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Moyen-Orient - Récit

Entre Riyad et Amman : (Dés)amours, gloire et coups bas

Le mariage du Prince Hussein et de Rajwa al-Saïf a été l’occasion de célébrer en fanfare non seulement l’héritier de Abdallah II sur le trône mais aussi les relations jordano-saoudiennes, après une longue période de froid. Retour sur une histoire « compliquée ».

Entre Riyad et Amman : (Dés)amours, gloire et coups bas

Le prince héritier de Jordanie, Hussein, et sa femme, Rajwa al-Saïf, dans un convoi le jour de leur mariage royal, à Amman, le 1er juin 2023. Khalil Mazaawi/AFP

Dans un mariage, tous les invités se ressemblent (ou presque) ; chaque absent l’est à sa façon. Tenez, par exemple, les noces en grande pompe du prince héritier Hussein de Jordanie et de l’architecte saoudienne Rajwa al-Saïf. Organisées le 1er juin courant à Amman, elles ont donné lieu à un défilé de personnalités du même acabit. Dans l’enclos du palais Zahran, on comptait, parmi les convives, les dauphins d’Abou Dhabi et du Koweït ; d'Oman et de Bahreïn ; ou encore cheikha Mozah, la mère de l’émir du Qatar. La crème des monarchies européennes était, bien sûr, de la partie. Tout comme la fine fleur des familles royales d’Asie, et quelques têtes non couronnées, mais renommées. Il en va ainsi d’Ivanka Trump, fille de Donald Trump, ex-président des États-Unis, et de Jill Biden, épouse de Joe Biden, actuel locataire de la Maison-Blanche qui, dit-on, se seraient soigneusement évitées tout au long de la cérémonie. Ce sont néanmoins les souliers de Rajwa al-Saïf qui ont affolé la toile : pourquoi diable portait-elle des chaussures plates pour pareille occasion ? Afin de mettre à l’honneur le chic de la pantoufle jordanienne, avancent certains. Par égard pour son mari, plus petit qu’elle, suggèrent d’autres.

Comme à l’accoutumée, ragots et sexisme ont plutôt fait bon ménage. Mais, pour les véritables mauvaises langues, l’essentiel est ailleurs, dans le décalage entre la prodigalité de l'événement et… la réalité économique du pays. La dette publique explose, atteignant désormais 50 milliards de dollars, soit 114 % du PIB. 28 % de chômage, d’après la Banque mondiale, ce n’est pas rien. Ça l’est encore moins quand le chiffre s’élève à 40 % parmi les 15-24 ans, que le dauphin que l’on célèbre en fanfare appartient, peu ou prou, à la même génération, et que son avenir paraît tout tracé quand celui de la jeunesse majoritaire est fort précaire.

Tout cela ne nous dit toutefois rien du véritable « éléphant » dans la pièce, de ce mastodonte qui devait venir et qui, finalement, n’a pas daigné faire signe : le prince héritier saoudien, le redoutable Mohammad ben Salmane (MBS). Car, à en croire le battage médiatique qui a suivi l’annonce des fiançailles en août dernier, les noces ne devaient pas seulement unir deux personnes, mais célébrer des cultures sœurs et, a fortiori, symboliser le rapprochement entre deux royaumes dont les liens se sont distendus au cours des dernières années. Et que l’on rabiboche depuis peu.

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (MBS) assiste au sommet de Djeddah sur la sécurité et le développement, le 16 juillet 2022. AFP

« Il y a eu, notamment du côté de la presse occidentale, une volonté de surpolitiser ce mariage », lance Aziz Alghashian, spécialiste de la politique étrangère saoudienne. « C’est d’abord une histoire entre le prince Hussein et Rajwa al-Saïf. Il s’avère qu’elle est saoudienne. Mais ce n’est pas pour cela qu’il l’épouse. Et si l’union était d’abord politique, il y aurait eu des personnalités importantes issues de la famille royale saoudienne qui seraient venues », abonde l’avocat jordanien Assem el-Omari.

Tout est pardonné ?

Le profil de Rajwa al-Saïf est cependant propice, vu de loin, à la confusion. C’est la première fois qu’une femme d’origine saoudienne est en mesure d’accéder, par alliance, au trône jordanien. Fille de l’homme d’affaires Khalil al-Saïf et d’Azza al-Soudaïri, elle est, de par sa mère, parente à l’une des familles les plus influentes de l’histoire du royaume wahhabite. Le roi Salmane est l’un des « sept Soudaïri », soit l’un des frères germains nés du monarque Abdelaziz et de Hassa bint Ahmad al-Soudaïri – sa septième épouse – dite « mère des rois » et arrière-grand-tante… de l’éventuelle future reine de Jordanie.

