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Campus - ENTRETIEN

Slim Khalbous : Le Liban dispose des ressources nécessaires pour sortir de la crise

Lors de sa visite à Beyrouth début juin, le recteur de l’AUF a rencontré les acteurs de l’enseignement supérieur ainsi que des chefs d’entreprise dans l’objectif de mieux accompagner les universités en matière d’employabilité des jeunes.

Slim Khalbous : Le Liban dispose des ressources nécessaires pour sortir de la crise

Slim Khalbous, recteur de l’AUF. Photo Paul-Marc Massabni

Que pensez-vous de la situation de l’enseignement supérieur au Liban ?

Le secteur de l’enseignement supérieur subit la crise, tout comme les autres secteurs au Liban. Cependant, il dispose d’une base de très grande qualité et présente encore de belles opportunités. Les crises successives des quarante dernières années n’ont jamais autant affecté le système éducatif. Aujourd’hui, la principale préoccupation est d’ordre financier. Parallèlement, l’un des atouts de l’enseignement supérieur libanais est sa propension à coopérer avec la communauté internationale, ce qui lui permet de rester en contact avec les meilleures pratiques dans le domaine de l’éducation. En tant qu’organisation internationale, notre rôle est de renforcer davantage la coopération internationale et de faciliter les liens entre les universités locales et internationales. Du point de vue institutionnel, nous avons été un partenaire solide dans les réformes. En collaboration avec le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) a été un des acteurs-clés des États généraux de l’enseignement supérieur au Liban, qui ont abouti à la publication de recommandations en mars 2022.

Quelles sont les attentes suite aux recommandations des États généraux de l’enseignement supérieur au Liban ?

Lors de notre réunion d’hier, nous avons longuement discuté des recommandations avec le ministre Halabi et son équipe, qui s’efforcent de mettre en œuvre les axes prioritaires. Nous avons examiné la manière dont l’AUF peut accompagner le ministère dans la mise en place de ces priorités. Parmi elles, il y a par exemple l’assurance qualité, sans laquelle les universités libanaises ne pourraient pas obtenir l’accréditation des organismes internationaux. Il y a également la question de l’enseignement à distance, qui est encore interdit par la législation libanaise. L’enjeu est de trouver une approche hybride de qualité. La troisième priorité concerne la professionnalisation et le rapprochement avec le monde économique, qui se décline en deux dimensions. La première est la formation par alternance, qui n’existe pas encore au Liban. Il s’agit de permettre aux étudiants de travailler dans une entreprise tout en poursuivant leurs études. Cela soulève plusieurs questions, telles que la rémunération des étudiants, le rôle de l’entreprise et la valorisation du diplôme. La deuxième dimension du rapprochement avec les entreprises concerne la validation des acquis de l’expérience professionnelle (V.A.E.), c’est-à-dire l’apprentissage tout au long de la vie. Il s’agit de mettre en place un système permettant de valoriser l’expérience professionnelle, comme un ensemble de compétences, afin de faciliter le retour à l’université. Nous pouvons accompagner les acteurs libanais dans la mise en place de ces deux dimensions en mobilisant notre expertise. Les présidents d’université nous ont exprimé leur souhait de préserver la relation de proximité avec l’AUF et de valoriser la spécificité de notre partenariat. Nous entretenons d’ailleurs une relation de longue date avec eux.

Quels besoins ont été exprimés par les responsables d’établissements universitaires lors de votre rencontre ?

Nous avons examiné la question du maintien des compétences, étant donné que de nombreux jeunes souhaitent quitter le pays en raison de la situation économique et financière. L’idée est d’améliorer la qualification pour réduire le fossé entre le diplôme et l’emploi, en offrant une meilleure formation et en favorisant une meilleure insertion professionnelle afin de retenir une partie de cette jeunesse dans le pays. Les entreprises sont prêtes à s’investir dans ce domaine. Lorsque les jeunes décident de partir, il est important qu’ils puissent revenir au Liban avec un projet.

