Le président du Conseil supérieur de la magistrature, Souhail Abboud, a réclamé jeudi dans un discours l'adoption d'une loi sur l'indépendance de la justice, alors que le pouvoir judiciaire est soumis à de fortes pressions politiques au Liban et que d'importants dossiers, comme celui de la double explosion du 4 août 2020, sont en suspens.
M. Abboud a prononcé son discours à l'occasion de la commémoration de l'assassinat de quatre juges tués en plein prétoire, le 8 juin 1999, au palais de justice de Saïda.
"L'Etat de droit et la justice vont de pair avec une justice libre, indépendante et efficace. Mais où en sommes-nous et comment y arriver ?, a lancé M. Abboud. La réponse est claire et sans équivoque : il n'y a pas de justice sans loi garantissant son indépendance, sans CSM complet, uni et cohérent, qui peut assumer la responsabilité de ses décisions". La loi sur l'indépendance de la justice avait été renvoyée en commission parlementaire par la Chambre en février 2022. Le texte de base a été fortement modifié par cette commission au grand dam du CSM et des rédacteurs du texte initial. Le magistrat a encore appelé à ce que le texte soit adopté "conformément à la proposition faite par le CSM". Cette loi anticorruption fait partie des réformes attendues par la communauté internationale pour débloquer des aides pour le Liban.
"Il n'y a pas de justice sans nominations et permutations judiciaires basées sur des critères objectifs et non sur des partages de parts entre les différentes parties politiques et sur des ingérences", a encore réclamé le magistrat.
Une série de permutations judiciaires sont attendues depuis des années. L'ancien président Michel Aoun bloquait le dossier, qui a fait de nombreux allers-retours entre les responsables concernés et, depuis la fin de son mandat, aucun nouveau chef de l'Etat n'a été élu pour le rouvrir.
"Aucun clientélisme"
"Il n'y a pas de justice sans que vérité et justice soient faites sur l'affaire de l'explosion au port de Beyrouth, sans poursuite de ceux qui sont impliqués dans des dossiers de corruption et de gaspillage des fonds publics, sans aucun clientélisme", a ajouté Souhail Abboud.
L'instruction sur la double déflagration d'août 2020 est à nouveau à l'arrêt. Au moment de sa reprise de l'enquête sur la double explosion du 4 Août, le juge d'instruction Tarek Bitar avait lancé des poursuites à l'encontre de plusieurs personnalités, dont Ghassan Oueidate. En réaction, le procureur avait ordonné la libération des 17 suspects détenus sans procès depuis août 2020. Dernièrement, un magistrat a été désigné par le président du CSM pour enquêter sur l'action en justice intentée par le procureur Oueidate contre Tarek Bitar, mais aucune avancée n'a encore été enregistrée.
Souhail Abboud s'est également penché, dans son discours, sur la situation des juges face à la crise. "Il n'y a pas de justice sans salaires et rétributions justes accordées aux juges et aux greffiers", a-t-il lancé.
En 1999, des assassins avaient ouvert le feu sur les magistrats Hassan Osman, Imad Fouad Chéhab, Walid Harmouche et Assem Bou Daher, qui occupaient respectivement les postes de président et de membres de la Cour criminelle de Saïda, et de procureur général auprès de cette Cour, à travers les deux fenêtres d'une salle d'audience, située au rez-de-chaussée du bâtiment. Les tireurs avaient ensuite pris la fuite en direction du camp palestinien de Aïn el-Héloué tout proche, en abandonnant leurs fusils-mitrailleurs et un lance-roquettes. Quatre personnes avaient été condamnées à mort en 2019 pour l'assassinat des 4 juges de Saïda. La peine capitale est prévue par la loi libanaise mais un moratoire sur les exécutions est en vigueur dans ce pays depuis 2004.
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