De là à faire du mariage de Rajwa al-Saïf avec le jeune Hussein la preuve ultime d’une proximité retrouvée entre Riyad et Amman, il n’y a qu’un pas que les rapports pour le moins complexes qu’entretient MBS avec ses proches invitent à nuancer.

« Quand on voit l’historique du personnage, il y a de fortes chances que le père de Rajwa al-Saïf, en tant qu’homme d’affaires, ait peur de lui. Et si MBS est par ailleurs capable de mettre en détention un oncle de premier degré, pourquoi se soucierait-il d’une lointaine cousine ? » demande, dubitatif, Assem el-Omari.

Le dauphin saoudien est aussi visionnaire qu’il est autoritaire. Depuis qu’il a été nommé prince héritier en 2017, il a multiplié les purges de grande ampleur contre toute forme ou menace d’opposition et n’hésite pas à prendre pour cible sa propre famille. L’affaire du Ritz-Carlton notamment reste dans les mémoires. Entre novembre 2017 et la fin du mois de janvier 2018, près de 300 princes, businessmen et anciens ministres saoudiens ont été retenus prisonniers dans cet hôtel de Riyad. Leurs avoirs ont été saisis. L’homme fort d’Arabie a deux objectifs : la modernisation du royaume et la consolidation de son assise par la marginalisation de toutes les lignées rivales dans la succession. Avec lui, plus de collégialité dans l’exercice du pouvoir.

D’un point de vue symbolique néanmoins, le récent mariage frappe fort. Les relations entre les deux monarchies s’étaient tellement dégradées sous le mandat de Donald Trump (2016-2020) que l’intégration au plus haut niveau dans la famille royale jordanienne d’une ressortissante saoudienne n’est pas un fait anodin. « Cela pourrait contribuer au réchauffement constant des relations entre la Jordanie et l'Arabie saoudite », analyse Curtis R. Ryan, professeur à l'Appalachian State University et spécialiste de la Jordanie, qui rappelle que Amman a joint sa voix à celle de Riyad pour défendre la normalisation des relations avec le régime syrien. Sans compter la situation socio-économique du pays, en lambeaux pour des raisons structurelles auxquelles se sont greffées les retombées de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Dans ces circonstances, impossible de se passer des investissements saoudiens.

En juin 2022, MBS a rencontré en Jordanie le roi Abdallah II ainsi que le prince Hussein, dans le cadre d’une tournée régionale. Il s’agissait alors de sa première visite en cinq ans. Tout est pardonné ? Pas vraiment. Mais l’heure est au pragmatisme. « Il n’y a pas beaucoup d’alchimie entre les deux monarques », indique Assem el-Omari.

Le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS) arrive à Amman en provenance du Caire, dans le cadre d'une tournée régionale en juin 2022. AFP.

Le dauphin saoudien n’oubliera pas de sitôt comment le roi Abdallah II l’a snobé lorsqu’il a tenté de rallier à sa cause les leaders du monde arabe après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018. Un crime dont la responsabilité lui est largement imputée. Il n’oubliera pas non plus comment Amman ne s’est pas joint à Riyad et à Abou Dhabi dans la mise au ban du Qatar en 2017. Comment le roi Abdallah II l’a nargué en invitant, en février 2020, cheikh Tamim al-Thani en Jordanie, alors que le boycott de Doha était encore en cours. Et comment, ensemble, les deux hommes ont réaffirmé leur soutien à la « cause palestinienne », plus particulièrement à l’établissement d’un État palestinien dans les frontières de 1967. Soit, un tacle « au deal du siècle » annoncé officiellement par Donald Trump quelques semaines plus tôt et officieusement soutenu par MBS. À quoi s’ajoutent la proximité de Doha avec Téhéran – alors ennemi juré de Riyad – le refus de Amman de participer à l’intervention militaire menée par l’Arabie saoudite au Yémen. Ou de lutter sur son territoire contre la confrérie honnie des Frères musulmans.

