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Société - Développement durable / PNUD

« Au Liban, le potentiel humain est énorme »

Mélanie Hauenstein, représentante résidente au pays du Cèdre du Programme des Nations unies pour le développement, dresse les priorités et les défis de l’action de l’organisation au Liban.

« Au Liban, le potentiel humain est énorme »

Mélanie Hauenstein, représentante résidente du PNUD au Liban, dans les locaux du PNUD. Photo A.-M. H.

Dans un Liban empêtré dans une crise inédite, le développement durable reste sa priorité, à l’heure où les institutions se délitent, la population se paupérise, les forces vives émigrent. Mélanie Hauenstein, représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement au Liban (PNUD), résume pour L’Orient-Le Jour les principaux points de l’action de cette organisation. Un programme qui repose sur le soutien aux réformes et à la gouvernance, sur la réponse à la crise à travers une approche préventive et à long terme, et sur l’aide au développement vert et inclusif.

Mélanie Hauenstein est une femme de terrain. Depuis son arrivée au Liban en février 2022, au lendemain de la crise du Covid et en plein effondrement de la monnaie locale, elle n’a de cesse de sillonner le pays, de travailler à l’échelle locale, via les municipalités, pour stabiliser les services publics, donner un support aux entrepreneurs et projets agroalimentaires générateurs d’emplois, aux communautés hôtes ou réfugiées… avec le concours de pays donateurs. « Au Liban, il existe un énorme potentiel humain susceptible de redresser la donne, confie-t-elle. Encore faut-il en faire quelque chose de positif. » Son objectif est de soutenir les communautés vulnérables et les projets de développement dans le respect de l’environnement, dans un contexte de crise des réfugiés syriens. Une approche qu’elle veut pérenne et durable, même si certaines actions temporaires, accordées sous forme de cash, sont parfois inévitables. « Parce qu’il n’existe pas de solution à court terme. Parce qu’il n’existe pas non plus de raccourci à une approche à long terme du développement », souligne-t-elle.

Aliments pour bébé made in Lehfed
À Lehfed, dans le caza de Jbeil, le PNUD (avec l’aide du Canada) apporte son appui au projet d’une habitante qui a développé une usine de fabrication d’aliments pour bébé et emploie des femmes uniquement. « Le produit est testé dans un laboratoire privé de Tripoli. Il est désormais en vente au Liban dans une cinquantaine de pharmacies. Avec pour vision de voir s’ouvrir les portes des marchés régionaux et internationaux avant de devenir une référence dans la région », précise la représentante. Le PNUD contribue à faire le lien entre les personnes, les emplois et les secteurs. Dans une étape ultérieure, il aide à paver la voie à l’exportation, à l’ouverture du produit à des marchés plus importants, car « l’export permet l’accès aux devises et le réinvestissement ». Une nécessité « en temps de crise ».

La représentante du PNUD au Liban, Mélanie Hauenstein, lors d'une visite de terrain. (Photo PNUD)

La représentation égalitaire des femmes et des hommes, mais aussi la capacitation (développement des capacités, NDLR) des femmes sont au cœur de l’appui de l’organisation onusienne à ce projet agroalimentaire en zone rurale parmi tant d’autres. « Le taux de participation des femmes à la vie active reste parmi les plus faibles au monde, 22 % seulement contre 66 % d’hommes », regrette Mélanie Hauenstein.

Également au cœur des priorités du PNUD, la sécurité alimentaire de la population, communautés hôtes ou réfugiés, dans un contexte de dollarisation du coût des matières premières et de changement climatique à l’échelle planétaire. « À Jezzine, nous avons aidé des agriculteurs à adapter leurs pommiers au climat. Dans la Békaa, nous encourageons les familles à exploiter leurs terrains », affirme Mélanie Hauenstein. « Dans le Akkar, 67 % de la population risque l’insécurité alimentaire en 2023 », met-elle en garde. Avec l’effondrement de la livre libanaise qui avoisine les 94 000 LL pour un dollar (contre 1 500 LL à l’été 2019), « la vente des produits agricoles ne rapporte quasiment plus rien aux fermiers, sachant que les coûts d’exploitation des terres sont en devises étrangères », précise-t-elle. Et pourtant, la crise financière et le Covid ont encouragé un retour aux sources. « De nombreux Libanais sont retournés vivre dans leurs villages d’origine. Résultat, l’agriculture contribue désormais à 9 % du PIB contre 3 % avant la crise », observe la responsable. Mais encore faut-il que les autorités libanaises « saisissent l’opportunité pour s’engager dans les réformes et le développement vert et inclusif, « et qu’elles trouvent des solutions au « manque d’accès aux financements ».