Le Centre d’employabilité francophone de Beyrouth (CEF) a été lancé en 2021. L’objectif défini lors de sa création a-t-il été atteint?

L’objectif qualitatif de ce centre est de favoriser l’employabilité des jeunes. Les établissements membres de l’AUF s’efforcent de favoriser une meilleure insertion de leurs étudiants dans le monde socio-économique, d’empêcher la fuite des cerveaux, et d’éviter que les jeunes diplômés travaillent dans des métiers non liés à leurs diplômes. Ces préoccupations ont conduit à la création du Centre d’employabilité francophone, qui vise à intégrer toutes les solutions permettant d’améliorer l’employabilité. Après plusieurs années d’expérience, il a été conclu que ces solutions sont multiples, d’où la structuration du centre en 4 pôles. Le premier pôle offre un accompagnement à l’emploi classique, tel que la rédaction de CV et la préparation aux entretiens d’embauche. Le deuxième pôle propose des formations complémentaires en compétences transversales, tandis que le troisième pôle se concentre sur l’attribution de certifications professionnelles notamment en informatique, en gestion de projets et en français sur objectif spécifique. Enfin, le quatrième pôle se concentre sur la pré-incubation, la sensibilisation à l’entrepreneuriat, et l’accompagnement des jeunes susceptibles de devenir de véritables créateurs d’entreprises. Ce quatrième pôle vise à combler le fossé entre les incubateurs traditionnels et les universités. Dans ce cadre, des animateurs du Centre d’employabilité francophone ont été formés afin d’accompagner les étudiants entrepreneurs. Par ailleurs, nous sommes conscients d’avoir atteint l’objectif quantitatif sur la base des statistiques de fréquentation. En un an et demi d’activité à Beyrouth, les formations et activités du CEF ont bénéficié à 6 500 personnes. Le Centre d’employabilité francophone est désormais connu de toutes les universités, des responsables gouvernementaux et des chefs d’entreprise. Tous les acteurs concernés par l’employabilité des jeunes ont pris conscience de son importance. La plupart des objectifs ont été atteints, même s’il reste encore du travail à accomplir.En parallèle, outre les universités membres de l’AUF, nous répondons également aux demandes d’organismes privés ou publics pour organiser des sessions de formation au sein de notre Centre d’employabilité francophone.

Outre le fonctionnement en 4 pôles, quelles actions seront mises en place par le CEF de Beyrouth pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes ?

Le projet phare que nous avons réalisé en collaboration avec le gouvernement est le statut national d’étudiant entrepreneur. Ce projet a été adopté par circulaire ministérielle en décembre, malgré la crise au Liban. Il permet aux étudiants sélectionnés sur la base de leur projet d’intégrer le programme national et de bénéficier d’une série d’avantages, tels qu’un encadrement académique et professionnel conjoint. Ainsi, l’étudiant poursuit ses études tout en préparant son projet. S’il persévère jusqu’au bout, il obtient son diplôme tout en réalisant un projet lui permettant de devenir entrepreneur et donc créateur d’emploi.

Quels sont les axes de développement des Centres d’employabilité francophone de l’AUF pour les années à venir ?

Les axes de développement sont déterminés en fonction des besoins de nos membres. Il s’agit d’une méthodologie basée sur l’écoute et la co-construction. Nous réalisons régulièrement des enquêtes auprès de nos membres, comme hier lors de la réunion avec les responsables d’établissements universitaires. Ensuite, nous nous efforçons de transformer ces besoins en plans de formation, de coaching ou de suivi. Au Liban, ces besoins sont principalement liés à la crise.

Un mot de la fin ?

Malgré la crise profonde que traverse le pays à tous les niveaux, le Liban dispose des ressources et de l’état d’esprit nécessaires pour s’en sortir. Mon message est de valoriser l’école et l’université, ainsi que le savoir et la connaissance, afin de surmonter la crise. Cela permet de dépasser les clivages politiques, confessionnels et sociaux. Face au savoir, nous sommes tous égaux.

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