L'affaire Hamza

Côté hachémite, on se souvient de l’arrestation, en septembre 2017, du milliardaire jordanien Sabih Masri, proche conseiller du roi Abdallah II et gros investisseur non seulement dans l’économie jordanienne mais également palestinienne. Si l’homme est relâché à la fin de l’année par les autorités saoudiennes, l’épisode est vécu comme une rebuffade par le monarque jordanien. Le tout sur fond de confusion diplomatique autour des intentions de Riyad vis-à-vis de la gestion des lieux saints musulmans à Jérusalem dont il souhaiterait ravir la garde au roi de Jordanie. Et, pour forcer la main à Amman et l’amener à épouser ses vues concernant le « deal du siècle », MBS va jusqu’à interdire brièvement, fin 2018, l’entrée sur le territoire saoudien des Palestiniens détenteurs de documents de voyage temporaires. « Durant les années Trump, beaucoup en Jordanie se sont sentis mis de côté par les États-Unis et en partie par les relations entre l’Arabie, Israël et les Émirats. Mais le “deal du siècle” n’a jamais été mis en œuvre, à leur grand soulagement », explique Curtis R. Ryan.

Poignée de mains entre l'ancien président américain Donald Trump et Mohammad ben Salmane (MBS) à Washington, le 14 mars 2017. Nicholas Kamm/AFP

Quelques années plus tard néanmoins, le torchon brûle à nouveau : l’affaire Hamza déstabilise le royaume hachémite qui se trouve emporté dans un maëlstrom aux ressorts internes mais aussi, selon la rumeur, régionaux. Au printemps 2021, le demi-frère du roi, le prince Hamza, est assigné à résidence pour sa participation présumée à un « complot ». Dans la conférence de presse qui suit le prétendu coup, le vice-Premier ministre Ayman Safadi l’accuse lui et les autres prévenus de collaboration avec une puissance étrangère. La puissance en question n’est pas évoquée, et Riyad est le premier à apporter officiellement son soutien à Amman. Mais un nom sème le doute : Bassem Awadallah. L’homme, ancien ministre jordanien des Finances, fait partie des suspects. Et jusqu’à son arrestation, il comptait parmi les proches conseillers de MBS. D’après les ouï-dire, les deux acolytes auraient cherché à exploiter la contestation populaire en Jordanie pour renverser le monarque. « Certes, l'histoire hante parfois la psyché collective. Pendant longtemps, au sein des cercles royaux saoudiens, la Jordanie était perçue avec suspicion. On imaginait qu'elle voulait peut-être reprendre possession du Hedjaz. Mais la déstabilisation de la Jordanie aujourd'hui n'est vraiment pas dans l'intérêt de Riyad. Amman n’est pas une menace », insiste Aziz Alghashian. « Je pense que c’est une excuse. Je ne suis même pas sûre qu’il y ait eu un véritable complot. C’était plutôt, à l’époque, un moyen d’isoler Hamza qui disait tout haut ce que beaucoup pensent tout bas sur la corruption du pouvoir », confie Hala*, trentenaire originaire de la capitale jordanienne.

Jusqu’en 2004, le prince Hamza était le successeur attitré du roi Abdallah II. Or celui-ci a préféré l’écarter de la succession au profit de son propre fils dont les récentes noces ont aussi été l’occasion de rappeler son statut. On ne glorifie pas seulement le fils du roi mais le futur souverain.

La reine Rania, la princesse Basma, le prince Hamza, le roi Abdallah II et la reine Noor lors du mariage du Prince Hamza avec la princesse Basma en 2012. Yousef Allan/AFP

Pour Assem el-Omari, qui représente une partie des accusés dans cette affaire, « les Jordaniens n’ont pas répondu favorablement aux demandes saoudiennes de relâcher Awadallah, ce qui a contribué à envenimer les rapports entre les deux pays. Les Saoudiens n’ont pas accepté d’être traités de “comploteurs”. Je ne pense pas qu’il y avait un plan pour remplacer le roi, non par sympathie pour lui mais parce qu'ils ont d’autres chats à fouetter ».

La stabilité à tout prix

À maints égards, ces tensions jordano-saoudiennes paraissent relever d’une vieille querelle de famille. Des cousins sunnites et royalistes qui s’échauffent réciproquement la bile, mais qui, face à l’adversité du monde extérieur, savent faire bloc.

Tout commence en 1924, quand la dynastie hachémite est chassée de La Mecque par le roi Abdelaziz Ibn Saoud. Un véritable camouflet pour le chérif Hussein, qui, une décennie plus tôt, s’imaginait déjà à la tête d’un royaume arabe uni, délesté du poids ottoman. En vain. Ses alliés occidentaux, qui avaient appuyé la grande révolte de 1916, se retournent contre lui. D’abord, en se partageant les anciennes provinces arabes sur les décombres de l’empire et en ne lui laissant que la région du Hedjaz. Ensuite en appuyant la conquête de celle-ci par Ibn Saoud, alors en possession du plateau du Nejd.