L’énergie solaire dans tous les domaines
C’est dans ce cadre qu’intervient le soutien du PNUD à l’énergie solaire, un secteur à la croissance exponentielle au Liban et dans le monde. « Depuis la crise de l’électricité, les investissements dans l’énergie solaire ont été quatre fois plus importants que durant les dix dernières années », constate Mélanie Hauenstein. Concrètement, cela se traduit par un soutien onusien au développement du solaire dans différents domaines, la santé, la sécurité, les services, l’éducation, la justice, les services d’irrigation… « Le PNUD a équipé les 15 hôpitaux publics de panneaux solaires avec le concours de l’Allemagne, annonce Mme Hauenstein. Avec le support de l’Union européenne, nous avons aussi équipé d’énergie solaire les postes de contrôle de l’armée libanaise à Ras Baalbeck, à la frontière libano-syrienne. » Des solutions concrètes qui attendent d’être complétées par une « réglementation du secteur ».

Au Liban, le programme du PNUD est « l’un des plus complets dans la région. « En 2022, sa contribution financière s’est élevée à 84 millions de dollars, injectés aussi bien dans l’environnement que dans la réduction de la pauvreté, dans la stabilisation des services publics que dans le soutien aux réformes, dans la gouvernance que dans l’accès à la justice, énumère Mme Hauenstein. Si l’État a bien lancé une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, il n’a plus les moyens de sa politique aujourd’hui et ne peut plus prendre en charge les personnes vulnérables, comme les personnes âgées, les handicapés, les professeurs, les services sécuritaires… ». La dernière étude officielle sur la pauvreté remonte à 2011. Selon l’Administration centrale de la statistique, le taux de pauvreté plafonnait alors à 27 %. Il était basé sur un taux de change de 1 500 LL pour un dollar. « Les seules estimations disponibles qui découlent d’une étude récente de l’Escwa affirment que 82 % des ménages expérimentent une pauvreté multidimensionnelle (se privant d’au moins une chose) », déplore la représentante, invitant l’État à définir un nouveau taux de pauvreté nationale. Un défi parmi tant d’autres qui entravent la bonne marche vers le développement durable, à l’instar du manque de vision, de l’absence de volonté politique, de la grande fragmentation de la sphère politique, de la distribution inéquitable des richesses… 

Dans un Liban empêtré dans une crise inédite, le développement durable reste sa priorité, à l’heure où les institutions se délitent, la population se paupérise, les forces vives émigrent. Mélanie Hauenstein, représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement au Liban (PNUD), résume pour L’Orient-Le Jour les principaux points de l’action de cette...
commentaires (2)

C'est la même phrase que le même type de hauts fonctionnaires internationaux utilisent dans tous les pays de merde. C'est dans leurs fiches descriptives de poste, ça caresse les populations dans le sens du poil, ça fait oublier qu'ils carressent encore plus les régimes corrompus et ça justifie les salaires faramineux que eux et leurs équipes touchent.

Moi

12 h 34, le 10 juin 2023

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Commentaires (2)

  • C'est la même phrase que le même type de hauts fonctionnaires internationaux utilisent dans tous les pays de merde. C'est dans leurs fiches descriptives de poste, ça caresse les populations dans le sens du poil, ça fait oublier qu'ils carressent encore plus les régimes corrompus et ça justifie les salaires faramineux que eux et leurs équipes touchent.

    Moi

    12 h 34, le 10 juin 2023

  • Les libanais ont réussi un exploit en oins d’un an qui est d’installer des panneaux photovoltaïques alors que leurs gouvernants ont été incapables de le faire en plus de quarante ans. Mais voilà lorsque les gouvernants constatent que le marché des énergies renouvelables ne leur profite pas autant qu’un nouveau incertain, ils préfèrent garder le même système qui fonctionne et leur rapporte gros. Le monde est confronté à une catastrophe naturelle où tous les jeunes du monde sont mobilisés pendant que notre jeunesse et nos anciens se battent pour vivre tout simplement.

    Sissi zayyat

    19 h 19, le 09 juin 2023

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