on sait bien qu’à terme pour ces mecs-là (les acheteurs), Strasbourg ne sera rien d’autre que l’équipe réserve de Chelsea : ils vont se servir allègrement parmi nos meilleurs joueurs, en particulier les jeunes issus de notre centre de formation, pour nous les échanger contre leurs indésirables. Et le jour où Marc Keller s’en ira, comme cela s’est passé à Lyon avec Aulas (Jean-Michel Aulas, qui a quitté ses fonctions six mois après le rachat, NDLR), ce sera la porte ouverte à toutes les dérives auxquelles on peut assister dans ce type de modèle. (...) On est dépités », conclut-il. 

Les pouvoirs publics alsaciens ont également exprimé leur préoccupation dans un communiqué commun : « L’eurométropole de Strasbourg, propriétaire du stade, et la ville de Strasbourg, partenaire de sa rénovation, resteront vigilantes à la transition entre les actionnaires et aux nouvelles modalités de gouvernance qui seront mises en place. »

Les prochaines semaines et le déroulé du mercato en cours permettront d’éclaircir un peu plus les véritables desseins poursuivis par Todd Boehly et ses associés, tout en donnant des premières indications sur la nouvelle puissance présumée du club alsacien. Mais vu les piètres résultats obtenus par Chelsea depuis son rachat par BlueCo, qui a conclu la saison au 12e rang de Premier League malgré des investissements colossaux sur le marché des transferts, le doute reste permis.

Les saisons passent et les clubs français passant sous pavillon étranger défilent encore plus rapidement. Dans la foulée de l’Olympique lyonnais, récemment passé sous la houlette de l’homme d'affaires américain John Textor (Eagle Football), une autre écurie du championnat de France souvent citée pour son modèle de gestion vertueux vient de céder aux...

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