Voilà le chérif Hussein contraint à l’exil et forcé à l’abandon des lieux saints de l’islam – La Mecque et Médine – dont les hachémites étaient les gardiens depuis le Xe siècle. Abdallah 1er, son fils, devra se contenter de l'émirat de Transjordanie, concédé par Londres en 1921, en guise de lot de consolation. Sous protectorat britannique jusqu’en 1946, il devient royaume dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale.

Les enfants du Chérif Hussein, commandant de la révolte arabe contre les Ottomans, photographiés à Bagdad dans les années 20. De gauche à droite, le roi Ali du Hedjaz, le roi Abdallah de Transjordanie et le roi Fayçal d'Irak (et ancien roi de Syrie). Wikicommons

De son côté, Ibn Saoud rumine, lui aussi, ses desseins perdus. La continuité territoriale espérée avec la Syrie n’est plus qu’une chimère… qu’il tente néanmoins de conjurer. Au début des années 1920, les provocations à l’encontre du voisin transjordanien seront ainsi systématiques, mais contenues par les forces britanniques. « La question des frontières est longtemps restée conflictuelle. Des milices religieuses appelées Ikhwan menaient régulièrement des raids au sein même de l'émirat. Elles ont failli prendre Amman », explique Assem el-Omari.

Si l’Arabie saoudite voit officiellement le jour sous sa forme moderne en 1932, l'animosité entre les deux États perdure jusqu’à la disparition de leurs souverains respectifs. Celle en 1951, du roi Abdallah Ier, assassiné par un partisan du mufti Hajj Amin el-Hussein. Et celle, en 1953, d’Ibn Saoud.

Le président américain Franklin Roosevelt en compagnie du roi Abdelaziz Al-Saoud sur l'USS Quincy. Wikicommons

S’ensuit alors une période d’accalmie. À sa naissance, personne ne parie sur le royaume de Jordanie. L’édifice repose sur un socle chancelant. Le découpage du territoire paraît peu naturel. Et il faut bâtir une nation rassemblant les descendants des tribus bédouines, des minorités chrétiennes et circassiennes, et des réfugiés palestiniens fuyant la Nakba à partir de 1948. Sans compter l’inclusion de la population palestinienne de Cisjordanie après son annexion en avril 1950. Mû par la nécessité de stabiliser le royaume, le roi Hussein, petit-fils de Abdallah Ier, n’a d’autre choix que d’approfondir ses relations avec Riyad. Durant des décennies, celui-ci apporte en outre une aide financière tacite aux tribus de l’est et du sud du pays, outil d’influence aux frontières jordaniennes qui lui permet de faire indirectement pression sur le monarque Hussein – avec plus ou moins de succès – lorsque ses intérêts géopolitiques l’exigent. Une influence tolérée par Amman, qui a su l’exploiter à son profit, même si les regards se sont alors presque toujours tournés vers l’Arabie lorsque la grogne des chefs tribaux s'est fait entendre : la monarchie voisine serait-elle derrière le mécontentement ?

Le Roi Hussein de Jordanie avec le roi Saoud ben Abdelaziz d'Arabie saoudite à Jérusalem en 1954. Wikicommons

En 1965, un accord bilatéral est signé, aboutissant à un échange de territoires. La Jordanie étend son littoral de 18 km le long du golfe d’Aqaba. L’Arabie s'élargit pour intégrer une enclave dans le Sud-Ouest. Le renforcement des liens s’opère dans un climat d’ébullition politique où mouvements et régimes dits « révolutionnaires » ou « anti-impérialistes » s’opposent aux monarchies conservatrices du Golfe, perçues comme réactionnaires et proches de l’Occident.

Royaume sans bruit

L’alliance est cependant malmenée par les humeurs de l’époque. Durant Septembre noir (1970-1971), Riyad prendra le parti des fedayin palestiniens afin de se les concilier, au grand dam du roi Hussein qui leur mène la guerre pour empêcher qu’ils ne s’emparent de l’État. Après l’invasion du Koweït par le dictateur irakien Saddam Hussein, les relations se détériorent. Amman s’oppose à l’intervention militaire contre Bagdad conduite par Washington, alors que Riyad y prend part. Le roi Hussein adopte un nouveau registre qui emprunte grandement au lexique nationaliste arabe. Devant le peuple jordanien, il dénonce des objectifs visant à « détruire l’Irak et à réorganiser la zone d’une manière bien plus dangereuse pour notre peuple que les accords Sykes-Picot » après la Première Guerre mondiale. Était-ce pour rallier le soutien d’une partie de la population d’origine palestinienne acquise à Saddam ? Peut-être. Mais le royaume hachémite sera forcé d’en revenir à ses positions traditionnelles, notamment depuis l’intronisation de Abdallah II en 1999. « Il a aidé au rétablissement de relations complètes avec l’Arabie peu de temps après et promu des liens étroits depuis », souligne Curtis R. Ryan.

Le 24 février 1990, le président irakien Saddam Hussein arrive à Amman, où il est accueilli par le roi Hussein de Jordanie. Mike Nelson / AFP

Financièrement, le pays dépend grandement de ses voisins du Golfe qui n’ont pas hésité à l’arroser de dollars pour éviter sa déstabilisation dans le contexte des printemps arabes. À quoi se conjugue l’expatriation professionnelle de longue date en Arabie saoudite d’au moins 400 000 Jordaniens. Avec, à la clé, l’envoi de fonds vers leur pays d’origine. Entre monarchies, il faut, de surcroît, se montrer solidaires. En février 2011, le royaume hachémite prête ainsi main-forte au royaume wahhabite pour mater la contestation à Bahreïn. Et Riyad observe d’un mauvais œil la multiplication, depuis plus de dix ans, des mouvements sociaux en Jordanie. La nature du régime est-elle en péril ? Pas vraiment. Si en 2012 comme en 2018, des manifestants sont allés jusqu’à remettre en question la légitimité d’Abdallah II, beaucoup de Jordaniens semblent avoir été vaccinés par l'expérience révolutionnaire syrienne et ses conséquences. Mais l’aspiration à des réformes est profonde. Après deux vagues de soulèvements populaires sans précédent dans la région, celle-ci n’a jamais offert de visage aussi autoritaire qu’aujourd’hui. Or, si la modernisation de l’Arabie offre à la jeunesse saoudienne une perspective d’avenir à laquelle se raccrocher, la Jordanie n’a pas ce privilège. Pas d’horizon économique à faire miroiter en échange d’un musèlement accru de la parole. En décembre 2021, l'organisation CIVICUS Monitor – qui recueille des données relatives à l’état de l’espace civique dans 197 pays – a déclassé la Jordanie d’espace « obstrué » à « réprimé ». En cause : la recrudescence et l’intensification des attaques contre le syndicat des enseignants,  les journalistes et les défenseurs des droits humains, notamment depuis la crise sanitaire.

Un royaume sans bruit, c’est ainsi que le pays a souvent été décrit. Serait-ce plutôt une eau qui dort ? 

Manifestation devant le bureau du Premier ministre à Amman, le 6 juin 2018. AFP

Dans un mariage, tous les invités se ressemblent (ou presque) ; chaque absent l’est à sa façon. Tenez, par exemple, les noces en grande pompe du prince héritier Hussein de Jordanie et de l’architecte saoudienne Rajwa al-Saïf. Organisées le 1er juin courant à Amman, elles ont donné lieu à un défilé de personnalités du même acabit. Dans l’enclos du palais Zahran, on...

commentaires (5)

Excellent article merci Souleyma!

zeina chahid

17 h 51, le 13 juin 2023

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Commentaires (5)

  • Excellent article merci Souleyma!

    zeina chahid

    17 h 51, le 13 juin 2023

  • Article sérieux,bien documenté,édifiant et agréable à lire !

    Citoyen Lambda

    17 h 28, le 13 juin 2023

  • Merci pour ce genre d’articles si bien recherchés.

    Michael

    15 h 11, le 13 juin 2023

  • Très bon article

    CHAHINE Omaya

    13 h 34, le 13 juin 2023

  • Waw, un autre article digne de l economist ou du nyt. Peut être que les jeunes lecteurs devraient voir Laurence dArabie pour mieux comprendre comment la machination Anglo française a empêchée la création d une grande puissance arabe. Pour la petite histoire j ai bien connu Khaled el Seif a l AUB, lui ai parle sporadiquement. Un homme d une grande respectabilité, un Gentleman.

    Zampano

    08 h 49, le 13 juin 2023

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